L'ancien premier ministre du Québec Jean Charest souhaite que le Québec et le Canada s'ouvrent davantage aux talents étrangers au moment où de grands pays occidentaux agissent en sens inverse.

M. Charest prenait la parole hier devant la Chambre de commerce française au Canada. Son discours traitait des étapes à franchir dans la mise en oeuvre de l'Accord économique et commercial global entre le Canada et l'Union européenne (UE).

Dans son discours, M. Charest a souligné l'importance pour le Québec et le Canada de figurer sur l'itinéraire des travailleurs mobiles étrangers.

«C'est de cette façon que nous allons nous démarquer des autres économies. Alors que la France, l'Angleterre et les États-Unis sont en régression sur leur politique d'immigration, nous devrions faire exactement le contraire, ouvrir davantage et aller chercher la main-d'oeuvre qu'il nous faut pour construire une économie qui est encore plus forte», a-t-il dit.

M. Charest était invité dans le cadre de la seconde Convention d'affaires Canada-France, qui favorise les échanges entre les entreprises de part et d'autre de l'Atlantique.

«Avec le vieillissement de la population, les pays développés et en voie de développement ont besoin de main-d'oeuvre. Dans cinq ans, il va y avoir une course effrénée pour aller chercher de la main-d'oeuvre qualifiée et même de la main-d'oeuvre non qualifiée», a poursuivi l'ancien premier ministre, qui n'a pas répondu aux questions des journalistes après l'événement.

Le Québec a accueilli plus de 50 000 immigrants par an depuis 2011. En 2013, le gouvernement péquiste a revu les critères de sélection des immigrants, a plafonné le nombre de demandes à traiter et a abaissé légèrement les cibles d'immigration. Le gouvernement projette d'accueillir entre 49 500 et 52 500 immigrants en 2014, selon le plan d'immigration. Une nouvelle politique sur l'immigration est en préparation.

D'après M. Charest, associé au cabinet McCarthy Tétrault depuis sa retraite de la politique, l'entente de libre-échange encourage l'immigration en créant une plate-forme qui améliore l'attrait du Canada et du Québec comme terres d'accueil des travailleurs étrangers.

Fin juillet

L'entente de principe a été annoncée l'automne dernier. Les négociations menant au texte final doivent se terminer au printemps. Des enjeux restent à négocier dans les services financiers, l'investissement et la production de fromages. «La compensation [à verser aux producteurs canadiens] et la période de mise en oeuvre sont toujours en discussions», a précisé M. Charest.

Le texte juridique final en anglais et en français sera disponible fin juillet. Ensuite, le document sera traduit dans les 21 autres langues officielles européennes, un processus qui pourrait prendre de 6 à 8 mois.

Au sujet de la ratification de l'entente, le Conseil européen, institution européenne regroupant les chefs d'État ou de gouvernement des pays membres, doit adopter le document à l'unanimité. L'entente doit aussi recevoir l'appui d'une majorité simple de députés siégeant au Parlement européen, qui sont en élection en mai prochain. Jusqu'à maintenant, l'entente n'est pas un enjeu électoral. On ne prévoit pas que l'entente de libre-échange soit déposée au Parlement européen avant la mi-2015.

Du côté canadien, les provinces et le gouvernement fédéral doivent ratifier le traité. Pour l'instant, tout le monde est d'accord.

M. Charest, qui est l'un des instigateurs de cette entente de libre-échange, a rappelé son importance stratégique pour le Québec, qui a d'ailleurs participé, pour la première fois, directement aux négociations d'un traité commercial avec un pays étranger.

«Alors que la Chine monte en puissance, qui va définir les règles du commerce? a demandé l'ancien premier ministre. Si nous, Canadiens, Québécois, Français et Européens travaillons ensemble, nous avons une occasion de négocier des règles qui sont conformes à nos valeurs, que ce soit sur les questions de monnaie, d'environnement, des enjeux qui touchent le dumping. L'Amérique du Nord et l'Europe produisent 45% du PIB mondial.»

L'entente, qui donne accès sans entrave au marché le plus riche du monde - soit 500 millions de consommateurs -, permet au Québec de diversifier ses marchés d'exportation au-delà de son voisin, les États-Unis, a-t-il fait valoir.

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UN QUÉBEC INDÉPENDANT DEVRAIT RENÉGOCIER AVEC L'UE, DIT JOHNSON

Un Québec indépendant n'adhérerait pas automatiquement à l'Accord économique et commercial global (AECG) Canada-Union européenne. C'est ce que croit le négociateur du Québec, l'ex-premier ministre péquiste Pierre Marc Johnson. «Ce n'est pas automatique. [...] C'est ce qu'on appelle les règles d'accession dans les traités internationaux. Tout cela dépend de la volonté politique des partenaires», a déclaré M. Johnson en marge d'un discours de Jean Charest sur cet accord à la Convention d'affaires Canada-France. M. Johnson rappelle qu'un problème similaire se pose actuellement avec l'Écosse, qui organisera un référendum sur son indépendance l'automne prochain. - Paul Journet