Les familles se plaignent de la difficulté à boucler leur budget, l'endettement gagne du terrain, les travailleurs s'inquiètent pour leur retraite. Pour répondre à ces préoccupations, plusieurs mesures de protection des consommateurs ont été proposées au cours des dernières années. Mais elles tardent à être implantées. Les groupes de défense des consommateurs dénoncent ce désintérêt des élus.

La lutte contre le surendettement des ménages en veilleuse

En 10 ans, le taux d'endettement des ménages québécois est passé de 93 % à 145 %. Pour chaque dollar gagné dans une année, un ménage a donc une dette moyenne de 1,45 $, une hausse de 56 % comparativement à 2003, selon les économistes du Mouvement Desjardins.

Sur le terrain, les organismes qui aident les consommateurs aux prises avec des difficultés financières sont aux premières loges pour constater les effets dévastateurs du surendettement. « Ce qui ajoute à notre inquiétude, c'est de voir l'évolution rapide des pratiques commerciales des institutions financières, qui contribuent à l'augmentation de l'endettement », souligne Caroline Arel, directrice d'Option consommateurs.

Pourtant, des mesures visant à mieux encadrer ces pratiques dorment toujours au ministère de la Justice. Le projet de loi visant à lutter contre le surendettement, qui modifie plusieurs clauses de la Loi sur la protection du consommateur, principalement en matière de crédit, a été déposé à l'Assemblée nationale en 2011, sous le régime libéral. Il n'a cependant jamais été adopté.

Le gouvernement du Parti québécois devait en reprendre les grandes lignes, mais ces intentions sont restées lettre morte. Option consommateurs et l'Union des consommateurs ont interpellé le ministre de la Justice, Bertrand Saint-Arnaud, à ce sujet au cours des derniers mois, sans succès.

« Nous sommes très déçus que le gouvernement n'ait pas donné suite à ces mesures. Selon nous, ça aurait dû être prioritaire », déplore Caroline Arel.

« Il faut agir rapidement pour freiner la spirale d'endettement que connaissent les familles québécoises, qui méritent de meilleures protections », renchérit Philippe Viel, porte-parole de l'Union des consommateurs. « Pendant la campagne électorale, nous demandons aux partis de nous expliquer ce qu'ils comptent faire pour mieux protéger les consommateurs et s'attaquer au déséquilibre entre les droits des entreprises et ceux des consommateurs. S'engagent-ils à mener à terme la modernisation de la Loi sur la protection du consommateur? »

Crédit trop facile

Le président de la Chambre des notaires du Québec, Me Jean Lambert, qui a lui aussi présenté plusieurs solutions pour limiter les problèmes d'endettement, se désole également de ces retards. « Les institutions financières offrent de plus en plus de produits visant à rendre le crédit plus facile, ce qui est l'une des causes du surendettement des ménages », note-t-il.

Il donne l'exemple des marges de crédit hypothécaires préapprouvées, qui mettent à la disposition du consommateur des sommes dont il pourra se servir éventuellement. « S'il reste 75 000 $ à rembourser sur votre hypothèque, mais que votre maison vaut 300 000 $, la banque pourra vous offrir 250 000 $, que vous pourrez utiliser pour rénover votre cuisine, acheter un bateau ou partir en voyage, illustre-t-il. C'est sûr que ça incite les gens à s'en servir. »

Comme bien d'autres projets de loi visant la protection du public, celui sur la lutte contre le surendettement aurait facilement remporté l'adhésion de tous les partis politiques, croit Me Lambert. « Mais le climat de partisanerie entretenu à l'Assemblée nationale ces derniers temps a empêché de nombreux dossiers d'avancer. Malheureusement, le grand perdant, c'est le public. C'est déplorable que des choses concrètes qui touchent les citoyens dans leur vie de tous les jours aient été laissées de côté. »

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Principales mesures proposées pour lutter contre le surendettement

Interdiction d'accorder au consommateur une limite de crédit supérieure à ce qu'il demande, d'envoyer une offre de crédit préapprouvée sans qu'un consommateur l'ait demandée par écrit et d'offrir une carte de crédit à une personne mineure, sans avoir obtenu le consentement écrit d'un parent.

