Toute campagne électorale qui se respecte contient son lot de bonbons pour les électeurs. Même si les gâteries sont un peu moins nombreuses dans cette campagne, la CAQ veut remettre 1000$ dans les poches des familles; le PLQ propose une brochette de crédits d'impôt et les promesses de Québec solidaire s'élèvent à 8 milliards par année. Voici ce que promettent les différents partis. Sweet! Tasty! comme diraient les adeptes de Candy Crush.

Couper la taxe santé, sans que ça saigne 

À part les péquistes, tout le monde veut abolir la contribution santé: Québec solidaire, la CAQ, même le PLQ, qui a pourtant instauré cette taxe controversée en 2010.

Il est vrai que la taxe santé est frustrante, parce qu'elle arrive comme un cheveu sur la soupe quand on fait sa déclaration de revenus. Les contribuables sont obligés de cracher une grosse somme d'un coup sec.

On reproche aussi à la taxe santé d'être régressive, parce qu'un contribuable paie le même montant de 200$, qu'il gagne 42 000$ ou 130 000$, rappelle Québec solidaire. Mais cela cache une grande partie du portrait.

Depuis le remodelage de la taxe par le PQ, le fardeau est beaucoup moins lourd pour les moins nantis. Les contribuables qui gagnent moins de 18 000$ n'ont plus rien à payer. Et pour ceux qui gagnent jusqu'à 40 000$, la taxe a fondu à 100$, alors qu'elle était de 200$ pour tout le monde auparavant.

Pour soulager les deux tiers des Québécois les moins nantis, Québec vient maintenant chercher 400 millions d'impôts supplémentaires chez les 6% plus aisés qui paient jusqu'à 1000$ de taxe. Assez progressif, merci!

Au lieu de cette progressivité à plusieurs vitesses, on pourrait s'inspirer du modèle ontarien qui repose sur une trentaine de paliers qui font grimper la taxe plus graduellement.

Mais abolir la taxe santé au complet? Je ne sais pas pourquoi, j'ai du mal à y croire! Les péquistes l'avaient promis en 2012, avant de se raviser. En ces temps de disette budgétaire, comment réussira-t-on à compenser la perte de cette taxe qui rapporte plus de 1 milliard à Québec?

Pour y arriver, le PLQ compte sur une croissance économique de 4,5% et la création de 250 000 emplois d'ici 5 ans. Un pari audacieux.

De son côté, la CAQ veut mettre le gouvernement au régime en limitant la croissance des dépenses à 2%, en profitant des départs à la retraite. Mais il y a des limites à réduire la main-d'oeuvre sans amputer les services à la population. La hache, c'est dangereux.

*

Hausse des tarifs d'Hydro, une subvention aux Américains 

Non, ce n'est pas un poisson d'avril! Depuis le 1er avril, les Québécois paient l'électricité 4,3% plus cher alors que le PQ avait promis le gel.

Québec solidaire veut annuler cette hausse qui touchera davantage les personnes à faibles revenus vivant trop souvent dans des logements mal isolés.

La CAQ parle d'une charte des contribuables qui limiterait la hausse de tous les tarifs à l'inflation. Partant de là, la CAQ réduirait la hausse des tarifs d'Hydro de 4,3% à 2,2%.

Les libéraux proposent aussi l'indexation des tarifs d'électricité.

Bien sûr, une hausse de tarif déplaît aux consommateurs. Mais voyons le bon côté des choses: cela sensibilise les ménages québécois à ne pas gaspiller, eux qui paient leur électricité moins cher que dans toutes les autres grandes villes canadiennes ou américaines.

Et puis, rien n'empêche la mise en place de mesures d'atténuation pour les familles plus pauvres.

Si la hausse servait à renflouer les coffres de l'État, on pourrait comprendre. Mais le hic, c'est que les hausses de tarifs découlent en large partie d'une politique de développement industriel visant à créer des emplois en région, notamment en Gaspésie.

Même si Hydro nagera dans les surcapacités pendant encore au moins 15 ans, le gouvernement continue de lancer de nouveaux projets, dans l'éolien par exemple.

Pour écouler ses surplus, Hydro exporte ensuite aux États-Unis à un prix deux fois moins élevé que les coûts de production de ces nouvelles installations, parce que le prix de l'énergie a chuté depuis l'essor du gaz de schiste.

Ainsi, nos hausses de tarifs d'électricité servent à subventionner les Américains qui obtiennent de l'électricité au rabais!

