L'opposition a passé à la trappe vendredi le projet créant la Banque de développement économique du Québec (BDEQ), un engagement électoral majeur du gouvernement péquiste.

Le Parti libéral (PLQ) et la Coalition avenir Québec (CAQ) ont signifié qu'ils voteront contre le projet de loi 36 sur la mise en place de cette nouvelle société d'État, fruit de la fusion d'Investissement Québec (IQ) et des activités de première ligne du ministère des Finances et de l'Économie.

À l'issue de la commission parlementaire scrutant le projet de loi, la ministre déléguée à la Politique industrielle, Élaine Zakaïb, d'ordinaire joviale, semblait dépitée.

« C'est une journée triste pour le développement économique, pour le développement de nos régions. La partisanerie politique a pris le dessus sur le développement économique, c'est irresponsable », a-t-elle lancé.

Dans l'espoir de sauver la pièce législative, son collègue président du Conseil du trésor, Stéphane Bédard, a fait appel au sens des responsabilités des partis d'opposition en contexte de gouvernement minoritaire.

Libéraux et caquistes ne peuvent pas se contenter de dire « non » sur un enjeu de cette importance, en plein vendredi après-midi, sans rien proposer en retour, a-t-il insisté.

« Il y a eu des propositions constructives de la part des groupes, on est prêt à les intégrer. Les groupes sont vastement en faveur de cette proposition et je demande aux partis d'opposition, à Philippe Couillard et à François Legault, de reprendre les choses en main. On est en contexte minoritaire, faut être chacun responsable, on ne peut pas simplement s'opposer » a martelé M. Bédard.

En point de presse, le député libéral Sam Hamad a cependant été très clair: loin de simplifier la vie aux entrepreneurs, la nouvelle société d'État proposée par le gouvernement du Parti québécois est une « tour de Babel » ingouvernable.

« Ce n'est pas un guichet unique, c'est un labyrinthe que le gouvernement est en train de structurer. Les entreprises veulent qu'on simplifie leur vie, (...) les gens veulent avoir des choses simples lorsqu'ils font affaire avec le gouvernement, ils veulent avoir des programmes », a-t-il dit.

Or, la Banque de développement économique rate la cible sur le plan de l'allégement bureaucratique, a affirmé le député.

« Les programmes d'emploi sont dans un autre ministère, les exportations sont dans un autre ministère, la recherche et le développement sont dans un autre ministère et l'environnement est dans un autre ministère. Pensez-vous qu'il y a une personne qui va tout faire ça pour répondre à tout le monde? Ce n'est pas un guichet unique », a dit M. Hamad.

Aux yeux du porte-parole de l'opposition officielle en matière de développement économique, le statu quo est nettement préférable au projet du gouvernement péquiste.

« Au nom des entreprises, au nom des travailleurs, on demande à ce gouvernement de se doter d'une vraie stratégie économique au lieu d'essayer de créer des mégastructures qui ne fonctionnent pas », a-t-il soulevé.

Le Parti libéral, comme la CAQ, trouve matière à justifier sa position dans les propos du directeur général de l'Institut sur la gouvernance d'organisations privées et publiques (IGOPP), Michel Nadeau.

Jeudi, l'ancien vice-président de la Caisse de dépôt et placement a critiqué les missions multiples de la banque et la juxtaposition des conseils d'administration qui la rendra « ingouvernable ».

Pour le député caquiste Stéphane Le Bouyonnec, le projet est « mal ficelé », propose « une structure dysfonctionnelle » et ne créerait qu'un « simulacre de guichet unique » pour les entrepreneurs.

Le député de La Prairie a invité la ministre Zakaïb à retourner à sa table à dessin et à revenir à l'automne avec une proposition « qui passe la rampe ».

À son avis, le projet de la loi 36 est à ce point bancal qu'il ne peut être sauvé.

À la gouvernance trop complexe de l'organisme s'ajoute, entre autres, le choc des cultures tout à fait contre-productif entre le personnel du ministère et celui d'Investissement Québec, a argué le député.

« On pense que la culture des fonctionnaires du ministère de l'Économie avec Investissement Québec, c'est incompatible », a-t-il évalué.

Selon lui, le gouvernement Marois devrait se limiter à réformer Investissement Québec au lieu de bouleverser des structures, créer de l'incertitude et mettre à risque le développement économique.

« Il y a un risque réel, si jamais ça devait passer tel quel, de provoquer des perturbations au niveau du service aux entrepreneurs et de faire en sorte qu'au lieu d'avancer, on recule, et c'est le risque qu'on ne veut pas prendre », a dit M. Le Bouyonnec.