Le projet de cimenterie à Port-Daniel, en Gaspésie, est maintenant coulé dans le béton. Le gouvernement Couillard a annoncé hier qu'il allait de l'avant avec l'enveloppe de 200 millions de dollars en aide publique promise par son prédécesseur.

Les libéraux assurent qu'ils ont négocié des conditions d'investissement plus avantageuses pour les contribuables, et ils ont été félicités par les parlementaires péquistes pour la conclusion d'une entente. La Coalition avenir Québec, quant à elle, s'est insurgée hier contre le «gaspillage» qu'entraînerait le projet.

«Ce projet-là est une bonne transaction d'affaires pour le Québec et également un message d'espoir et de prospérité pour les régions du Québec, et particulièrement de la Gaspésie», s'est félicité Philippe Couillard, hier après-midi à l'Assemblée nationale. «Il n'y a pas de subvention dans ce projet-là. C'est une bonne transaction d'affaires.»

Avec un investissement de 200 millions d'argent public, la construction d'une cimenterie à Port-Daniel créerait 400 emplois, selon le gouvernement et les promoteurs - mais seulement 200 selon les détracteurs du projet.

Tous les acteurs en faveur du dossier assurent que sa production n'inonderait pas le marché québécois, mais servirait plutôt à alimenter la côte est américaine. Les cimenteries déjà existantes craignent en effet le surplus de production que pourrait entraîner la nouvelle infrastructure de Port-Daniel.

Meilleures protections

Le premier ministre a souligné à gros traits les «efforts de [son] collègue le ministre de l'Économie». C'est que Jacques D'Aoust a renégocié certains éléments de l'entente commerciale afin d'améliorer les chances de Québec de récupérer sa mise si le projet coulait.

«Le projet est devenu acceptable parce qu'on a les garanties nécessaires à sa réalisation», a assuré le ministre en point de presse. Il a précisé qu'en cas de pépin, «ce sont les actionnaires qui vont perdre en premier» et qu'une modification à l'entente améliore les chances du gouvernement de recouvrer sa créance. Les dépassements de coûts, quant à eux, devraient être épongés par le privé.

«Il y a des espoirs qui ont été créés» par le gouvernement Marois, a-t-il dit. «Est-ce que moi, comme banquier, comme financier, je peux en faire une transaction d'affaires qui va être profitable pour la Gaspésie et le Québec?»

«1 million par emploi»

Les réactions étaient variés dans les corridors de l'Assemblée nationale, hier.

L'opposition officielle péquiste se réjouissait de voir son initiative reprise par le gouvernement. «C'est une bonne nouvelle pour la Gaspésie, a dit l'ancien ministre des Finances Nicolas Marceau. Il n'y pas de cadeau là-dedans. C'est un prêt.»

La Coalition avenir Québec tenait un tout autre discours. Comme pendant la dernière campagne électorale, François Legault a tiré à boulets rouges sur un investissement qu'il considère comme un pur gaspillage d'argent public.

L'équipe de Philippe Couillard verse «1 million de dollars d'aide gouvernementale par emploi», a dénoncé le chef caquiste. «Dans la carrière, je n'ai jamais vu ça. C'est disproportionné, c'est ridicule.»

Québec solidaire, pour sa part, dénonce une subvention «pour la destruction du climat». Le projet de cimenterie «est susceptible d'ajouter 1,7 million de tonnes de gaz à effet de serre», avance le parti.

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La construction a démarré

Depuis deux semaines, un entrepreneur général gaspésien, Construction LFG, réalise des travaux de préparation de l'emplacement qui accueillera la cimenterie de Port-Daniel. Ces travaux consistent notamment en l'aménagement d'une voie de raccordement entre cet emplacement et la route 132. D'ici quelques semaines, un autre entrepreneur, Hamel, commencera les travaux d'aménagement du quai sur pilotis, précise le président de Ciment McInnis, Christian Gagnon. Ces travaux avaient été amorcés en 1998, comme le dégagement de l'emplacement, par le premier promoteur du projet, Cimbec Canada. Christian Gagnon croit que Béton Provincial, fournisseur de béton, commencera «dans 15 jours» à couler les fondations de certains des bâtiments du complexe. Incidemment, Béton Provincial est le seul producteur québécois de béton à s'approvisionner en ciment importé, de Corée du Sud. Ciment McInnis veut convaincre la direction de l'entreprise de Matane de s'approvisionner à Port-Daniel à partir de 2016.

- Gilles Gagné, Le Soleil