Pour une rare fois, les cinq organisations syndicales de l'industrie de la construction font front commun. Elles viennent d'écrire conjointement à la présidente de la Commission de la construction du Québec, Diane Lemieux, pour se plaindre de ses méthodes d'enquête et de sa lenteur lorsqu'il y a dépôt d'une plainte concernant le travail au noir sur des chantiers.

La FTQ-Construction, le Conseil provincial du Québec des métiers de la construction (international), la CSD-Construction, la CSN-Construction et le Syndicat québécois de la construction, qui représentent les quelque 165 000 ouvriers de la construction du Québec, affirment dans leur lettre commune que le temps de réponse des enquêteurs de la Commission de la construction s'est allongé depuis quelques mois, du moins lorsque la plainte émane du côté syndical.

Ce délai, soutiennent les cinq organisations syndicales de la construction, permet aux employeurs malhonnêtes de «camoufler leur fraude», voire de congédier les ouvriers qui se sont plaints de la présence de travail au noir sur le chantier.

Le problème vient du fait que la CCQ a modifié ses façons de faire, dans le cadre de sa lutte contre le travail au noir sur les chantiers. En entrevue, la présidente Diane Lemieux le confirme.

Selon les cinq organisations syndicales, la CCQ privilégie les cas dits majeurs lors des inspections et enquêtes, ce qui fait que les cas interprétés comme mineurs sont «systématiquement tolérés, voire ignorés».

En entrevue, le directeur général de la FTQ-Construction, Yves Ouellet, s'est plaint de ce qu'il voit comme un relâchement dans les façons d'enquêter et d'inspecter de la CCQ. «Quand vous prenez une auto de police et vous la mettez sur la 20, même si vous ne mettez pas de police dedans, le monde va ralentir quand ils vont arriver proche. C'est un automatisme. Bien, sur un chantier de construction, si tu laisses entendre que tes inspecteurs n'iront pratiquement plus, ou qu'ils vont y aller que sur des affaires extrêmes, mais que s'il y a des gars pas de cartes, bah, dans une semaine on va y aller. Et bien dans une semaine, le gars ne sera plus là. Et la plainte sera déclarée non fondée, alors que dans la réalité, elle est fondée. C'est juste parce qu'ils n'y sont pas allés ou qu'ils y sont allés dans un délai trop long.»

M. Ouellet rappelle que ce sont les travailleurs qui paient en partie pour la CCQ. Ceux-ci veulent donc voir des inspecteurs sur les chantiers et tiennent à une réponse rapide lorsqu'ils dénoncent des cas de travail au noir.

À son tour, la présidente de la CCQ, Diane Lemieux, conteste l'affirmation selon laquelle ses inspecteurs seraient moins présents sur les chantiers. «Le nombre d'heures qu'on passe sur les chantiers a augmenté», assure-t-elle, étant passé de 34 500 à 37 000 visites par année.

Et le nombre de «plaintes de chantier» est passé de 4437 en 2012 à 5192 l'année suivante, a-t-elle souligné.

Elle attribue la perception des cinq organisations syndicales à une «incompréhension» face aux nouvelles façons de procéder et à de l'«inconfort» face à celles-ci.

Mme Lemieux explique que dans sa lutte contre le travail au noir, la CCQ veut adopter différentes stratégies. Il n'y aura plus d'automatisme «une plainte-un inspecteur». Ainsi, les plaintes sont désormais traitées comme des signalements, qui peuvent donner lieu à des enquêtes plus poussées, au montage d'un dossier sur un employeur, par exemple.

«L'automatisme que les syndicats avaient d'appeler à la CCQ - des fois, ils appelaient même des inspecteurs individuellement sur leur cellulaire - et de dire, de donner l'ordre 'va là', c'est ça que je veux briser, c'est ça que je suis en train de briser. Je peux comprendre que ça les fait réagir, parce que jusqu'à récemment, c'était l'approche. (Avant), les inspecteurs de la CCQ, c'était le prolongement de leur action syndicale», explique Mme Lemieux.