Investissements Hexagone, qui vient d'acquérir les entreprises de construction de Tony Accurso, fait le pari de l'intégrité pour gagner la confiance de la population et ainsi accéder aux contrats publics.

Pour y parvenir, les Investissements Hexagone cèdent le contrôle de l'entreprise aux cinq membres indépendants et majoritaires du conseil d'administration, qui ne sont pas des actionnaires. «Les cinq membres indépendants, individuellement et collectivement, on est les garants de l'indépendance de l'entreprise à l'égard de l'ancien propriétaire. Nous sommes aussi porteurs des nouvelles règles d'éthique et de conduite des affaires», a expliqué mardi Mario Bertrand, qui agira à titre de président du conseil d'administration.

Au côté de l'ancien stratège politique, on retrouve Gaétan Frigon, président de Publipage et ancien PDG de la SAQ. «Le mot d'ordre qu'on va amener au conseil d'administration, c'est tolérance zéro sur la collusion et toutes les autres magouilles. Il est possible de bien travailler, de faire de la construction sans problème», a affirmé M. Frigon. Ce dernier ne cache pas son enthousiasme, le risque lui apparaissant surtout comme un défi. «Quand la peur est passée, j'étais pas là!», a-t-il dit en souriant avant de préciser qu'il ne se lançait pas dans cette aventure «pour ternir [son] image de gestionnaire».

M. Frigon devient vice-président du conseil d'administration, tout comme l'ancien ministre du Parti québécois Yves Duhaime. Deux autres membres indépendants se joignent à l'équipe, soit Lisane Dostie et Guy George Lever. Quatre des six actionnaires complètent le conseil d'administration.

C'est à eux qu'incombe la tâche de faire oublier les déboires des entreprises Accurso et de leur dirigeant. D'ailleurs, les deux fils de l'entrepreneur, Jimmy et Marco, tous deux actionnaires d'Hexagone, étaient absents mardi de la conférence de presse, tout comme les trois gestionnaires qui ont décidé d'investir dans les entreprises Accurso.

Un financement coûteux

Investissements Hexagone chapeaute deux entreprises, soit Gastier, qui existe déjà, et Groupe Hexagone. Cette dernière entité avale Louisbourg SBC, Ciments Lavallée, Houle H2O, Geodex ainsi que certains actifs de Simard-Beaudry.

Le nouveau PDG d'Hexagone, Joël Gauthier (ancien PDG de l'Agence métropolitaine de transport et ex-directeur général du PLQ), a confirmé que la transaction s'élève à environ 150 millions. Tony Accurso n'y investit pas un sou, a assuré M. Gauthier. Le controversé entrepreneur se montre toutefois patient et ne recevra pas immédiatement de 15 à 30 millions du montant de la transaction, une somme qui agit comme garantie en cas de vices de l'entreprise.

La société privée de capital de risque de l'Ontario Third Eye Capital est le principal financier. «On a retourné toutes les pierres au Québec, aux États-Unis, en Europe et même en Chine. On a choisi la meilleure offre», a-t-il indiqué.

Sans dévoiler les détails, M. Gauthier a laissé entendre que le financement de cette transaction est coûteux, ce qui n'est pas étranger, selon lui, à la turbulence des dernières années dans l'industrie de la construction, au Québec.

«Dans ce contexte-là,

les prêteurs facturent une prime de risque. Ce sera notre défi à nous, en relançant cette entreprise et en ayant de bons résultats, de convaincre les banquiers de revoir le financement», a-t-il souligné.

«Heureux et endetté»

Dans l'immédiat, chaque actionnaire a investi ses économies ou hypothéqué de nouveau sa résidence. «Je n'ai jamais été aussi heureux et endetté en même temps», a déclaré avec un large sourire Joël Gauthier, pour qui il s'agit d'un rêve d'adolescent.

En retrait, dans l'usine où se déroulait l'événement, le père du nouveau PDG d'Hexagone, Yves Gauthier, un entrepreneur de père en fils, était ému. «Joël n'a jamais ménagé ses heures. À 14 ans, il était sur les chantiers de l'entreprise familiale, de 6h jusqu'à 11h le soir. Je suis tellement fier!», a-t-il dit en pleurant.