Après des années de croissance soutenue, l'industrie de la construction commence à sentir les effets des compressions visant le retour à l'équilibre budgétaire et du resserrement des règles d'octroi des contrats.

Depuis le mois d'août 2012, le nombre d'heures travaillées dans le secteur du génie civil et de la voirie a chuté de 27%. Il faut remonter au début de 2009 pour retrouver un niveau d'activité aussi faible.

Les baisses enregistrées dans ce secteur et dans celui du résidentiel font en sorte que, pour la première fois depuis 2009, la Commission de la construction du Québec prévoit un recul du nombre d'heures travaillées pour l'ensemble de l'industrie en 2013. L'organisme s'attend à une diminution de 5,5%. C'est deux fois plus que la baisse de 2,4% enregistrée en 2009.

La situation s'explique facilement: dans son budget, le ministre des Finances, Nicolas Marceau, a réduit de 1,5 milliard de dollars par année les investissements en immobilisations par rapport aux prévisions de l'ancien gouvernement libéral. Pour 2013-2014, les investissements sont ainsi passés de 12 à 10,5 milliards.

Ce sont les travaux dans le réseau routier qui écopent le plus. Québec projette d'investir environ 2,74 milliards en 2013-2014, soit 30% de moins qu'en 2012-2013.

Comme les sommes investies dans le développement du réseau sont stables, les compressions affectent principalement l'entretien et la réfection des chaussées, évalue l'Association des constructeurs de route et de grands travaux.

Dans les circonstances, certains entrepreneurs pourraient devoir procéder à des mises à pied, prévient Gisèle Bourque, directrice générale du regroupement. Dans les firmes de génie, des licenciements ont déjà eu lieu, indique Johanne Desrochers, PDG de l'Association des ingénieurs-conseils, sans toutefois pouvoir les chiffrer.

Dans les réseaux de la santé et de l'éducation, les budgets d'immobilisations demeurent stables. Par contre, comme partout dans le secteur public, il faut compter plus de temps avant que les projets soient autorisés, conséquence directe des révélations de la commission Charbonneau et du rapport de la firme Secor-KPMG sur les dépassements de coûts.

«Les donneurs d'ordres, on les comprend, veulent savoir quelle est la situation exacte chez eux avant de poursuivre les investissements, dit Mme Desrochers. Ils veulent être certains qu'ils ont les règles et les outils en place pour s'assurer d'être bien protégés. C'est normal dans un contexte comme celui qu'on vit, mais il ne faudrait pas que ça dure trop longtemps.»

À la Société immobilière du Québec, qui gère les édifices gouvernementaux, on espère investir 400 millions cette année dans des travaux majeurs. Il reste à voir si cet objectif sera atteint: en 2012-2013, on prévoyait investir 350 millions, mais on a terminé l'année à 234 millions.

Dans les municipalités, les investissements en infrastructures ont reculé en 2010 et en 2011, alors que les cas de malversations se multipliaient. Ils sont repartis à la hausse l'an dernier, et la tendance devrait se maintenir au moins jusqu'à l'an prochain.

«Tout le monde est plus prudent. Avant l'Opération Marteau et avant l'UPAC, les gens ne pensaient pas qu'ils pouvaient se faire prendre», lance Éric Forest, maire de Rimouski et président de l'Union des municipalités du Québec.