L'Église catholique a beau détenir un patrimoine enviable, les lieux de culte et les coffres des paroisses se vident, faute de fidèles. Signe des temps, l'archevêché de Montréal a fini l'année dans le rouge. De leur côté, le vieillissement de leurs membres et le déclin des vocations ont obligé les communautés religieuses à revoir leurs besoins immobiliers. Le clergé et les congrégations ont réagi en vendant églises et couvents dans la dernière décennie, effaçant du coup une partie du visage catholique de celle qui s'est déjà appelée Ville-Marie. Les transactions s'accéléreront-elles à l'avenir? Pas si sûr, répond l'archevêché de Montréal.

« Pour le nouvel archevêque (Christian Lépine), ce n'est pas le nombre de pratiquants qui est important, c'est le nombre de personnes qui pourraient pratiquer, explique Alain Walhin, adjoint du vicaire général, responsable du dossier des paroisses et des églises à l'archevêché. D'après moi, le moratoire d'un an va durer encore plus longtemps », confie-t-il, en référence au moratoire sur la fermeture et la revente d'églises en place depuis septembre 2012.

« Le diocèse voudrait aussi que les paroisses reviennent à leur mission première de faire de la pastorale et de cesser de courir après les sous pour réparer le toit qui coule », ajoute M. Walhin. Pour ce faire, le diocèse jouerait un rôle administratif et financier plus actif au chapitre de la gestion immobilière des fabriques.

Il s'agit d'un changement de cap important, puisqu'il s'est quasiment vendu plus d'églises à Montréal dans les 10 dernières années que lors des 100 années précédentes. «Ça m'étonne, dit au téléphone Lyne Bernier, chercheuse à la Chaire de recherche du Canada en patrimoine urbain à l'Université du Québec à Montréal, qui a publié récemment un état de situation sur la conversion des églises. Il y a un an, on vendait des églises puisqu'on n'avait plus les moyens de les entretenir.»

Durant la décennie 2000, Montréal a été le témoin de 101 ventes d'églises, principalement catholiques. Avant 2000, il s'en était vendu 139, surtout de confessions protestantes.

On dénombre aujourd'hui 204 paroisses et missions catholiques dans le diocèse de Montréal.

Plus de 40% des monastères vendus

Du côté des communautés religieuses, les dispositions immobilières ont procuré les liquidités pour pouvoir prodiguer les soins de santé à leurs membres jusqu'à leur dernier repos. Vieillissantes, ces communautés cherchent également à assurer la pérennité de leurs oeuvres par cette transmission de patrimoine, explique Alain Faucher, vice-doyen de la faculté de théologie et de sciences religieuses de l'Université Laval. «Le grand défi est de réussir à transmettre les activités à des groupes qui vont continuer dans le même esprit », dit-il.

La richesse des communautés religieuses a souvent fait jaser. Au rôle municipal, on recense 726 couvents, monastères et lieux de culte dans l'île de Montréal, toutes religions confondues, d'une valeur estimée de 1,4 milliard de dollars. Qu'importe son ampleur, ce patrimoine est moins important qu'il ne l'était il y a 10 ans à peine.

Plus de 20 des 50 plus imposants couvents de la métropole ont changé de mains depuis 10 ans. Une braderie qui n'a pas causé de grands remous dans la population, à l'exception de la maison mère des Soeurs des Saints Noms de Jésus et de Marie, qui a abouti dans les mains du promoteur controversé Catania après avoir été vendue à rabais à l'Université de Montréal. La valeur des transactions de couvents atteint 110 millions de dollars.

À Québec, un débat émotif oppose les défenseurs du paysage patrimonial et les partisans du développement économique quant au sort de grands domaines que possèdent les communautés religieuses à Sillery.

«Si ces terrains existent, c'est grâce aux communautés religieuses qui en ont bien pris soin pendant plus d'un siècle », souligne le professeur Faucher.