Le gouvernement Marois souhaite endiguer le déclin du secteur manufacturier au Québec. Pour ce faire, il a dévoilé hier à Québec le volet industriel de sa politique économique. Le plan s'annonce ambitieux, mais aussi coûteux en fonds publics.

Un milliard de dollars de fonds publics d'ici 2017, avec 25 000 emplois supplémentaires comme objectif. Le gouvernement Marois a lancé hier sa politique industrielle. On compte identifier 300 petites entreprises susceptibles de grossir rapidement d'ici la fin de la décennie.

Québec a rendu public hier le second volet, industriel, de la politique économique brossée à larges traits lundi dernier. En conférence de presse hier, la ministre déléguée à la Politique industrielle, Élaine Zakaïb, a rappelé que le Québec n'était pas le seul à devoir composer avec le déclin de son secteur manufacturier - «c'est comme ça dans tous les pays industrialisés» - et détaillé pour 1 milliard de mesures, soit la moitié de la somme globale annoncée lundi.

Au Québec, on est passé de 23,4 à 14,0 %, du PIB depuis l'an 2000. «On ne peut baisser les bras, c'est névralgique pour l'économie du Québec, poursuit-elle. La production industrielle représente 88% des exportations et garantit 12,5 % des emplois au Québec.»

Hausse de la productivité

Pour Québec, il faut d'abord rendre les industries plus productives. Les entreprises québécoises étaient moins productives que leurs concurrentes ontariennes l'an dernier - 3 % de moins -, une tendance difficile à renverser.

«On doit produire plus avec moins», dira Mme Zakaïb, pour qui la solution passe par l'identification d'entreprises plus prometteuses. Pendant trop longtemps, les manufactures québécoises se sont appuyées sur la faiblesse de la devise canadienne par rapport au dollar américain. «Il faut être intrinsèquement productifs.»

Ainsi, 300 petites firmes, des «gazelles capables de sauter haut», seront identifiées à travers le Québec. Elles seront encadrées et appuyées financièrement avec l'espoir d'en faire, à la fin de la décennie, 20 «moyennes entreprises» au chiffre d'affaires de plus de 100 millions. «C'est une grosse côte à remonter», reconnaît la ministre.

C'est à ce niveau qu'on a une masse critique, qu'on peut faire des économies d'échelle et viser les exportations, selon Mme Zakaïb. L'émergence de «nouveaux fleurons» drainera 254 millions sur le milliard de dollars d'ici 2017. Aussi, 461 millions viendront appuyer le passage au vert des entreprises, et 327 millions seront alloués à l'innovation tournée vers la commercialisation.

«On n'a pas suffisamment de moyennes entreprises. Les CLD [centres locaux de développement], le ministère des Finances et Investissement Québec cibleront dans chaque région des entreprises afin de créer des fleurons québécois», a-t-elle expliqué.

Les entreprises devront respecter des critères précis quant au taux de croissance. Elles devront expliquer pourquoi elles jugent devoir faire partie de ce groupe. Finalement, un comité d'experts fera les choix. «Les critères seront très scientifiques», promet la ministre.

On compte faire une "cartographie" des fournisseurs, afin de favoriser l'achat au Québec. Le gouvernement mettra de l'avant un nouveau crédit d'impôt de 25% pour l'achat de logiciels de gestion. Des crédits seront aussi alloués pour appuyer le virage vert des entreprises et l'efficacité énergétique du secteur manufacturier.

Par ailleurs, Québec met sur pied trois nouvelles grappes industrielles: la mode, le design industriel et l'électrification des transports.

Pour le long terme, Québec mise sur l'innovation pour favoriser la recherche au service des entreprises innovantes. On veut appuyer la deuxième phase d'un projet d'avion moins énergivore et plus silencieux. «Nous allons faire du Québec un banc d'essai pour les technologies. On offrira un accès gratuit à des spécialistes pour nos entreprises innovantes.»

Un an après le budget Marceau, Québec décide de ramener de 300 à 200 millions la taille des projets privés qui bénéficieraient d'un congé d'impôt de 10 ans. Un seul projet, celui d'Ericsson, s'était qualifié, de soutenir Mme Zakaïb. «D'autres sont sur la table, mais c'est long.» En baissant la barre, le gouvernement est susceptible de susciter des projets émanant du Québec, selon elle.

Peu de mesures immédiates, selon l'opposition

Présent à l'annonce, le critique libéral au développement économique, Sam Hamad, a relevé que le gouvernement ne disait pas où il allait prendre les 2 milliards annoncés pour sa politique économique. «On a pelleté par en avant, on fait des annonces avec des chèques sans fonds, le gouvernement est déjà dans le trou de 2 milliards, et on va prendre l'argent dans nos poches pour financer un programme électoral.»

Pour lui, le gouvernement aurait dû mettre de l'avant «des mesures immédiates». Or, dans les 2 milliards annoncés, il y a seulement 32 millions de disponibles actuellement.

Pour Yves-Thomas Dorval, du Conseil du patronat du Québec, «le contenu de l'annonce est excellent. Beaucoup de choses qu'on a proposées s'y trouvent. Les questions qui touchent la productivité font partie de nos recommandations».

Toutefois, l'approche demeure la même. «C'est très interventionniste, c'est l'État qui va faire les choses. Que le gouvernement choisisse les entreprises, on a des problèmes. Il y aura toujours des intérêts politiques qui vont jouer, même si la cible est bonne.»

Pour Manufacturiers et Exportateurs du Québec, l'économiste Simon Prévost se dit encouragé. La décision de choisir 300 entreprises susceptibles de grossir rapidement peut paraître un «gadget», mais elle mérite d'être saluée. Dans le passé, le gouvernement lançait des programmes d'aide mais n'assurait pas le suivi nécessaire.

«Le plus important, c'est d'améliorer la productivité. Le reste va suivre», observe-t-il. Le Québec est moins productif que l'Ontario. «C'est très difficile à bouger. C'est du long terme, et les objectifs politiques sont à court terme!», souligne-t-il.