L'absence de compensation pour les producteurs de fromages québécois n'empêchera pas la ratification de l'accord de libre-échange Canada-Europe, a déclaré jeudi le premier ministre Philippe Couillard.

M. Couillard a affirmé que les impacts sur les producteurs québécois seront atténués par le nouvel accès qu'ils auront au marché européen, grâce à l'entente annoncée l'automne dernier, dont les derniers détails techniques restent à régler.

Cette position contraste avec celle du précédent gouvernement du Parti québécois, qui exigeait une compensation d'Ottawa avant que l'accord de libre-échange soit soumis à la ratification de l'Assemblée nationale.

Avant une rencontre avec une délégation d'ambassadeurs européens de passage à Québec, M. Couillard a maintenu qu'une entente doit être conclue avec Ottawa, mais n'a pas fixé cette condition pour la ratification par les élus québécois.

«Je veux être très clair que le gouvernement du Québec ne mettra pas en péril la ratification de l'accord de libre-échange Canada-Europe sur un enjeu spécifique», a-t-il dit aux journalistes.

«Cependant on est très optimiste que, d'une part, les impacts sur nos producteurs vont être mitigés par la qualité de nos produits qui vont également avoir accès à un vaste marché européen et, d'autre part, par des mesures de mitigation sur lesquelles on va s'entendre avec le gouvernement fédéral. Mais il est dans l'intérêt global du Québec que cet accord soit paraphé rapidement et qu'il aille de l'avant.»

Le président de l'Union des producteurs agricoles (UPA), Marcel Groleau, a constaté que M. Couillard est plus souple que l'ex-première ministre péquiste Pauline Marois.

«Ce qu'il a déclaré est un recul par rapport à la position défendue par Mme Marois», a-t-il dit en entrevue téléphonique.

M. Groleau a expliqué que cette situation survient pourtant au moment où la Chambre des communes, incluant le premier ministre Stephen Harper et ses députés, a adopté à l'unanimité une motion qui affirme la nécessité d'indemniser rapidement les producteurs.

«Ça me surprend un petit peu de voir que la position de M. Couillard serait moins ferme que la position même de M. Harper alors que ce dossier va toucher principalement le Québec», a-t-il dit.

En point de presse, M. Couillard a déclaré que l'accord doit être entériné rapidement, puisqu'il profite également à d'autres secteurs d'activité économique, notamment agricole.

«Il y a des producteurs qui bénéficient grandement de l'accord de libre-échange, notamment dans le domaine du porc, a-t-il dit. Plus largement, ça donne accès à un plus large marché de 500 millions de consommateurs pour le Québec. Il y a là une source de prospérité à côté de laquelle on ne peut pas passer.»

À Bruxelles, en octobre 2013, le premier ministre Stephen Harper avait dévoilé les grandes lignes de l'Accord économique et commercial global (AECG), dont les négociations se sont étirées après avoir été amorcées en 2009.

Les discussions ont été menées par des représentants fédéraux. Mais des négociateurs des provinces ont participé aux échanges sur les sujets concernant leurs enjeux.

Au moment de l'annonce de M. Harper, le négociateur du Québec, Pierre Marc Johnson, s'était étonné de voir que les quotas de fromage européen doubleraient sur le marché canadien, avec une hausse de 17 000 tonnes, la majorité des fromages fins.

Les producteurs québécois, qui fabriquent 60 pour cent des fromages fins au pays, redoutent l'impact de cette nouvelle concurrence sur leur marché.

L'ambassadrice de l'Union européenne au Canada, Marie-Anne Coninsx, a par ailleurs contredit M. Johnson, qui réclamait récemment l'intervention de la classe politique pour accélérer les pourparlers qui en sont à la phase finale.

Reprenant une expression de M. Johnson pour qualifier les discussions, Mme Coninsx a expliqué que l'ampleur de l'accord justifie la durée des discussions, qu'elle estime normales dans ce contexte.

«Ils ne sont pas dans une bulle, a-t-elle répondu à côté de M. Couillard. Les négociations sont dans la phase tout à fait finale. C'est une question, je dirais, de jours, peut-être de semaines mais on est très, très, très proches de la conclusion finale.»

Soulignant que l'essentiel des objectifs était atteint, M. Johnson avait plaidé, la semaine dernière lors d'une conférence à Montréal, pour que les politiciens sortent «les négociateurs de la leur bulle».

Mme Coninsx a envoyé des signaux d'ouverture, jeudi, envers les fromages fins québécois.

«Comme les fromages du Québec sont tellement excellents et artisanaux, je suis convaincue qu'il y a aussi un marché dans l'Union européenne pour ces fromages», a-t-elle dit.