*

Grand ménage fiscal

La CAQ et le PLQ promettent tous les deux une grande réforme fiscale. Bravo! Il y a tant de crédits, de déductions de mesures que même les comptables en perdent leur latin.

En simplifiant tout ça, peut-être qu'un jour les contribuables pourront faire leurs impôts sur une carte postale. Quoi? On a bien le droit de rêver! Seul problème: il y a des limites à ce que Québec peut faire tout seul, sans appariement avec le fédéral...

SOS première maison

Le PLQ veut favoriser l'accès à la propriété pour les jeunes familles en mettant sur pied un régime épargne-propriété (REP). Les citoyens pourront cotiser 5000$ par année, pendant 10 ans, ce qui leur donnera droit à une déduction d'impôt provincial de 16% à 25,75%. Le bonbon représente donc une économie d'impôt annuelle maximale de près de 1300$. Et qui sait, peut-être qu'Ottawa y mettra un jour son grain de sel. Ou de sucre!

Crédit d'impôt à la rénovation

Quoi, encore? Après ÉcoRénov, lancé par le PQ l'automne dernier, voilà que les libéraux promettent un nouveau crédit d'impôt à la rénovation. Outil par excellence pour relancer l'économie ou sucrerie idéale pour plaire aux électeurs?

Crédit pour les activités des aînés

Les libéraux promettent un crédit d'impôt remboursable de 20% pour les activités physiques, artistiques et culturelles des personnes de 60 ans et plus qui gagnent moins de 40 000$. L'idée a de quoi séduire les aînés. Mais il s'agit d'un cadeau de 2 ou 3 millions par année, sans plus. Pas de quoi appeler sa mère!

*

Garderies à 7$, à 9$... Qui dit mieux?

Lors du dernier budget, le PQ a annoncé une hausse de la contribution parentale de 7 à 9$ d'ici deux ans. Les familles dont les enfants fréquentent un service de garde n'ont pas tellement tiqué. Mais les partis d'opposition, eux, s'insurgent.

Le PLQ (qui a fait passer le tarif de 5$ à 7$ en 2003) parle d'un choc tarifaire. La CAQ ajoute qu'il s'agit d'une ponction de 1000$ pour une famille avec deux enfants en service de garde. Québec solidaire souligne que le PQ n'a pas tenu sa promesse de maintenir le tarif à 7$.

Tous s'engagent à annuler la hausse. La CAQ et les libéraux prônent plutôt l'indexation qui ferait grimper le tarif doucement, année après année, en fonction de l'inflation. Si on avait fait cela dès le début, on aurait évité les hausses subites et les psychodrames à répétition.

Mais il y aurait quand même du rattrapage à faire. Pourquoi? C'est que le coût d'une place en garderie a grimpé bien plus vite que l'inflation, ce qui a fait fondre la contribution parentale.

En 1997, les parents payaient 20% des coûts totaux (5$ sur 25$). Aujourd'hui, leur contribution ne représente plus que 12% (7$ sur 59$) du coût d'une place dans un centre de la petite enfance. À 9$, on remonterait autour de 16%.

Pour régler définitivement la question, on pourrait arrimer le tarif à la progression des coûts en déterminant à l'avance la part assumée par les parents (ex.: 20% du coût total), comme l'a suggéré l'Ordre des comptables professionnels agréés du Québec (CPA) lors des consultations prébudgétaires.

Ce mécanisme assurerait l'équilibre du réseau sans que les politiciens aient constamment à s'en mêler. Cette formule aurait aussi le mérite de faire prendre conscience aux parents de l'escalade des coûts. Ce qui les encouragerait peut-être à poser plus de questions.

*

Les impôts fonciers, ces mal-aimés 

Pour aider les propriétaires à faire face à l'explosion de leur avis d'imposition, le PLQ propose la mise en place d'un programme de report des impôts fonciers pour les aînés. Grosso modo, le gouvernement paierait une partie des taxes en prêtant aux propriétaires qui rembourseraient à la vente de leur maison.

Il s'agit d'une solution juste et équitable pour secourir les propriétaires de longue date qui n'ont plus les moyens d'habiter chez eux, parce que la valeur de leur maison s'est considérablement appréciée.

Or, les retraités ne veulent pas s'endetter pour payer leurs impôts. Depuis au moins 10 ans, des groupes de propriétaires aux prises avec des hausses majeures réclament le gel ou le plafonnement des avis d'imposition. Rien de moins.

