De la musique, de la bière, du soleil, ça suffit généralement à rendre un festivalier heureux. Et si l'événement auquel il assiste ne contribue pas à polluer l'air qu'il respire, ça ajoute au plaisir.

Le 34e Festival international de jazz, qui s'ouvre aujourd'hui, peut se vanter d'être le plus important événement en Amérique du Nord à être carboneutre. Preuve de conscience sociale ou bon marketing? Probablement un peu des deux.

Depuis 2008, le Festival de jazz neutralise ses émissions de gaz à effet de serre par l'achat de crédits de carbone. C'est Rio Tinto Alcan, un des deux principaux commanditaires du Festival, qui paie la note.

C'est peut-être bon pour l'image, «mais ce n'est pas pour ça qu'on le fait», soutient Sonia Pépin, directrice principale de la logistique et des opérations au Festival de jazz.

L'organisation du Festival a en fait accepté d'être le cobaye d'une expérience suggérée par le Fonds d'action québécois pour le développement durable.

Après cinq ans et 6047 tonnes de gaz à effet de serre neutralisés, Sonia Pépin affirme qu'il est encore possible d'améliorer le bilan environnemental de l'événement. «Pour moi, les tonnes de CO2, c'est quelque chose d'abstrait, mais quand on réussit à réduire le kilométrage ou le papier, ça me parle», explique-t-elle lors d'un entretien avec La Presse Affaires, à la veille de la soirée d'ouverture.

Le travail rigoureux effectué par l'organisation du Festival pour comptabiliser et réduire ses émissions peut maintenant servir à tous les événements comparables. L'objectif est de réduire au maximum les émissions pour avoir moins de crédits à acheter.

Ces crédits servent à financer des projets qui contribuent à l'effort mondial de réduction des gaz à effet de serre quelque part dans le monde.

Rio Tinto Alcan, qui paie la facture des crédits de carbone du Festival de jazz, est elle-même un des plus gros émetteurs de gaz à effet de serre au Québec.

L'entreprise ne veut pas préciser le coût des crédits de carbone achetés pour le compte du Festival. Un calcul rapide indique qu'à un prix de 30$ la tonne, les quelque 1200 tonnes de CO2 neutralisés chaque année lui coûtent moins de 40 000$.

Rio Tinto Alcan peut ajouter cette bonne action à sa liste de gestes pro-environnement. C'est ce que font la plupart des entreprises qui paient pour des crédits de carbone: le faire savoir, mais pas trop fort, de crainte d'être accusées de faire du greenwashing, c'est-à-dire de payer pour pouvoir continuer de polluer.

La jungle

Bonne sur le plan marketing, la carboneutralité peut aussi l'être pour les affaires, estime Paul Lanoix, professeur à HEC Montréal, qui s'est déjà intéressé à la question.

«De plus en plus, l'effort d'une entreprise en matière d'environnement devient rentable, explique-t-il. Ça peut l'aider à avoir accès à certains marchés, ça l'aide à réduire ses coûts et même à attirer de la main-d'oeuvre de qualité.»

Les entreprises ont donc tout intérêt à emprunter cette voie, selon lui, mais elle est encore risquée en raison de l'absence de réglementation. «Si j'étais une entreprise qui voulait aller dans cette direction, ce serait une préoccupation», souligne Paul Lanoix.

Le marché volontaire du carbone est en effet une jungle dans laquelle il est très difficile de se retrouver. Il y a plusieurs vendeurs et une multitude de produits. Un bon crédit de carbone est certifié par des organismes crédibles et indépendants et les projets qu'il finance sont vérifiés.

Le prix des crédits varie entre 2$ à 40$ la tonne de CO2, selon leur qualité ou la quantité achetée.

Rio Tinto Alcan, qui paie la facture des émissions du Festival de jazz, achète des crédits Gold Standard, qui ont une excellente réputation et qui sont aussi parmi les plus chers (environ 30$ la tonne).

Ce ne sont pas les plus vendus. Selon Bloomberg, les crédits de carbone les plus populaires sont, dans l'ordre, Verified Carbon Standard (VCS), Climate, Community and Biodiversity Standard (CCB), Climate Action Reserve (Reserve) et Gold Standard.

Ces crédits sont vendus par des intermédiaires qui n'ont pas non plus la même réputation ni la même crédibilité. La Fondation David Suzuki a dressé une liste de fournisseurs de crédits de carbone qui va du meilleur (Less), au pire (ZeroCO2).

Planetair, le fournisseur des crédits de carbone du Festival de jazz, se situe parmi les meilleurs. Les crédits achetés par Rio Tinto Alcan pour le compte du Festival de jazz ont servi à construire trois petites centrales hydroélectriques au fil de l'eau dans la province du Hunan, en Chine, a fait savoir la porte-parole de l'entreprise.

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Le Festival de jazz

2 millions: Nombre de visiteurs par année

1200 tonnes: Volume annuel d'émissions de CO2 compensées par des crédits

65% = Part des émissions liées au transport des artistes à Montréal

27,1 millions: Budget de l'événement 2012

40%: Part du budget qui provient des commandites

16% = Contributions gouvernementales

1500: Emplois générés annuellement Source: Festival international de jazz de Montréal