Alors que l'image de l'industrie de la construction est au plus bas dans l'opinion publique, voilà que se profile à l'horizon un conflit de travail qui pourrait paralyser les chantiers dans trois semaines.

Jeudi matin, les représentants des cinq syndicats de l'industrie ont tenu une conférence de presse pour annoncer que les travailleurs déclencheront la grève le 17 juin, si aucune entente négociée n'est conclue d'ici là.

Le porte-parole de l'Alliance syndicale, Donald Fortin, a donné une idée de la détérioration des relations avec les associations patronales en accusant les employeurs de vouloir «augmenter leurs bénéfices aux dépens des travailleurs».

Lyne Marcoux, négociatrice en chef de l'Association de la construction, qui représente les entrepreneurs actifs dans les secteurs institutionnel, commercial et industriel, a répliqué en qualifiant d'«extravagantes, exagérées et onéreuses» les demandes syndicales. Mme Marcoux tente actuellement d'obtenir un mandat de lock-out de la part de ses membres.

Chez les associations regroupant les entrepreneurs des secteurs du génie civil et de la construction résidentielle, le ton était toutefois moins alarmiste. «Notre négociation progresse. On n'est pas nécessairement si loin que ça d'une entente», a dit jeudi Guy Duchesne, de l'Association des constructeurs de routes et grands travaux.

Les syndiqués réclament un meilleur remboursement de leurs frais de déplacement ainsi que des augmentations de leurs salaires et de diverses primes.

De leur côté, les employeurs souhaitent notamment que les huit premières heures supplémentaires soient rémunérées à taux et demi plutôt qu'à taux double, que la journée de travail puisse commencer à 5h30 (comparativement à 6h30 actuellement) et qu'il soit plus facile de déplacer les employés d'une région à l'autre.

Les syndicats soupçonnent les employeurs de faire traîner les négociations pour des motifs financiers. «Ils économisent 8 millions par semaine en augmentations de salaire non données. C'est 50$ par semaine pour chaque travailleur», a lancé M. Fortin.

Les associations patronales rétorquent que les négociations auraient pu commencer bien avant le mois d'avril, si les syndicats s'étaient entendus plus tôt entre eux sur la façon de mener les pourparlers. Les conventions collectives sont échues depuis le 30 avril.

Depuis 1995, aucun conflit de travail sérieux n'a perturbé l'industrie. Au gouvernement, hier, on ne voulait pas s'avancer sur la possibilité d'intervenir au moyen d'une loi spéciale dans l'éventualité d'une grève ou d'un lock-out.

«On ne commencera pas à mettre des couperets sur la tête des gens. On encourage la négociation, on la suit et on espère que ça va se régler par la négociation», a commenté Mélanie Harvey, porte-parole de la ministre du Travail, Agnès Maltais.

En pleine commission Charbonneau, un conflit de travail ne ferait rien pour redorer le blason de la construction. «Ça n'aiderait pas, c'est sûr», a convenu M. Duchesne.

«Les travailleurs n'ont pas à payer parce qu'il y a eu des problèmes avec certains entrepreneurs qui ont eu les moyens, eux, de verser des sommes substantielles pour financer des partis politiques», a, quant à lui, lâché Donald Fortin.