Durement secouée par une série de revers qui l'a entre autres poussée à sabrer la moitié de son personnel et à réduire ses activités de recherche et développement à la fin d'octobre, la société de biotechnologie québécoise Theratechnologies (T.TH) tente de se défaire d'un recours collectif déposé contre elle par un investisseur.

L'entreprise a obtenu de la Cour d'appel la permission de soumettre ses arguments afin de faire renverser l'aval donné par le juge Marc-André Blanchard à l'audition de la poursuite.

Le magistrat de la Cour supérieure a accordé en février dernier à Roger St-Germain et à sa société à numéro deux requêtes jointes dans une seule procédure - que la Cour d'appel qualifie «d'hybride» - l'autorisant à exercer une action en dommages-intérêts en vertu de la Loi sur les valeurs mobilières, mais qui prendra la forme d'un recours collectif.

En pratique, la décision d'un juge de permettre un recours collectif est sans appel, tranche le Code de procédure civile. Seul un refus peut être contesté en Cour d'appel. Mais qu'en est-il de l'autorisation d'un recours collectif qui est basé sur une poursuite se référant à la Loi sur les valeurs mobilières?, demande Theratechnologies.

«C'est la première fois, m'affirme-t-on, que la question se pose de cette manière en droit québécois», écrit le juge Yves-Marie Morissette, de la Cour d'appel, dans sa décision qui octroie à la société la possibilité d'être entendue.

Le plus haut tribunal du Québec examinera donc une série de questions de droit qui feront ensuite école ou que l'une ou l'autre des parties soumettra à la Cour suprême.

Dans son jugement, le juge Morissette avance quelques pistes de réflexion pour ses trois collègues de la Cour d'appel qui entendront la requête de Theratechnologies.

Pour les recours collectifs, les dispositions du Code de procédure civile et de la Loi sur les valeurs mobilières convergent-elles au point d'être interreliées et d'avoir une même finalité sur la possibilité d'un appel?

La Loi sur les valeurs mobilières étant muette au sujet d'un appel, est-ce que le Code de procédure civile se substitue à elle? Une autorisation d'un recours basé sur la Loi sur les valeurs mobilières est-elle un type de jugement appelable, contrairement à un recours collectif appuyé sur le Code de procédure civile?

La Cour répondra dans un premier temps à cette dernière question. Si sa réponse est oui, les avocats des deux parties plaideront sur le fond, à savoir si le juge Blanchard s'est fourvoyé ou non en autorisant le volet de la poursuite basée sur la Loi sur les valeurs mobilières. Dans l'hypothèse d'une réponse négative, le litige sera retourné en Cour supérieure pour que le recours collectif suive son cours.

La poursuite de M. St-Germain fait suite à la vente par celui-ci de tous ses titres de Theratechnologies, le mardi 25 mai 2010. La série de transactions lui aurait occasionné des pertes de 271 752$ par rapport à la valeur de ses titres à la séance boursière du vendredi 21 mai, résume le juge Blanchard dans son jugement de février dernier.

À l'époque, Theratech-nologies attendait la décision de la Food and Drug Administration (FDA) américaine au sujet de l'approbation de son produit vedette, l'Egrifta. Le 25 mai, la FDA a publié sur son site internet une série de documents relatifs à la demande d'homologation de l'Egrifta, entre autres sur ses interrogations au sujet des risques potentiels du produit sur le développement du diabète.

Des agences de presse financières ont fait écho à cette publication, mais Theratechnologies n'en a pas soufflé mot. «[M. St-Germain] affirme que le même jour, après avoir pris connaissance de toutes les informations et en l'absence de toute autre, [il] prend la décision réfléchie de vendre, dès l'ouverture du TSX...», écrit le juge Blanchard. La FDA approuvera finalement l'Egrifta le 27 mai.

M. St-Germain reproche à Theratechnologies de ne pas avoir réagi aux publications du 25 mai et rend la société responsable des pertes subies par ses actionnaires les 25 et 26 mai.