C'est fou comme les impôts fonciers font pester les contribuables! Bien sûr, tous les impôts et taxes font mal. Mais les impôts fonciers ont moins d'effets nocifs sur la croissance économique.

Selon l'OCDE, les impôts fonciers ne découragent pas le travail comme les impôts sur le revenu auxquels le Québec a largement recours. Les impôts fonciers peuvent même freiner les bulles immobilières en haussant le coût des maisons dans les zones sujettes à la spéculation.

Qu'à cela ne tienne! Les impôts fonciers sont extrêmement impopulaires, probablement parce qu'ils sautent davantage aux yeux.

D'ailleurs, une étude assez amusante de l'Université Stanford a déjà établi que c'est le mode de perception de la taxe qui embête les propriétaires. Les Américains qui paient en un ou deux versements détestent les impôts fonciers beaucoup plus que ceux qui les paient avec leurs versements hypothécaires.

Tiens, tiens, peut-être que pour faire passer la pilule, les municipalités devraient prélever les impôts par prélèvement direct sur le compte bancaire, à la petite semaine!

*

Rembourser ou abolir la taxe scolaire?

L'été dernier, plusieurs propriétaires ont vu le montant de leur taxe scolaire grimper au plafond. Certains ont subi une hausse de 40%, ce qui a soulevé la grogne dans les banlieues, principales victimes des augmentations.

Talonné par la CAQ, le PQ s'est engagé, l'automne dernier, à obliger les commissions scolaires à rendre la moitié de la hausse de 200 millions aux propriétaires.

Constatant que les petites commissions sont moins efficaces, le PQ a aussi promis, dans son dernier budget, de regrouper certaines des 72 commissions, afin de réduire les coûts de 125 millions, somme qui serait réinvestie dans les services aux élèves.

Mais ce n'est pas assez pour la CAQ, qui veut supprimer la taxe scolaire au complet et abolir les commissions scolaires.

De leur côté, les libéraux ne sont pas d'accord. Ils préfèrent éliminer 500 postes au ministère. Il faut dire que les commissions scolaires sont très chères aux communautés anglophones.

Mais il ne faut pas se le cacher, le modèle des commissions scolaires doit être revu et corrigé. L'époque des écoles de rang est révolue!

Depuis la Révolution tranquille, le ministère de l'Éducation a le gros bout du bâton. Il paie les trois quarts de la facture (8 milliards par année) et s'occupe de tout. Les citoyens qui versent 1,5 milliard par année en taxe scolaire ne s'impliquent plus. Moins de 10% vont voter aux élections scolaires, ce qui pose un problème de légitimité.

Il faut améliorer la gouvernance des commissions et rendre la taxe scolaire plus équitable.

Mais tous les problèmes ne disparaîtront pas avec l'abolition des commissions et de la taxe. C'est de la pensée magique! Il faudra bien remplacer les gens qui travaillent dans ces commissions. Et il faudra aussi compenser la perte de revenus de 1,5 milliard.

A-t-on vraiment envie de payer plus de 50% d'impôt ou plus de 15% de taxes?

Des taxes scolaires qui grimpent au plafond

Commission scolaire de Montréal

+3% en moyenne

+64$ pour une maison de 390 000$

Commission scolaire Marie-Victorin (Longueuil, Brossard, Saint-Lambert)

+ 15% en moyenne

+ 90$ pour une maison de 300 000$

Commission scolaire des patriotes (Saint-Amable, etc.)

+4,6% en moyenne, dont 20% à Saint-Amable

Commission scolaire du Val-des-Cerfs (Granby, Bromont, Cowansville, Lac-Brome, etc.)

+8% en moyenne, jusqu'à 44% dans certaines municipalités

Commission scolaire des Bois-Francs (Victoriaville, Plessisville, Inverness, etc.)

+15% en moyenne, dont 28% à Villeroy

+84$ pour une maison de 200 000$ à Victoriaville

Commission scolaire de la Capitale (Québec, Valcartier, Lac-Saint-Joseph, Shannon, etc.)

+13% en moyenne

+61$ pour une maison de 282 000$

Commission scolaire des phares (Rimouski)

+42% en moyenne

+130$ pour une maison de 150 000$

Commission scolaire De La Jonquière

+13% en moyenne

+69$ pour une maison de 150 000$

NB: Augmentation moyenne des taxes scolaires (%) dans différentes commissions scolaires du Québec, ainsi que la hausse de l'avis d'imposition ($) pour une maison type.

Source: La Presse