On sait depuis longtemps que l'investissement privé non immobilier est une faiblesse de l'économie canadienne et de celle du Québec en particulier.

Loin de se corriger, cette lacune s'est même aggravée dans les dernières années, selon une analyse poussée réalisée par trois chercheurs de l'Institut C.D. Howe.

Benjamin Dachis, William Robson et Nicholas Chesterley ont décortiqué des données statistiques de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), de Statistique Canada et de la base du C.D. Howe. Leurs conclusions sont inquiétantes.

Les entreprises canadiennes investissent moins en machines et en équipements par travailleur que la plupart des autres pays de l'OCDE, et bien moins, en particulier, que leurs concurrentes américaines. L'écart qui avait commencé à se combler durant la décennie précédente a recommencé à s'élargir depuis deux ans.

Pire, l'Ontario et le Québec arrivent désormais en queue de peloton, derrière même le Nouveau-Brunswick et l'Île-du-Prince-Édouard, les cancres canadiens traditionnels de ce palmarès.

Ainsi, pour 1$ par travailleur investi en capital par une entreprise américaine, l'entreprise canadienne a avancé en moyenne 67 cents de 2003 à 2007, puis 74 cents de 2008 à 2012. Cette année, les intentions d'investir représentent seulement 71 cents. (Les données sont exprimées en dollars canadiens courants selon le mode de conversion des parités de pouvoir d'achat, qui limite les fluctuations des taux de change).

À l'échelle des provinces, on observe des variations significatives: 2,50$ en moyenne pour les entreprises de Terre-Neuve-et-Labrador (pour chaque dollar investi par une entreprise américaine), mais moins de 50 cents pour celles de l'Ontario et du Québec.

«L'investissement par travailleur au Québec sera le plus faible des provinces canadiennes pour la première fois en 30 ans», notent les auteurs.

C'est aussi la première fois que l'investissement en Ontario sera plus faible que celui des provinces maritimes.

Au Québec, l'investissement moyen par travailleur est évalué à 5700$. Il est de 7000$ en Ontario, de 9000$ au Nouveau-Brunswick et... de 47 000$ à Terre-Neuve-et-Labrador.

Pour les deux provinces centrales, les investissements sont au surplus à leur plus bas en 10 ans. Comme les chiffres sont en dollars courants, cela signifie que le recul est encore plus prononcé en termes réels.

Une partie de l'explication se trouve sans doute dans les déboires du secteur manufacturier, plus présent dans les deux provinces centrales.

Les auteurs n'avancent pas cette hypothèse, cependant.

Fait à noter, c'est seulement au Nouveau-Brunswick, en Nouvelle-Écosse et dans l'Île-du-Prince-Édouard que les intentions d'investir sont plus élevées cette année que l'an dernier.

Les auteurs attribuent au goulot d'étranglement dans la livraison de produits pétroliers et gaziers et aux incertitudes économiques mondiales la baisse des intentions d'investir dans les trois provinces pétrolières canadiennes, qui accaparent le gros des investissements en machines et en équipements depuis le début du siècle.

Pour remédier au sous-investissement persistant qui nourrit la perte de compétitivité canadienne, les auteurs prônent des réformes de la fiscalité des entreprises. Ils préconisent notamment une diminution de l'imposition des profits résultant de l'innovation et des stimuli fiscaux accrus pour la recherche et le développement.

Pour l'Ontario en particulier, ils proposent de donner au secteur privé accès à la production et à la distribution d'électricité.

En ce qui a trait au Québec, espérons que la Commission d'examen de la fiscalité québécoise (présidée par Luc Godbout) tiendra compte de ces suggestions.