Obligation pour le prêteur de vérifier la capacité du consommateur de rembourser, selon le principe du « prêteur responsable ».

Interdiction d'offrir des cadeaux pour inciter les consommateurs à demander une carte de crédit, et interdiction d'augmenter un taux de crédit promotionnel pendant les six premiers mois.

Augmentation de 2 % à 5 % du paiement minimum exigé chaque mois pour rembourser le solde d'une carte de crédit, pour réduire les frais d'intérêts à payer.

Meilleure protection des consommateurs en cas de transactions non autorisées effectuées à l'aide d'une carte de débit - inspirée de la protection déjà en vigueur pour les cartes de crédit.

Les propriétaires de condos attendent toujours des règles plus sévères

L'acquisition d'un appartement en copropriété peut se transformer en véritable cauchemar pour certains acheteurs. Des histoires de vices de construction, de charges de copropriété (« frais de condo ») qui gonflent, de travaux imprévus de plusieurs millions, de chicanes entre copropriétaires et d'acomptes perdus par les acheteurs lors de faillite des promoteurs font régulièrement les manchettes. Comme la construction de condos explose depuis quelques années, les groupes de copropriétaires demandent un resserrement des règles qui encadrent ce type de propriété, pour mieux protéger les consommateurs.

Où en est le dossier?

En 2009, sous le règne libéral, un groupe de travail sur la copropriété a été créé, en collaboration avec la Chambre des notaires du Québec (CNQ). Son mandat: mener des consultations et recommander des mesures pour mieux encadrer ce secteur. Le groupe a remis son rapport en 2011 au ministre de la Justice d'alors, Jean-Marc Fournier, qui a lancé des consultations publiques en 2012.

Un nouveau rapport découlant de ces consultations a été déposé en novembre 2012 chez le nouveau ministre de la Justice du gouvernement péquiste, Bertrand Saint-Arnaud, qui s'est engagé « à faire amorcer rapidement les travaux requis pour évaluer la portée juridique et financière de ces recommandations, afin de déterminer lesquelles pourront être mises de l'avant ». « C'est une question de respect envers nos concitoyens, pour qui l'acquisition d'une copropriété constitue souvent l'achat d'une vie », avait souligné le ministre.

Mais les changements attendus ne se sont toujours pas matérialisés.

Qui est concerné?

Les propriétaires de condo, qui sont de plus en plus nombreux.

Pourquoi c'est important?

Parce qu'une copropriété est souvent l'achat le plus important dans la vie d'un consommateur. Et que les problèmes rencontrés peuvent avoir des conséquences financières très importantes.

« Les copropriétaires ont fait savoir qu'il y avait des problèmes criants et qu'il fallait agir, souligne Me Jean Lambert, président de la CNQ. Actuellement, les fonds de prévoyance sont souvent insuffisants. Quand arrive le temps de faire des travaux importants, les propriétaires se font imposer des cotisations spéciales de 20 000 $ ou 30 000 $ par logement, souvent plus. On ne peut pas se permettre de fonctionner comme un propriétaire de bungalow quand on administre un immeuble qui compte des dizaines de logements. »

« Il faut aussi se souvenir que l'essor de la copropriété au Québec date de 40 ans, ajoute Me Lambert. C'est donc maintenant que commencent à se manifester les problèmes des immeubles vieillissants, et ils risquent de prendre plus d'ampleur. »

Les problèmes de copropriété ne touchent pas seulement le portefeuille des consommateurs. Comme il s'agit de l'endroit où ils vivent, ce sont des questions très émotives, qui peuvent leur causer beaucoup de stress.

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Quelques-unes des mesures proposées pour protéger les copropriétaires

Protéger les acomptes versés par les acheteurs de condos sur plan et instaurer une garantie obligatoire contre les défauts de construction (les actuels plans de garantie obligatoires ne couvrent pas les immeubles de plus de quatre étages).

Réglementer les sommes à amasser dans le Fonds de prévoyance, afin qu'elles soient suffisantes pour payer les travaux d'entretien à venir et imposer la tenue d'un carnet d'entretien pour chaque immeuble en copropriété, pour assurer la planification des travaux futurs.

