Chaque année, les organismes de développement économique du monde entier se vantent des investissements qu'ils ont réussi à attirer sur leur territoire. Pas facile, toutefois, de savoir comment ils se mesurent par rapport à leurs concurrents.

Ainsi, Investissement Québec dit avoir contribué à attirer des investissements étrangers de 2 milliards au cours de son plus récent exercice financier, qui a pris fin le 31 mars. C'est deux fois plus qu'en 2012-2013. Or, les autres provinces ne fournissent pas de données semblables, ce qui complique les comparaisons.

À la demande de La Presse Affaires, les économistes de Montréal International (MI) ont donc compilé les chiffres provenant de la base de données fDi Markets pour les années 2009 à 2013. Nous avons classé les régions du Canada et des États-Unis en divisant la valeur des investissements étrangers en immobilisations (et les emplois que ceux-ci ont créés ou maintenus) par le nombre d'habitants.

Montréal arrive au cinquième rang pour ce qui est des investissements (derrière Phoenix, San Francisco, Toronto et Dallas) et neuvième en ce qui a trait aux emplois (derrière Phoenix, San Francisco, Dallas, Seattle, Miami, Toronto, Boston et Chicago, mais devant des villes comme Vancouver, New York, Los Angeles et Philadelphie).

Le Québec à la traîne

Le Québec dans son ensemble fait moins bonne figure. Il se classe 14e pour les investissements et 15e pour les emplois, derrière des États et des provinces aussi variés que l'Indiana, la Caroline-du-Sud, l'Alberta, l'Ontario, la Colombie-Britannique, l'État de New York, le Massachusetts, la Californie et l'Illinois.

Le hic, c'est que pour les États-Unis, fDi Markets comptabilise à la fois les investissements étrangers et ceux provenant de l'extérieur d'un État donné. Pour le Canada, la firme n'inclut que les investissements provenant de l'extérieur du pays. La raison? Les États-Unis ont une économie très autosuffisante, beaucoup moins dépendante des investissements étrangers que d'autres pays, dont le Canada.

En excluant les investissements intra-américains, Montréal arrive en deuxième place, derrière Toronto, et ce, tant pour les investissements que pour les emplois. Quant au Québec, il se classe au cinquième rang pour les investissements et au sixième rang pour les emplois.

Dominique Anglade, PDG de Montréal International, se dit satisfaite de la performance de la métropole, mais veut mettre la barre encore plus haut. «Notre problème, c'est le niveau d'ambition qu'on a, a-t-elle déclaré en entrevue avec La Presse Affaires. On serait capables de faire beaucoup plus.»

Quand la métropole est sur la «courte liste» pour un projet d'investissement, elle l'obtient dans 60% des cas, soutient Montréal International. «Là où on a de la misère, c'est en amont, constate Mme Anglade. Est-ce qu'on est suffisamment agressifs pour aller chercher davantage de projets? Est-ce qu'on active tous les leviers dans nos réseaux pour stimuler les projets?»

En 2013, Montréal International a connu une année exceptionnelle en facilitant des investissements totalisant 1,3 milliard. C'est le double des récoltes des dernières années, qui tournaient autour de 680 millions. Dominique Anglade souhaite que 1 milliard par an devienne la nouvelle norme.

Pour y parvenir, l'ancienne présidente de la Coalition avenir Québec veut convaincre le secteur privé de verser 3 millions de plus à Montréal International, de manière à faire passer le budget annuel de l'organisme de 8 à 11 millions.

Le PDG d'Investissement Québec, Mario Albert, ne veut pas commenter directement les statistiques compilées par Montréal International, n'ayant pas pu les analyser en profondeur. En entrevue, il confie toutefois que la société d'État songe à rehausser ses objectifs annuels. «On réfléchit sur le potentiel, affirme-t-il. Est-ce qu'on doit maintenir notre cible à 1 milliard ou est-ce qu'on doit la relever? Après tout, on l'a toujours atteinte au cours des dernières années.» IQ tranchera à ce sujet d'ici la fin de l'année.

