Les Rôtisseries St-Hubert souhaitent permettre à leurs clients d'apporter leur propre vin dans leurs restaurants, tout en conservant leur carte d'alcool et de spiritueux. L'entreprise québécoise s'est inscrite au Registre des lobbyistes du Québec à cette fin, mercredi dernier.

Dans son inscription, l'entreprise indique qu'elle désire obtenir un permis spécial qui «autoriserait les restaurateurs qui possèdent déjà un permis d'alcool d'offrir aussi la possibilité à leurs clients d'apporter leur propre vin». Les représentants de l'entreprise ont refusé notre demande d'entrevue.

Si la chaîne de restaurants réussit à mettre à exécution son plan, elle serait la première au Québec à obtenir cette dérogation à la loi. Dans la province, les restaurants peuvent obtenir un permis de vente d'alcool ou un permis de service d'alcool (apportez votre vin), mais il est impossible de détenir les deux.

«Il faudrait une modification législative, et ça prendrait un changement de culture. Ce n'est pas banal comme demande», a déclaré Me Joyce Tremblay, porte-parole de la Régie des alcools, des courses et des jeux, confirmant que des pourparlers sont en cours mais que le projet demeure à l'état embryonnaire.

Timbre spécial

Les bouteilles de vin actuellement vendues dans les restaurants doivent toutes être apposées d'un timbre spécial. Si la loi change, des bouteilles avec timbres et d'autres sans timbre se retrouveront sous un même toit, ce qui pose un problème de contrôle, dit la Régie.

«Les timbres existent pour que le ministère du Revenu soit au courant des bouteilles qui sont vendues. Pour un restaurant, ça serait facile de dire qu'il a vendu deux bouteilles de vin alors qu'il en aurait vendu 40 en une soirée. En ayant les bouteilles timbrées, il y a un plus grand contrôle du ministère du Revenu», explique Me Tremblay.

L'Association des restaurateurs s'y oppose

L'Association des restaurateurs du Québec (ARQ) sait depuis un ou deux ans que St-Hubert travaille sur un projet qui permettrait aux clients d'apporter leur vin tout en conservant leur menu de spiritueux, mais elle «s'oppose fermement» à cette idée.

D'une part, l'Association craint que les restaurateurs qui possèdent une cave à vin soient obligés de vendre leurs bouteilles à des prix qui frôleraient ceux de la SAQ pour continuer à attirer des clients. D'autre part, elle croit que les restaurants de type «apportez votre vin» perdraient leur avantage concurrentiel puisque les clients pourraient apporter leur bouteille dans un plus grand nombre d'établissements.

«Ça bouleverserait le marché, dit François Meunier, vice-président aux affaires publiques et gouvernementales de l'ARQ. Pour les établissements qui font le choix de monter une cave à vin et qui font l'effort d'offrir des cartes d'importations privées exclusives, on ne veut pas prendre le risque que des gens se présentent à leurs portes avec un sac brun à tout bout de champ. Les restaurateurs pourraient bien sûr leur refuser l'accès, mais au fil du temps, c'est le client qui dicterait le marché.»

M. Meunier admet que les restaurants qui possèdent un permis de vente d'alcool font une bonne partie de leur argent sur la vente de vins et de spiritueux, tandis que les établissements «apportez votre vin» effectuent une plus grande marge de profits sur leur nourriture. Il hésite cependant à se prononcer sur la possibilité que St-Hubert augmente le prix de ses assiettes pour contrer une éventuelle baisse des ventes de vin.

JoAnne Labrecque, professeure en marketing à HEC Montréal, croit pour sa part qu'il serait difficile pour la chaîne de restaurants d'augmenter considérablement ses prix. «Compte tenu du contexte économique et du créneau de cuisine familiale et standardisée dans lequel les St-Hubert sont établis, ils se doivent de demeurer concurrentiels dans ce segment de marché.»