Améliorer la formation des administrateurs de condos et obliger les syndicats de copropriété à transmettre des informations plus complètes aux acheteurs potentiels d'une unité, sur l'état de l'immeuble et de ses finances.

Améliorer la surveillance sur les chantiers de construction résidentiels.

Mieux protéger les investisseurs

Norbourg, Earl Jones, Mount Real... Ces noms évoquent des scandales financiers qui ont fait perdre des millions de dollars à des milliers d'épargnants au Québec, ces 10 dernières années. Ils ont démontré la nécessité de mieux protéger les investisseurs contre les arnaqueurs qui voudraient mettre le grappin sur leur bas de laine.

« Mais depuis l'affaire Norbourg, rien n'a été fait pour que les victimes de fraude puissent obtenir justice plus facilement et se faire indemniser », déplore Robert Pouliot, administrateur de la Fondation canadienne pour l'avancement des droits des investisseurs (FAIR Canada) et professeur à l'École des sciences de la gestion de l'UQAM. « Leur seule option, c'est souvent d'aller devant les tribunaux. Mais si le montant en cause ne dépasse pas 25 000 $, ça ne vaut pas la peine, à cause des frais judiciaires, et on n'en entend jamais parler. »

Des campagnes incitent le public à mieux s'informer sur les produits financiers et les individus qui les administrent et les vendent. Certaines règles ont été resserrées. L'Autorité des marchés financiers (AMF) mène plus d'enquêtes.

Cependant, il n'y a toujours pas d'amélioration au Fonds d'indemnisation des services financiers, censé dédommager les victimes de fraudes. Plusieurs défenseurs des épargnants estiment que les règles du Fonds sont trop étroites. Lors de consultations menées par l'AMF en 2012, plusieurs propositions ont été faites pour le bonifier. L'automne dernier, l'AMF a envoyé au gouvernement ses recommandations - jugées toutefois trop timides par certains défenseurs des épargnants. Mais le ministre des Finances, Nicolas Marceau, n'y a pas donné suite.

Dans son mémoire envoyé à l'AMF, le Mouvement d'éducation et de défense des actionnaires (MEDAC) plaidait en faveur d'une couverture plus large et plus généreuse par le fonds d'indemnisation. Selon Daniel Thouin, président du MEDAC, il ne faudrait pas attendre l'éclatement d'un nouveau scandale financier avant de ramener le sujet sur le tapis. « Cet enjeu devrait être soulevé pendant la campagne électorale », dit-il.

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Les propositions de l'AMF

Indemniser les victimes d'un conseiller qui commet une fraude en vendant des produits pour lesquels il ne détient pas de permis. Actuellement, les investisseurs ne sont pas couverts si, par exemple, un conseiller qui n'a qu'un permis de courtier d'assurances détourne des fonds en vendant des placements.

Prélever 15 % du montant de l'indemnisation versée aux victimes, pour le financement du fonds.

Exclure les réclamations des consommateurs qui ont fait de fausses déclarations, participé volontairement à la fraude ou investi à des fins d'évasion fiscale ou de blanchiment d'argent.

Les modifications suggérées ne couvriraient pas la fraude commise par un conseiller sans permis, ni les malversations des gestionnaires de fonds communs et des courtiers. Le Fonds d'indemnisation continuerait d'être administré par l'AMF et non par un organisme indépendant, comme certains le demandaient.

L'Union des consommateurs dénonce la multiplication des frais

Hausse de tarifs, coût des médicaments, facture d'électricité... L'Union des consommateurs a l'intention d'interpeller les partis politiques sur plusieurs enjeux qui touchent le portefeuille de la population, surtout ceux dont le budget est serré.

Par exemple : la hausse des tarifs des transports en commun (à la STM, la carte mensuelle est passée de 77 $ à 79,50 $) et celle des garderies subventionnées (le tarif passe de 7 $ par jour à 8 $ en septembre prochain, puis à 9 $ en 2015). Pendant la campagne électorale, le groupe tiendra plusieurs midi-débats sur Twitter sur ces sujets, à compter du 24 mars (mot clic : #SantéQc2014).

