Quelque 2000 ingénieurs préfèrent quitter leur ordre professionnel plutôt que de se conformer à l'exigence de formation continue instaurée en 2011, a appris La Presse Affaires.

Le règlement, adopté en décembre 2010, donnait deux ans aux ingénieurs pour effectuer 30 heures de formation continue. La première «période de référence» s'étendait du 1er avril 2011 au 31 mars dernier.

L'Ordre des ingénieurs du Québec (OIQ) estime que 1600 de ses membres n'ont pas renouvelé leur adhésion ce printemps en raison de la nouvelle exigence. Quelque 400 autres pourraient s'ajouter d'ici la fin de l'année.

Le nombre de nouveaux membres retraités a également bondi du fait que la formation continue est facultative pour les détenteurs de ce statut. Il a doublé, passant d'environ 600 l'an dernier à 1200 cette année. Historiquement, plusieurs retraités préféraient conserver le statut de membre à part entière, question de maintenir leur droit de pratique.

Le directeur général de l'Ordre, André Rainville, ne se désole pas de cette importante désaffection.

«Si quelqu'un dit «je ne veux pas maintenir mes compétences», et bien, c'est une bonne affaire qu'il démissionne de l'Ordre parce qu'on ne peut pas garantir au public qu'il est compétent, affirme-t-il. Si les ingénieurs n'ont pas compris ça, j'aime mieux qu'ils se retirent. Le public ne s'en verra pas pénalisé, au contraire.»

Plusieurs des ingénieurs qui quittent l'Ordre pratiquent dans des domaines où l'appartenance à l'ordre professionnel n'est pas requise comme l'informatique, l'environnement et les sciences de la vie. D'autres ont carrément quitté la pratique du génie. Seuls les ingénieurs actifs dans les secteurs de la construction et de la chimie sont tenus d'être membres de l'Ordre.

Il reste que les abandons font mal à l'Ordre, qui comptait plus de 63 000 membres au 31 mars. Ce nombre aura baissé à 60 000 à la fin de mars 2014 et à 57 000 à la fin de mars 2015, projette l'OIQ. Or, depuis plusieurs années, l'Ordre gagnait environ 1000 membres par année.

Cette baisse de l'effectif est l'une des raisons, avec l'augmentation des ressources consacrées aux enquêtes disciplinaires, pour lesquelles l'OIQ demandera demain à ses membres, dans le cadre de son assemblée annuelle, de faire passer la cotisation annuelle de 310$ à 410$ par année.

L'Ordre promet d'intensifier sa surveillance de la pratique illégale, de façon à éviter que les ingénieurs qui lui ont tourné le dos continuent à réaliser des activités réservées aux membres de l'ordre professionnel.

«Comme les abandons sont en nombre plus élevé qu'à l'habitude, on a prévu un programme de vigie, explique M. Rainville. On va aller voir des dossiers, des individus.»

L'Ordre des administrateurs agréés, qui a rendu obligatoire la formation continue en 2008, a également constaté une incidence sur son effectif. Celui-ci est passé de 1600 à environ 1400 membres.

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André Rainville admet par ailleurs que la publicité télévisée de l'Ordre, diffusée plus tôt ce printemps, n'a pas été un «succès médiatique». En pleine commission Charbonneau, le message vantait la «compétence», la «rigueur», la «transparence» et l'«imputabilité» des ingénieurs et assurait que l'Ordre s'engageait «à veiller à l'application stricte» de l'éthique.

«Ce message-là n'a pas été compris par tous malheureusement, dit-il. Mais ceux qui l'ont compris, ils l'ont aimé.»

Les publicités ont été financées au moyen d'une cotisation annuelle spéciale de 26$ par membre.