Il faut toutefois noter que Montréal et le Québec arrivent au sommet du classement pour ce qui est des investissements étrangers et des emplois créés par ceux-ci dans les secteurs de haute technologie (informatique, électronique, sciences de la vie et aérospatiale). Autre atout: l'an dernier, le magazine fDi Intelligence a estimé que Montréal avait la meilleure politique en matière d'investissements étrangers dans les Amériques.

Cinq ans après la publication du rapport du vérificateur général qui avait déploré les inefficacités dans les activités de prospection d'investissements, plusieurs problèmes ont été réglés. Pour aller plus loin, Montréal International et Investissement Québec envisagent d'élaborer un protocole d'entente qui préciserait les rôles et responsabilités de chacun.

«Mais des fois, ce n'est pas une mauvaise chose qu'Investissement Québec essaie d'entrer par la porte A d'une multinationale et Montréal International par la porte B, fait remarquer Christian Bernard, économiste en chef de MI. La clé, c'est de se parler et de s'assurer d'être bien coordonnés.»

Chose certaine, Montréal et le Québec ne peuvent pas se permettre de mal utiliser leurs ressources. La concurrence mondiale est de plus en plus féroce. «Le nombre d'agences de promotion des investissements a quintuplé au cours des 20 dernières années, passant de 800 à 4000, souligne M. Bernard. Toutes les régions font le même calcul, à savoir que les investissements étrangers, c'est payant.»

Dans la région montréalaise, les 200 filiales de sociétés étrangères ne représentent que 2% de tous les établissements, mais 9% des emplois et... 20% du PIB.

Toronto envie Montréal... mais fait mieux

À Toronto, certains rêvent de créer l'équivalent de Montréal International pour que la région soit mieux organisée en matière de prospection d'investissements étrangers. Pourtant, la Ville reine obtient déjà les meilleurs résultats au Canada et aux États-Unis dans ce domaine.

L'an dernier, un rapport de la firme PwC réalisé pour le compte de la Greater Toronto Marketing Alliance (GTMA) a recommandé à la métropole canadienne de reproduire le modèle montréalais, où Montréal International est chargé d'attirer les investissements étrangers pour l'ensemble des 82 municipalités de la région. Du côté torontois, cette responsabilité est partagée entre la GTMA, Invest Toronto (un organisme de la Ville de Toronto) et les autres municipalités de l'agglomération.

Or, Toronto arrive au premier rang de toutes les régions métropolitaines du Canada et des États-Unis pour ce qui est des investissements étrangers, devant Montréal et Vancouver (en excluant les investissements d'entreprises américaines aux États-Unis).

De plus, parmi toutes les villes d'importance au Canada, Toronto jouit de la meilleure perception auprès des dirigeants de grandes entreprises américaines et de consultants en localisation, selon un sondage mené l'an dernier pour la firme Development Counsellors International. Montréal se classe en 10e place, derrière des villes comme Vancouver, London et Halifax. De plus, les répondants ont estimé qu'Invest Toronto est l'agence canadienne de promotion des investissements la plus efficace à l'étranger.

Sous le couvert de l'anonymat, des démarcheurs québécois admettent du bout des lèvres que Toronto est un concurrent redoutable. Pour plusieurs investisseurs étrangers, rappellent-ils, le réflexe naturel est d'aller à Toronto, centre géographique et économique du Canada.

D'où l'importance d'investir dans des efforts de visibilité. Avant de rencontrer une représentante de Montréal International, les dirigeants de la firme informatique américaine Orion en savaient bien peu sur la métropole, qui ne figurait même pas sur leur liste de villes candidates à un investissement. Finalement, Orion a choisi Montréal pour son implantation canadienne en avril dernier.

Photo La Presse Canadienne

Toronto obtient de meilleurs résultats que Montréal en matière d'investissements étragers.