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Parmi les enjeux soulevés par l'organisme, mentionnons la hausse des tarifs des transports en commun (à la STM, la carte mensuelle est passée de 77 $ à 79,50 $) et des garderies subventionnées (le tarif passe de 7 $ par jour à 8 $ en septembre prochain, puis à 9 $ en 2015). Pendant la campagne électorale, le groupe tiendra plusieurs midi-débats sur Twitter sur ces sujets, à compter du 24 mars (mot clic : #SantéQc2014).

Depuis le début de la campagne, seul Québec solidaire a abordé ces questions : en conférence de presse, hier, la co-porte-parole du parti, Françoise David, a proposé l'annulation des hausses des tarifs d'électricité et de garderie, une meilleure accessibilité au transport en commun, une réduction des coûts de l'assurance médicaments et l'élimination de la taxe santé. « Désendetter les ménages, voilà une "vraie affaire" dont il faudrait s'occuper », a lancé Mme David, reprenant à son compte le slogan du Parti libéral.

TARIFS D'ÉLECTRICITÉ 

+ 4,3 %

Hausse de 4,3 % des tarifs d'Hydro-Québec à compter du 1er avril.

+ 70 $

Augmentation annuelle de 70 $ par ménage, et de plus de 100 $ pour les propriétaires de maison.

« Ces hausses ont un impact pour les particuliers, mais aussi pour les PME, donc éventuellement sur le prix des produits et services », souligne Philippe Viel, porte-parole de l'Union des consommateurs. L'organisme dénonce le fait que la facture des clients gonfle même si le coût des services diminue chez Hydro-Québec. C'est l'ajout de parcs d'éoliennes, la hausse du taux de rendement ainsi que le dégel du prix de l'électricité patrimoniale qui expliquent la plus grosse partie de la hausse, dénonce M. Viel. « Nous voulons que les partis nous disent s'ils s'engagent à limiter les hausses des tarifs d'Hydro-Québec et à cesser d'utiliser les tarifs d'électricité, un service essentiel, pour remplir les coffres de l'État ou financer des entreprises du secteur privé », ajoute-t-il. 

COMPTEURS INTELLIGENTS

Pour refuser un compteur intelligent : 

98 $

pour l'installation d'un compteur non communicant :

206 $

par année pour la relève :

77

Nombre de municipalités québécoises qui ont demandé un moratoire ou la gratuité du droit de retrait, selon la Coalition québécoise de lutte contre la pollution électromagnétique.

« L'Assemblée nationale a adopté à l'unanimité une résolution visant à annuler les frais, qu'elle a qualifiés de "punitifs", imposés par Hydro-Québec aux abonnés qui refusent les compteurs intelligents, rappelle Philippe Viel. Mais la société d'État tarde à dévoiler sa proposition de réduction des frais. »

SANTÉ 

Contribution santé pour 2013

- Revenu du particulier de 0 $ à 18 000 $ :

0 $

- Revenu de 18 000 $ à 20 000 $

1 $ à 100 $

- Revenu de 20 000 $ à 42 000 $ :

100 $

+ 5 % du revenu excédant 40 000 $

- Revenu de 42 000 $ à 150 000 $ :

200 $

+ 5 % du revenu excédant 130 000 $

- Revenu de 150 000 $ et plus :

1000 $

« Nous considérons que la taxe santé est régressive, parce que les plus pauvres paient une proportion plus grande de leur revenu que les plus riches », dit Philippe Viel. L'Union des consommateurs s'inquiète aussi de la multiplication des frais accessoires en santé, 

qui ne semblent faire l'objet d'aucun contrôle, et de la privatisation grandissante des services. 

PRIX DES MÉDICAMENTS

Facture moyenne annuelle des médicaments

Pour un Québécois :

1063 $

38 % plus cher que dans l'ensemble de l'OCDE

Pour un Canadien :

947 $

OCDE :

770 $

« Nous devons absolument nous attaquer aux coûts astronomiques des médicaments. Surtout que 57 % de la population québécoise est assurée par des régimes privés d'assurance collective, qui coûtent encore plus cher que le régime public », explique M. Viel.

L'Union des consommateurs propose de réduire le coût des médicaments en instaurant un régime entièrement public d'assurance médicaments. Selon l'organisme, le gouvernement pourrait épargner 1 milliard, notamment parce qu'il serait en mesure d'exercer un meilleur contrôle sur les prix.