On a fêté, l'an dernier, les 50 ans de la deuxième phase de la nationalisation de l'électricité orchestrée par René Lévesque.

Cette année marque le 70e anniversaire de la création d'Hydro-Québec par le gouvernement d'Adélard Godbout, qui avait nationalisé la Montreal Heat, Light and Power, propriétaire de la centrale de Beauharnois.

En rappelant ces faits hier, quelques conférenciers du colloque scientifique Les ressources naturelles et le développement économique organisé par la Fondation René-Lévesque n'ont pu s'empêcher de projeter dans le présent la contribution marquante de l'homme à l'essor du Québec moderne.

Arnaud Sales, professeur de sociologie à l'Université de Montréal, a même eu cette phrase un brin provocatrice: «La maîtrise du développement, n'est-ce pas ce qu'il a fait de mieux?»

L'économiste Pierre Fortin a conseillé M. Lévesque (et bien d'autres premiers ministres depuis) durant son deuxième et douloureux mandat, marqué par la très dure récession de 1981-1982 (celle de 2008-2009 a été de la petite bière en comparaison, au Québec du moins). Il a fait ressortir qu'on peut être à la fois de gauche et responsable.

M. Fortin est revenu sur la difficile décision de geler les salaires de la fonction publique, malgré la promesse de hausses de 3%. «Le chômage atteignait 20% dans le secteur privé. Pour les jeunes en particulier, c'était 30%. Pour lui, le contraste entre le public et le privé était insoutenable. C'était indécent.»

Bien sûr, le contexte est bien différent à l'orée de nouvelles négociations, souligne M. Fortin. «Mais il ne faut pas que les parties oublient l'enseignement appris à la dure en 1982, à savoir que leurs demandes et leurs offres salariales auront des conséquences importantes sur l'ensemble de l'économie, et pas seulement sur le secteur public.»

Mario Polèse, de l'INRS, a insisté sur le piège qui consiste à compter sur les ressources naturelles pour assurer la prospérité, piège dans lequel M. Lévesque n'est jamais tombé.

Il a souligné que les ressources ne peuvent devenir richesses qu'en rapport avec une technologie donnée. Le papier n'est plus source de prospérité comme dans les années 60, par exemple.

Pis, l'exploitation malavisée des ressources devient souvent un obstacle à l'innovation. Ainsi, on observe dans des régions comme l'Abitibi, le Saguenay ou la Côte-Nord une faible diplomation universitaire alors que les inscriptions à l'université sont à la baisse dans les provinces pétrolières.

En contribuant au développement des firmes de génie-conseil et à la création d'entreprises d'ici, le développement d'Hydro-Québec visait ultimement «à rendre l'économie québécoise moins tributaire des ressources naturelles», a souligné M. Polèse.

Durant la période de questions, le président de la Fondation, l'ex-ministre de l'Énergie Yves Duhaime, a montré concrètement ce que cela voulait dire. René Lévesque s'est toujours opposé à la signature de contrats fermes de vente d'énergie qui, en fin de compte, auraient servi à alimenter des entreprises ailleurs. Il voulait plutôt les attirer avec de l'énergie bon marché, disponible parce que, comme aujourd'hui, Hydro-Québec disposait d'abondants surplus.

Jean-Thomas Bernard, de l'Université d'Ottawa, a pour sa part rappelé que la tarification d'Hydro-Québec est établie en fonction du coût moyen, plutôt que du coût marginal ou du prix du marché, ce qui prive le Québec de rentrées fiscales malgré les ponctions qu'il exerce sur la société d'État.

Pierre-Olivier Pineau, de HEC Montréal, suggère de s'inspirer du modèle norvégien qui compte sur les marchés pour fixer les prix de la houille blanche. Pour ce faire, le réseau de la société d'État doit être interconnecté à ceux de ses voisins. Les prix grimperaient, mais ce sont surtout ceux qui consomment beaucoup qui en feraient les frais, au grand profit de tous les Québécois.

Voilà beaucoup de matière à réflexion pour un nouveau gouvernement, en quête de relance de la croissance et de rentrées fiscales...