Québec a uni sa voix à celle de l'opposition à Ottawa pour dénoncer le projet de loi qui obligerait les syndicats à dévoiler publiquement l'usage de leurs fonds.

La province a même tenté de faire reporter le vote final sur le projet C-377 qui aura lieu malgré tout mercredi au Parlement.

La ministre québécoise du Travail, Agnès Maltais, a écrit mercredi à son homologue fédérale pour lui demander de suspendre le vote, en attendant de pouvoir la rencontrer pour discuter de l'impact du projet de loi et lui faire part de ses inquiétudes à ce sujet.

Mais la ministre du Travail, Lisa Raitt, a indiqué que le vote aurait lieu tel que prévu.

«Bien sûr, je vais parler avec elle et la rencontrer lors de la nouvelle année sur plusieurs sujets. On a beaucoup à discuter», a-t-elle précisé. Une rencontre, soit, mais pas avant le vote.

Le Bloc québécois a aussi demandé mercredi à la Chambre des Communes le consentement unanime pour que le vote soit reporté, sans succès.

Puisqu'il s'agit d'un projet de loi d'initiative privée, le vote est en théorie libre et les députés fédéraux peuvent agir à leur guise.

Mais le projet C-377 aura l'appui notamment de la ministre Raitt.

Même chose pour le ministre Maxime Bernier qui a incité ses collègues de l'opposition à voter pour ce projet de loi «vertueux», qui promet plus de «transparence».

«Je ne comprendrais pas un parti d'opposition de voter contre la vertu, contre ce projet de loi-là qui demande plus de divulgation pour que les Canadiens puissent savoir qu'est-ce qui arrive avec leur argent», a-t-il déclaré.

La mesure vise à obliger les syndicats à dévoiler comment ils utilisent leur argent, recueilli surtout par les cotisations de leurs membres. Pour les transactions de plus de 5000 $, ils devraient alors notamment indiquer à qui l'argent est destiné, l'adresse du destinataire et une description de la transaction. Les salaires des dirigeants syndicaux devraient être divulgués ainsi que le temps qu'ils passent à effectuer des activités politiques et de lobbying.

Selon M. Bernier, il s'agit d'un projet de loi «pro-employeur» et «pro-syndiqué», car les travailleurs veulent savoir ce qui est fait avec leur argent, soutient-il.

Par contre, un député conservateur, Brent Rathgeber, a indiqué qu'il votera contre l'initiative législative de son collègue Russ Hiebert.

Selon le chef de l'opposition officielle néo-démocrate, Thomas Mulcair, le projet de loi C-377 ne survivra pas à un examen par les tribunaux. Il estime que ce projet, une fois adopté, serait contraire à la Charte canadienne des droits et libertés et sera invalidé. Le Nouveau Parti démocratique (NPD) soutient que la loi violerait notamment la liberté d'association.

Selon Mme Maltais, si le projet devient loi, il entraînera un sérieux déséquilibre dans le rapport de force entre les employeurs et les syndiqués.

«Ce projet de loi constituerait donc un précédent contraire à la conception et à la gestion des relations de travail du Québec, et déjà, selon certains experts, une atteinte au partage des compétences en ce domaine», a aussi écrit la ministre Maltais dans sa lettre.

«Ça nous fait plaisir de voir qu'on a un allié supplémentaire dans cette bataille-là qui est importante», a déclaré le député néo-démocrate Alexandre Boulerice après l'intervention de la ministre québécoise.

Pour lui, C-377 va coûter cher et ne va rien régler.

Si le projet est adopté, «ça signifie beaucoup plus de paperasse, beaucoup plus de bureaucratie. Ça signifie probablement $90 millions de frais pour les contribuables pour les trois premières années, si on se fie aux données et aux chiffres qui nous ont été donnés par l'Agence de revenu du Canada et les évaluations du directeur parlementaire du budget», souligne-t-il.

Les syndicats ont pour leur part déclaré que C-377 constitue une attaque en règle contre leurs droits.