Au-delà de la partisanerie qui entache la compréhension et les enjeux des finances publiques du Québec, il reste une réalité incontournable: équilibrer le budget est un exercice de plus en plus funambulesque.

Le moindre vent adverse, le plus petit faux pas et c'est la plongée dans le rouge.

Cette fois-ci, le vent mauvais a pris la forme d'une croissance plus faible et d'une inflation anémique qui ont plombé les recettes fiscales de plus de 2,5 milliards de dollars.

C'était pourtant prévisible. Déjà, en mars, lors de la mise à jour précédente, l'économie du Québec montrait des signes d'essoufflement, et les hausses de prix observées étaient de plus en plus faibles.

Bref, avec des révisions à la baisse de la croissance du produit intérieur brut (PIB) réel de 1,5% (projetée à l'automne 2012) à 1,3% et du PIB nominal (en dollars courants) de 3,6% à 2,1%, le gouvernement pressentait sans doute qu'il jouait avec le feu.

Il cherchait toutefois à gagner du temps, dans l'espoir un peu fou d'un coup de pouce du p'tit Jésus fédéral qui s'est montré, à bon droit, sans compassion.

En d'autres temps, le gouvernement aurait pu préparer l'opinion à l'inévitable, ce qui lui aurait permis de limiter les aboiements de l'opposition.

Il aurait pu ainsi faire valoir que l'atteinte du déficit zéro cette année, deux ans avant Ottawa, avait été projetée dans un contexte qui rendait l'objectif faisable. C'est d'ailleurs après consultations auprès d'économistes que le ministre des Finances d'alors, Raymond Bachand, avait modifié la Loi sur l'équilibre budgétaire en ce sens.

Le Québec avait connu une récession bien moins importante que le Canada dans son ensemble. En 2009, son PIB nominal a même marginalement augmenté, alors qu'il avait reculé de plus de 4% dans l'ensemble du Canada.

La reprise a aussi démarré plus vite. À preuve, Québec a touché 424 millions de moins en péréquation en 2012-2013. (Ces paiements sont établis en fonction de la capacité fiscale des provinces au cours des trois années précédentes.)

Depuis, la croissance a décéléré plus vite au Québec que dans le Canada dans son ensemble. L'inflation aussi, au point où son rythme annuel n'était plus que de 0,2%, en octobre, comparativement à 0,7% d'un océan à l'autre.

Cette mise en contexte n'était guère possible par le ministre des Finances, Nicolas Marceau.

Malgré toute sa rigueur dans le contrôle des dépenses et la lutte contre la corruption qui les faisait gonfler, le gouvernement péquiste avait émoussé sa crédibilité en matière de finances publiques dès son arrivée au pouvoir.

Rappelons quelques faits.

Durant la campagne électorale, le Parti québécois a tardé à présenter son plan budgétaire tout en affirmant qu'il s'engageait à un retour à l'équilibre en 2013-2014.

Ce n'est que le vendredi 24 août, à 10 jours du scrutin, que le futur ministre Marceau a indiqué qu'il allait financer l'élimination de la taxe santé de 200$ par la création de deux paliers d'imposition pour les revenus les plus élevés et par une augmentation de moitié du taux du gain en capital imposable et des redevances minières.

Assermenté, il a dû admettre le caractère rétroactif de ces mesures et battre en retraite devant le tollé en reniant le gros de ses engagements. Ne restait plus qu'une planche de salut pour rétablir sa crédibilité: s'accrocher coûte que coûte à l'atteinte du déficit zéro cette année.

Pourtant, dès le printemps, cinq provinces canadiennes qui avaient prévu initialement le retour à l'équilibre cette année ont décidé de le décaler, sans faire sourciller les agences de notation. Québec a plutôt choisi de réaffirmer le caractère incontournable du sien.

La révision d'hier révèle en plus que le nouveau délai de deux ans reste parsemé d'embûches.

L'augmentation de la dette qui en résulte doit être comblée par des contributions plus élevées de près d'un demi-milliard par année au Fonds des générations, à partir de 2016-2017, qu'il faudra bien récolter.

Entre-temps, le retour à l'équilibre passe par des recettes accrues de 1,4 milliard dans la lutte contre l'évasion fiscale et par un écart entre dépenses et revenus à résorber de 570 millions en 2015-2016.

Un nouveau gouvernement sera alors aux affaires. Pourra-t-il encore jouer les équilibristes ou héritera-t-il d'un fil rompu?