Au moins une fois par mois, des fois même plus souvent, le téléphone sonne chez Gaudreau Environnement, à Victoriaville. Au bout du fil, on pose toujours la même question: Êtes-vous à vendre?

«Ça vient du Canada ou des États-Unis, raconte Johnny Izzi, directeur général de l'entreprise spécialisée en gestion des matières résiduelles. Surtout des États-Unis. Il y a des entreprises, des consultants ou des firmes de capital-risque.»

Ce qui arrive à Gaudreau Environnement, une entreprise familiale qui existe depuis 55 ans, est un bon indice de l'effervescence qui règne dans la collecte des matières résiduelles.

Le secteur des déchets a longtemps été une activité très artisanale: un gars et un camion. C'est de plus en plus une industrie intégrée qui composte, recycle et revalorise. Elle a pris le virage technologique: ses camions ont des bras articulés et carburent au gaz naturel et ses centres de tri sont équipés de machines sophistiquées qui coûtent des millions de dollars.

Comme elle doit répondre à des appels d'offres municipaux qui visent le plus bas soumissionnaire, l'industrie de la collecte des matières résiduelles n'a pas eu le choix: il lui faut grossir et élargir ses activités.

«Quand on a une masse critique, on arrive à faire des prix plus intéressants», reconnaît Johnny Izzi. Vétéran de l'industrie, le directeur général de Gaudreau Environnement a travaillé entre autres chez Waste Management et BFI, deux des gros acteurs du secteur, avec TransForce et la multinationale française Veolia.

Avec les nouvelles lois qui exigent la réduction des volumes de déchets enfouis, les entreprises devront innover et investir encore plus. Les plus solides récolteront la meilleure part des profits juteux générés par une croissance soutenue du volume de déchets.

Inexistant au Québec il y a 20 ans, le recyclage génère aujourd'hui des revenus de plus de 1 milliard de dollars par année. Ce secteur a une belle croissance devant lui, maintenant que le gouvernement québécois s'est donné comme objectif d'interdire progressivement l'enfouissement du papier, du bois et de la matière organique putrescible qui devrait être transformée en méthane.

Consolidation

Les transactions se sont multipliées au cours des dernières années. La plus récente a vu le géant américain Waste Management mettre la main sur RCI, l'entreprise de la famille Rémillard, aussi propriétaire de la station de télévision V et des Productions Remstar. Le montant de la transaction n'a pas été rendu public, mais il est estimé à plusieurs centaines de millions de dollars.

Avec le temps, les géants de l'industrie ont renforcé leur position sur le marché du Québec. En plus de Waste Management, des grandes entreprises comme BFI et Veolia ont grignoté des parts de marché en rachetant des entreprises de taille moyenne déjà bien établies.

Léo Fradette, un autre vétéran de l'industrie qui a été un des premiers dirigeants de Recyc Québec, a connu une époque pas si lointaine où il y avait 600 entreprises qui se partageaient le marché québécois. Aujourd'hui, il ne doit pas y en avoir plus de 20, selon lui.

Des entreprises indépendantes de taille moyenne, il n'y en a plus beaucoup sur le marché québécois. D'où l'intérêt que suscite Gaudreau Environnement, qui est elle-même le produit de sept ou huit acquisitions d'entreprises plus petites.

«Des entreprises comme la nôtre, il en reste deux ou trois, dit Johnny Izzi. Les multinationales veulent des grosses prises. Mais elles ont beau mettre leur ligne à l'eau, il y a moins de poissons à ramasser.»

Cette consolidation de l'industrie est allée assez loin pour inquiéter le Bureau de la concurrence, qui a exigé de Waste Management des garanties avant de lui permettre d'acheter RCI.

Gaudreau Environnement, de son côté, entend poursuivre son chemin toute seule. «On s'intéresse aux marchés plus petits que celui de Montréal, dit son directeur général. On pense aller vers les autres provinces.»