Jeu, manche et match pour le fisc contre la famille de la jeune vedette du tennis Eugenie Bouchard.

La Cour canadienne de l'impôt a donné raison à l'Agence du revenu du Canada dans un litige l'opposant à Michel Bouchard, le père de la joueuse de tennis montréalaise classée au 62e rang mondial. Le jugement du tribunal ferme la porte à une structure fiscale avantageuse pour les parents de jeunes athlètes talentueux.

Michel Bouchard, banquier d'investissement spécialisé en fusions et acquisitions, voulait déduire la somme de 81 143$ qu'il a investie entre 2005 et 2007 dans la société en commandite (Tennis Mania) qu'il a fondée notamment pour financer les dépenses d'entraînement de sa fille Eugenie. Le tribunal fiscal lui a refusé ces déductions, au motif que Michel Bouchard «n'a pas établi que son intention prédominante était de faire un profit avec la société en commandite». «L'objectif prédominant de la société en commandite était de nature personnelle et clairement lié à sa fille [...]", écrit le juge Rommel Masse dans une décision rendue la semaine dernière.

Michel Bouchard faisait valoir que les trois investisseurs de Tennis Mania (dont lui, mais aussi des investisseurs qui ne sont pas membres de la famille Bouchard) seraient remboursés, incluant un profit de 10%, à même les revenus de sa fille Eugenie si elle devenait joueuse de tennis professionnelle. Et justement, Eugenie Bouchard est devenue l'une des joueuses les plus prometteuses au monde. À 19 ans, la Montréalaise est déjà classée 62e au monde. Elle s'est inclinée au deuxième tour de la Coupe Rogers la semaine dernière à Toronto. Elle a gagné environ 315 000$ en bourses en carrière, dont environ 226 000$ en 2013 (avant la Coupe Rogers).

Mais voilà, le juge Masse a conclu que rien dans les documents de la société en commandite ne force Eugenie Bouchard à partager ses revenus avec Tennis Mania. «La société en commandite n'a pas de recours légal contre [Eugenie Bouchard] si elle refuse de partager ses revenus [...]. Tout espoir de faire un profit ne dépend pas des mérites du plan d'affaires, mais totalement sur la bonne foi et la bonne volonté d'Eugenie de partager les fruits de ses succès, quelque chose qu'elle ne veut peut-être pas faire et quelque chose qu'elle ne peut être forcée à faire», écrit le juge Masse.

Si Michel Bouchard avait obtenu gain de cause, plusieurs parents voulant financer la carrière sportive de leur jeune prodige auraient pu adopter cette stratégie fiscale. Mais comme la famille de l'une des jeunes athlètes les plus en vue au pays n'a pas réussi, cette stratégie fiscale semble vouée à jamais à l'échec. Soit, dans le dossier de la famille Bouchard, la société en commandite ne détenait pas de contrat écrit détaillant comment Eugenie Bouchard la rembourserait. Mais le juge Roland Masse doute de toute façon qu'un tel accord ait été légal, considérant l'âge d'Eugenie à l'époque. «Il n'y a simplement aucune façon qu'Eugenie puisse, à 9 ans, s'engager sur le plan légal à partager ses revenus futurs si et quand elle jouera chez les pros», écrit le juge.

Déception

«Je suis déçu du résultat, dit Michel Bouchard. J'étais de bonne foi et il y avait dans la société des investisseurs qui n'étaient pas liés à notre famille, mais nous acceptons le jugement et nous tournons la page.»

L'Agence du revenu du Canada n'a pas commenté la décision de la Cour canadienne de l'impôt. Comme il s'agit d'une cause en procédure informelle, aucune des deux parties ne peut porter le dossier en appel.