Québec a adopté vendredi des cibles à atteindre sur 15 ans pour inciter les entreprises cotées en Bourse à accroître le nombre de femmes siégeant à leur conseil d'administration.

Le gouvernement souhaite ainsi que les femmes occupent 20 % des postes d'administrateur dans cinq ans, 30 % dans 10 ans et 40 % dans 15 ans.

Ces cibles ont été proposées par la «Table des partenaires influents», coprésidée par l'ex-ministre libérale Monique Jérôme-Forget et Guy Saint-Pierre, ancien PDG de SNC-Lavalin (TSX:SNC).

À l'heure actuelle, les femmes occupent environ 15 % des sièges au conseil d'administration des 50 plus grandes entreprises québécoises cotées en Bourse. Dans les 273 plus importantes entreprises publiques canadiennes, la proportion était d'à peine 10,3 % en 2011.

Pire encore, plus de 46 % des grandes entreprises canadiennes cotées ne comptaient aucune femme à leur conseil en 2011. Au Québec, c'est le cas de 26 % des 50 plus grandes entreprises publiques.

«Ça fait depuis les années 1980 qu'il y a autant de femmes que d'hommes dans les universités, alors on se rend compte qu'il y a des problèmes au niveau de la culture», a constaté Mme Jérôme-Forget en conférence de presse à Montréal.

La ministre du Travail, Agnès Maltais, a accepté les recommandations du comité, y compris la décision d'opter pour une approche incitative plutôt qu'impérative. Mme Maltais a expliqué qu'elle ne pouvait pas imposer à d'autres des obligations que les partis politiques refusent de s'imposer eux-mêmes.

«Il s'agit aussi de convaincre les femmes qu'elles doivent se présenter aux postes et qu'elles peuvent occuper cette place», a déclaré la ministre, pour qui la question relève de la démocratie et de la bonne gouvernance.

M. Saint-Pierre en a fait sourciller plus d'un en affirmant que la mise en place de quotas pourrait faire en sorte que des entreprises nomment «la cousine ou la grande soeur du PDG ou du président du conseil».

Monique Jérôme-Forget était la seule parmi les huit membres du comité à prôner l'instauration de quotas. Il faut dire que Québec a des pouvoirs limités en la matière: une large majorité des entreprises cotées en Bourse ne sont pas régies par la législation provinciale, mais par la Loi canadienne sur les sociétés par actions.

Québec invite les entreprises cotées à dévoiler publiquement leurs objectifs concernant la présence des femmes à leur conseil d'administration. Or, certains pays obligent les compagnies à effectuer cette divulgation.

Le gouvernement a promis vendredi de publier chaque année un tableau sur la représentation des femmes dans les conseils d'administration et de faire le suivi des engagements pris par les entreprises à cet égard.

«Ce qu'on souhaite, c'est d'avoir suffisamment d'entreprises qui vont servir de modèles, qui vont jouer le rôle d'inspirateurs, mais il y aura toujours quelques déviants qui vont dire que ce qui compte pour eux, c'est simplement les résultats et que par conséquent, ils vont suivre l'approche traditionnelle, a lancé Mme Jérôme-Forget. Il ne faut pas se laisser distraire par les déviants. Il faut plutôt se laisser séduire par les gens qui vont apporter des changements.»

Il est aussi question de créer un prix pour récompenser les entreprises les plus progressistes sur la question.

Présente à l'annonce, la présidente du Conseil du statut de la femme, Julie Miville-Dechêne, s'est dite d'accord avec la démarche du gouvernement.

Se disant «estomaquée» que la chaîne de supermarchés Metro [[|ticker sym='t.mru'|]], dont une bonne partie de la clientèle est féminine, ne compte que deux femmes à son conseil (sur 14 membres), elle a proposé la mise sur pied d'un prix «déméritas» pour dénoncer les entreprises qui se font tirer l'oreille.

Si trop d'entreprises se montrent récalcitrantes, le gouvernement envisagera d'aller plus loin dans quelques années, a assuré Agnès Maltais, sans donner plus de détails.

Plusieurs pays européens, dont la Belgique, l'Espagne, la France, l'Italie, la Norvège et les Pays-Bas, ont imposé aux entreprises cotées des quotas qui doivent être atteints selon un échéancier précis.

Outre Mme Jérôme-Forget et M. Saint-Pierre, Yvon Charest, grand patron de l'Industrielle Alliance [[|ticker sym='t.iag'|]], Jacinthe Côté, chef de la direction de Rio Tinto Alcan, Paule Gauthier, avocate chez Stein Monast, Isabelle Hudon, présidente de la Sun Life au Québec, Hubert Lacroix, PDG de CBC/Radio-Canada, et Monique Leroux, grande patronne du Mouvement Desjardins, font partie du comité. François Jean Coutu, PDG de Jean Coutu [[|ticker sym='T.PJC.A'|]], s'y joindra sous peu.

Au début du mois, la ministre fédérale des Travaux publics, Rona Ambrose, a annoncé la création d'un comité consultatif afin de corriger la sous-représentation des femmes au sein des conseils d'administration. Ses recommandations sont attendues à l'automne.