Les cinq organisations syndicales de la construction, pourtant rivales, font front commun pour demander la tenue d'états généraux sur l'industrie de la construction, pour y aborder des problèmes de fond, comme la mobilité provinciale et le travail au noir.

L'Alliance syndicale, qui représente l'ensemble des 175 000 travailleurs de la construction au Québec, a rencontré la presse, mardi à Montréal, pour expliquer sa demande - une demande qui a d'ailleurs fait sursauter une des quatre associations patronales de l'industrie.

Selon les cinq organisations syndicales, ces problèmes de fond ne peuvent être réglés lors d'une négociation de convention collective. Elles veulent donc s'asseoir avec les associations patronales de la construction et prendre le taureau par les cornes pour régler les problèmes, mais sous l'égide du ministère du Travail.

Divers thèmes pourraient y être abordés, selon Yves Ouellet, porte-parole de l'alliance, qui est aussi directeur général de la FTQ-Construction: travail au noir, organisation du travail, planification des chantiers et de la main-d'oeuvre, mobilité interrégionale, santé et sécurité, productivité et autres.

M. Ouellet admet que les audiences de la Commission Charbonneau ne sont pas étrangères à la demande des cinq organisations syndicales de la construction.

«Ce serait mentir que de dire que tout ce qui se dit sur l'industrie de la construction ne nous touche pas. Ça serait illogique. Si des états généraux peuvent aussi remettre en contexte beaucoup de choses qui se sont dites là, remettre les pendules à l'heure... L'industrie de la construction a été 'bashée'» beaucoup, a été salie, dans les dernières années. Je pense que si ça peut aider, tant mieux. Et des états généraux, ça prouve que nous, ça nous intéresse que ça aille mieux», a-t-il fait valoir.

La mobilité régionale, par exemple, a été largement discutée lors des audiences de la semaine dernière à la Commission Charbonneau. Ce principe veut qu'un entrepreneur qui obtient un contrat dans une autre région que la sienne puisse emmener avec lui ses travailleurs réguliers - ce qui cause parfois des frictions, comme cela a été le cas dans la région de la Côte-Nord.

L'Alliance syndicale s'affaire présentement à négocier les conventions collectives pour les secteurs industriel, commercial et institutionnel - ceux qui n'avaient pas conclu de convention, l'été dernier, contrairement aux deux autres secteurs: résidentiel ainsi que génie civil et voirie. M. Ouellet espère qu'une entente sera conclue d'ici le 27 avril, date à laquelle le versement d'une augmentation de salaire est déjà prévue. Il souhaiterait que les états généraux puissent se tenir après cette date.

Bien qu'il parle d'états généraux, il ne veut pas que ceux-ci prennent la forme d'une consultation tous azimuts où des intervenants de l'extérieur de l'industrie pourraient venir donner leur opinion.

«Nous, on veut que ce soit fait pour la construction par la construction. Il faut que ce soit fait par du monde concerné. On ne veut pas que ce soit des groupes externes», a pris soin de préciser M. Ouellet, qui ajoute que la construction est «un monde spécial» qui est régi par des règles complexes et souvent méconnues.

Patrons étonnés

La demande des cinq organisations syndicales a fait sursauter l'Association de la construction du Québec, soit l'association patronale qui négocie présentement avec eux les conventions collectives du secteur institutionnel, commercial et industriel.

En entrevue, la négociatrice en chef de l'ACQ, Lyne Marcoux, a dit croire qu'il s'agit là d'un «faux-fuyant», d'une manoeuvre de diversion de la part des syndicats pour éviter de régler les problèmes à la table de négociation. «Le fait qu'ils demandent des états généraux, c'est la preuve de leur refus de négocier», a-t-elle critiqué.

La demande d'états généraux constitue aussi, à ses yeux, une façon «d'utiliser la période préélectorale pour faire un appel et mettre la politique dans notre dossier, quand notre responsabilité à nous, c'est de négocier».

«Toutes les demandes patronales s'adressent à des clauses existantes» de la convention collective et peuvent être réglées à cette table, affirme la négociatrice patronale, qui cite le cas des horaires de travail, des frais de déplacement et de la rémunération des heures supplémentaires.

«Ça passe essentiellement par une actualisation des conditions de travail et il y en a qui datent de 30, 40 ans. Le monde du travail a changé, le monde commercial a changé. On a un devoir d'avoir une facture justifiable pour nos clients», a martelé Mme Marcoux.

La négociatrice rapporte que les négociations en vue du renouvellement des conventions collectives dans le secteur industriel, commercial et institutionnel ne vont «pas du tout». L'an dernier, les conventions collectives dans ce secteur avaient été prolongées jusqu'au 30 juin - avec des augmentations de salaire et des frais de déplacement - pour laisser aux parties la chance de négocier, comme les autres secteurs de l'industrie.

«Il n'y en a pas de négociation. Ils n'ont pas voulu négocier en 2013; ils n'ont pas voulu négocier en 2014», a tranché Mme Marcoux.