Le numéro deux de SNC-Lavalin (T.SNC), Gilles Laramée, quittera son poste de chef des affaires financières pour prendre les rênes d'une unité d'affaires au sein de l'entreprise.

Une mutation que la société explique par la nécessité de combler ses besoins internes, mais que certains croient liée au rôle joué par M. Laramée dans le scandale des paiements de 56 millions US dont l'entreprise a perdu la trace.

SNC-Lavalin a annoncé jeudi qu'elle avait lancé un processus pour trouver un nouveau chef des finances afin de remplacer M. Laramée. Celui-ci deviendra vice-président directeur de la division «investissements dans des concessions d'infrastructures», une unité qui était en fait déjà sous sa responsabilité.

«Étant donné que cette division est une partie importante de nos affaires et qu'elle est en croissance, M. Laramée se consacrera uniquement à ça», a expliqué Leslie Quinton, porte-parole de l'entreprise.

Mais cette réaffectation fait l'objet de plusieurs interprétations différentes dans le milieu financier. Michael Yerashotis, analyste et spécialiste des questions comptables pour la firme de recherche financière torontoise Veritas, y voit un mauvais signal lié au scandale des paiements égarés qui plonge l'entreprise dans la tourmente depuis février dernier.

«La réaffectation de M. Laramée suggère que les problèmes de contrôle interne sont profonds au sein de l'entreprise. Nous la voyons comme un indicateur qu'il pourrait y avoir des détails additionnels concernant les enquêtes en cours qui n'ont pas encore été dévoilés», a-t-il dit à La Presse Affaires.

«Nous croyons que la restructuration des contrôles internes et de la gouvernance ne fait que commencer chez SNC, et que le processus d'aligner les processus d'affaires avec le nouveau cadre des contrôles pourrait être long et douloureux», continue-t-il.

Le rôle de M. Laramée dans le scandale des paiements suspects avait été remis en question par plusieurs observateurs au printemps dernier.

L'enquête interne de SNC-Lavalin a montré que M. Laramée avait été informé dès 2010 que des paiements étaient comptabilisés pour de mauvais projets au sein de son entreprise, et qu'il s'y était même opposé. Pourtant, il n'avait avisé ni le comité de vérification ni le président du conseil avant au moins un an.

Malgré sa connaissance des irrégularités, M. Laramée a aussi continué à se porter garant des états financiers de SNC-Lavalin.

Jeudi, une source chez SNC-Lavalin a affirmé que la réaffectation de M. Laramée était perçue comme une «rétrogradation» à l'interne.

«Ce n'est pas un blâme, mais c'est une indication qu'on cherche d'autres habiletés et d'autres expériences pour le poste de chef des finances», croit Yvan Allaire, président du conseil d'administration de l'Institut sur la gouvernance d'institutions privées et publiques, qui parle d'une «réprimande».

Michel Magnan, expert-comptable à l'Université Concordia, souligne quant à lui que M. Laramée conserve un poste prestigieux au sein de l'entreprise et qu'il demeure membre du bureau du président.

«Vous pouvez être sûr que la situation de M. Laramée a été scrutée à la loupe, dit-il. S'il y avait matière à quoi que ce soit, il ne serait plus là. En fait, ce qu'on voit est probablement rassurant. Ça semble montrer qu'il n'a pas été impliqué et que les problèmes ont vraiment été circonscrits autour de l'ancien président.»

Pierre Lacroix, analyste chez Desjardins, affirme qu'il est courant au sein des grandes entreprises de confier les rênes d'une division qu'on veut développer à un dirigeant qui a fait ses preuves à l'interne.

L'action de SNC-Lavalin a gagné 34 cents pour clôturer à 41,58$, hier.

SNC-Lavalin a suspendu hier les paiements liés à la prime de départ de son ex-président, Pierre Duhaime, arrêté il y a deux semaines par l'Unité permanente anticorruption. M. Duhaime est soupçonné de fraude, de complot et d'usage de faux.

L'entreprise a dit «attendre l'éclaircissement des faits entourant cette question ou le règlement de la situation de M. Duhaime» avant de décider si elle reprendra ou non le versement des paiements.

SNC avait montré la porte à son président à la suite du scandale des paiements suspects. Celui-ci avait touché au passage une prime de 4,9 millions qui avait suscité un «malaise» de la part des principaux actionnaires de SNC, la Caisse de dépôt et Jarislowsky Fraser.

Interrogée pour savoir si elle pourrait exiger le remboursement des sommes déjà versées, SNC a répété se réserver le droit de prendre les «recours et sanctions appropriés» une fois les faits établis.

La firme de génie a aussi annoncé que certains des membres de son conseil d'administration ne se présenteront pas pour être réélus en 2013. Quatre membres du conseil actuel ne pourront plus à siéger en 2014, soit parce qu'ils auront dépassé l'âge de 72 ans, soit parce qu'ils ont siégé 15 ans au conseil de l'entreprise.

Les mesures annoncées hier font suite à des «réunions de planification stratégique annuelles» qui ont lieu une fois l'an chez SNC-Lavalin.