L'usine beauceronne de Smucker Foods, qui fabrique notamment le Map-O-Spread et le caramel Grenache, ne fermera pas comme prévu à la fin du mois. Ses activités se poursuivront finalement jusqu'au 15 novembre, avant d'être en bonne partie transférées aux États-Unis. La production des deux tartinades créées par des entreprises familiales au Québec il y a plusieurs décennies restera toutefois dans la province. Elle a été confiée à Produits Alimentaires Berthelet, a appris La Presse Affaires.

Le Map-O-Spread, le caramel et le fudge Grenache échapperont au transfert outre-frontière «pour des raisons de chaîne d'approvisionnement, de capacité de production et de distribution», a expliqué par courriel une porte-parole de Smucker Foods, Maribeth Burns, sans plus de détails. Les produits Grenache sont presque exclusivement vendus au Québec, tandis que le Map-O-Spread est surtout offert dans sa province d'origine et en Ontario, même si quelques points de vente ailleurs au pays lui font de la place sur leurs tablettes.

Souvenirs d'enfance

Ces aliments sucrés font partie des souvenirs d'enfance d'un grand nombre de Québécois puisqu'ils agrémentent les déjeuners depuis des générations. Créés respectivement par MM. Carrière et Grenache, ils avaient été acquis par Smucker Foods dans les années 80 et 90.

C'est en 1917 que le Map-O-Spread, une tartinade qui imite le goût du beurre d'érable, a été mis en marché. Sur les anciennes boîtes, on peut lire que «les enfants en raffolent» et que le «sirop de blé d'Inde» fait partie des ingrédients. Preuve de l'attachement émotif que le produit suscite, des conserves antiques sont en vente sur eBay pour 50$ et sur d'autres sites du genre. Et le web compte de nombreux témoignages d'expatriés racontant que chaque fois qu'ils font le saut au Québec, ils en profitent pour rapporter du Map-O-Spread.

L'origine du caramel Grenache est moins claire. Il existerait depuis 1932, si l'on se fie à son emballage. Mais Smuckers Foods dit que le produit a été créé «vers 1948», tandis que d'autres sources parlent plutôt de 1950.

Chose certaine, après avoir été fabriquées par une grande entreprise américaine pendant des années, les deux tartinades seront à nouveau produites par une PME familiale.

Produits Alimentaires Berthelet, qui possède des usines à Laval et à Blainville, vient de signer le contrat. Mais ses hauts dirigeants ont refusé de le confirmer et de commenter, n'étant pas été autorisés par Smucker Foods à le faire. Cette entreprise familiale est dirigée par Danny Berthelet, cousin du président sortant Guy Berthelet (encore présenté comme président sur la page d'accueil du site web). Elle fabrique notamment des bases de soupe déshydratées, du remplissage à tartes, des poudings et la fameuse sauce St-Hubert. Les autres entreprises qui ont tenté de remporter l'appel d'offres ont aussi signé une entente de confidentialité, de sorte qu'il n'a pas été possible de connaître le nombre ou l'identité des aliments confiés à Berthelet.

Smucker Foods a confirmé dans un courriel que les produits continueront d'être fabriqués au Québec «par un sous-traitant», mais a refusé de le nommer. Yves Marcoux, responsable du dossier de l'usine de Sainte-Marie au Syndicat international des travailleurs et travailleuses de la boulangerie, confiserie, tabac et meunerie (SITBCTM), section locale 480, n'avait pas été mis au parfum de la transaction.

Six mois pour trouver un acheteur

À Sainte-Marie, où l'usine de Smucker a obtenu un sursis, le maire Rosaire Simoneau se réjouit. «Ça donne plus de temps aux acquéreurs potentiels pour réfléchir», lance-t-il. À sa connaissance, la fermeture de l'usine a été reportée «parce que la nouvelle usine américaine de Smucker n'est pas prête. Pour des raisons de rentabilité, ils veulent tout concentrer au même endroit», soit en Ohio, près du siège social.

L'entreprise explique le report de la fermeture par «le temps requis pour réduire progressivement la production». Et affirme que la production de ses confitures sera transférée vers ses deux usines américaines d'Orrville (Ohio) et de Ripon (Wisconsin).

Smucker Foods avait annoncé au printemps 2010 que son usine de confitures et d'autres tartinades fermerait le 31 juillet 2013. L'avis de licenciement collectif touchait 101 salariés. À peu près tout le monde y travaille encore.

Depuis ce temps, la Société de développement économique Mariverain (SDEM) cherche en vain un acquéreur pour éviter les mises à pied. «L'idéal aurait été de trouver un opérateur qui aurait repris le bâtiment et les employés, mais ça n'a pas encore fonctionné. Ce n'est pas parce que nous avons une usine que les entreprises ont un projet à mettre dedans», note Éric Lavoie, directeur général de la SDEM.

Jusqu'ici, il raconte avoir «contacté les grandes familles du Québec» dans le secteur de l'agroalimentaire, comme Leclerc et Saputo, ainsi qu'Agrinov, Agropur et Kerry. «On nous disait que c'était une usine très efficace, on ne baisse pas les bras.»

«L'usine est à vendre pour 600 000$, ce qui est un prix très intéressant», juge le maire.