Le Saint-Laurent: une voie navigable et une voie maritime au coeur du Québec et de son développement économique. Le fleuve occupe une place importante en ce début de campagne dans les stratégies électorales des différentes formations politiques. La Presse a sondé trois amoureux du fleuve qui, pour des raisons différentes, sont attachés à sa préservation et à son développement. Analyse critique de ce qui est offert à ce jour.

LE PLAN CAQUISTE

> Que la recherche appliquée soit orientée vers l'industrie afin de la commercialiser et de l'exporter.

> Environ 200 millions des crédits d'impôt alloués à la recherche et au développement pour des projets élaborés par des partenariats entreprises-universités.

> Un meilleur accès aux berges du Saint-Laurent et une décontamination des zones riveraines.

> Que l'on capitalise sur le potentiel maritime du fleuve en misant sur l'intermodalité et un retour au cabotage.

Le chef de la Coalition avenir Québec (CAQ), François Legault, a marqué le coup en publiant en octobre dernier un livre dans lequel il a défini son «projet Saint-Laurent», une sorte de vallée de l'innovation qui longerait le fleuve.

Selon le directeur général pour le Québec de la Fondation David Suzuki, Karel Mayrand, un des points forts de cette stratégie est la décontamination de terrains en bordure du Saint-Laurent.

«Ces sites sont souvent les plus beaux du Québec. C'est un aspect du plan Legault qui me séduit», explique M. Mayrand.

La présidente de la Société de développement économique du Saint-Laurent, Nicole Trépanier, se réjouit qu'on veuille faire une plus grande place au cabotage - soit le transport des marchandises dans les eaux intérieures - dans la voie navigable et la Voie maritime du Saint-Laurent.

«Le recours de manière plus assidue et organisée au transport maritime est une bonne nouvelle. C'est une solution pour désengorger les routes. De plus, il faut rappeler que ce mode de transport génère moins de gaz à effet de serre», souligne Mme Trépanier.

Mais augmenter le cabotage a aussi ses limites, prévient la Fondation David Suzuki.

«Il faut faire attention lorsqu'on parle d'augmenter le cabotage, car avec les changements climatiques, le niveau de l'eau va diminuer, et l'industrie tend à utiliser des cargos de plus en plus gros. S'il faut draguer davantage le fleuve, ça affectera son écosystème», avance M. Mayrand.

Photo Alain Dion, La Voix de l'Est

Le chef de la Coalition avenir Québec, François Legault

LE PLAN LIBÉRAL

> Création d'un pôle de manutention des marchandises le long de l'autoroute 30, près de Vaudreuil.

> Que l'on crée un crédit d'impôt pour rénover ou remplacer les navires - armateurs et croisiéristes.

> Maximiser le développement du transport maritime avec un nouveau crédit d'impôt.

> Améliorer l'offre des services des traversiers et développer «l'économie bleue».

Alors que la Coalition avenir Québec a son «projet Saint-Laurent», le chef du Parti libéral (PLQ), Philippe Couillard, a dévoilé hier sa stratégie maritime, qui créerait 30 000 emplois entre 2015 et 2030, dit-il, en plus de milliards de dollars en investissements.

«À la lecture du plan libéral, on voit très bien qu'ils ont consulté l'industrie du transport maritime en reprenant, entre autres, le discours sur le pôle [de manutention des marchandises] près de l'autoroute 30», estime Emmanuel Guy, de la chaire de recherche en transport maritime de l'Université du Québec à Rimouski.

«Ce qui est mis de l'avant est en continuation directe d'une politique gouvernementale mise en place dans les années 90, proposée d'abord par un gouvernement péquiste puis reprise par les libéraux», explique le chercheur.

La présidente de la Société de développement économique du Saint-Laurent, Nicole Trépanier, aimerait toutefois qu'on lui explique comment les libéraux prévoient offrir un crédit d'impôt pour développer le transport maritime.

«J'aimerais beaucoup savoir comment cette mesure s'articulera. Ça fait des années qu'on nous le promet, qu'on nous dit que l'axe Saint-Laurent-Grands Lacs est sous-utilisé, mais des avantages fiscaux ne sont pas mis en place pour nous rendre compétitifs. J'ai hâte de voir comment ils le feront», dit-elle, un peu sceptique.

Hugo-Sebastien AUBERT

Le chef du Parti libéral du Québec, Philippe Couillard.

LE PLAN PÉQUISTE

> Une stratégie principalement touristique.

> Miser sur des produits «prioritaires» pour le développement régional, tels que les croisières et l'observation de mammifères.

> Rehausser l'attractivité de 10 pôles Saint-Laurent et accompagner les escales des croisières internationales.

> Financer le branchement électrique à quai des escales de navires de Montréal et Québec.

Le Parti québécois a présenté à la fin de février sa propre stratégie économique articulée autour du fleuve Saint-Laurent, un plan qui, pour l'instant, vise essentiellement le secteur touristique.

«À la défense des péquistes, il existe au Québec une politique sur la Voie maritime du Saint-Laurent, adoptée en 2001 sous un autre gouvernement du Parti québécois. Et la beauté de cette politique, c'est qu'elle est restée en vigueur malgré les changements de gouvernement», se réjouit la présidente de la Société de développement économique du Saint-Laurent, Nicole Trépanier.

«Le ministre responsable de la politique, Sylvain Gaudreault, a demandé à ce qu'on l'actualise. C'est présentement en cours. Il serait toutefois intéressant, en campagne électorale, de savoir où se loge le Parti québécois pour le transport maritime, au-delà des croisières et du tourisme», souligne Mme Trépanier.

Que le gouvernement veuille miser sur les croisières ne fait pas sursauter le chercheur Emmanuel Guy, qui oeuvre pour la chaire de recherche en transport maritime de l'Université du Québec à Rimouski.

«Il n'y a pas de surprise ici. Le secteur des croisières est en croissance depuis quelques années et il y a une volonté de diversifier cette industrie. Pour certaines régions comme à Matane, cela représente une dimension importante pour le développement régional, explique M. Guy. Il faudrait toutefois plus de précisions sur le développement du transport maritime.»

Photo La Presse Canadienne

Pauline Marois