Les sociétés québécoises achètent davantage d'entreprises étrangères que l'inverse, dans une proportion de près de 3 pour 1, selon des données compilées par le Fonds de solidarité FTQ. Une bonne chose pour l'économie d'ici, car les sociétés québécoises cotées à la Bourse, qui se démarquent par leurs acquisitions d'envergure, ont surperformé l'indice S&P/TSX depuis cinq ans.

Ces informations ont été communiquées par Gaétan Morin, premier vice-président aux investissements au Fonds de solidarité FTQ, à l'occasion d'un déjeuner-causerie organisé par l'Association des MBA du Québec.

En 2012, les sociétés québécoises ont acheté 29 sociétés étrangères pour une valeur de 11,9 milliards de dollars. En revanche, 11 entreprises de chez nous ont été avalées par des capitaux étrangers, des transactions d'une valeur de 2,5 milliards.

L'année précédente, le ratio était sensiblement le même: 38 achats contre 14 ventes. Par contre, la taille des entreprises vendues était légèrement supérieure, à 6 milliards, à celle des entreprises étrangères acquises par les sociétés québécoises, 5,2 milliards.

Des acquisitions payantes

Le Fonds s'est amusé à regarder l'évolution de la valeur boursière de 11 sociétés québécoises considérées comme des prédateurs stratégiques, soit des titres comme Couche-Tard, qui effectue des acquisitions en plus petit nombre, mais de forte envergure. La valeur de ces sociétés a doublé depuis cinq ans, tandis que le TSX faisait du surplace au cours de la même période.

M. Morin a cité en exemple quatre championnes des acquisitions. Il s'agit du producteur de tourbe Premier Tech, de la Coop fédérée, 60e coopérative en importance dans le monde, du fabricant de pneus hors route Camoplast Solideal et du fabricant de poutres de bois sous pression Stella-Jones. Pour une, la louperivoise Premier Tech a réalisé 15 acquisitions au cours des quatre dernières années.

Selon le management de ces quatre sociétés, les firmes québécoises tirent leur épingle du jeu dans le grand jeu des fusions et acquisitions en raison du souci apporté à l'intégration des entreprises récemment acquises. Un exemple, la Coop fédérée a créé un bureau de projets de 12 personnes dédiées à temps plein à s'assurer que les transactions sont bien exécutées.

Un puissant réseau

Il appert, selon les constats de M. Morin, que les sociétés québécoises profitent également de la mise sur pied du réseau QG-100, projet de l'ancien patron de la Caisse de dépôt Henri-Paul Rousseau. Il s'agit d'un regroupement privé de chefs d'entreprise du Québec qui partagent les meilleures pratiques d'affaires à l'échelle mondiale. Ces 100 entreprises sont présentes dans 167 pays et réalisent des ventes de 30 milliards à l'extérieur du Canada et des États-Unis. Le groupe a tenu une retraite fermée à Québec le week-end dernier.

L'investissement étranger s'avère profitable même quand des sociétés d'ici passent aux mains de l'étranger, avance M. Morin, citant les exemples des cafés Van Houtte et de Dollarama.

Il s'est créé 150 emplois au siège social montréalais du torréfacteur depuis qu'il a été privatisé par des capitaux américains. Dans le cas de Dollarama, la chaîne aux couleurs jaune et verte est devenue l'un des détaillants les plus performants du monde depuis qu'elle a profité de l'expertise de la firme de capitaux privés Bain Capital. Dollarama ouvre un magasin aux deux jours au Canada.

Finalement, le haut dirigeant du Fonds a insisté sur l'importance de préserver le juste équilibre entre le besoin de protéger la propriété des fleurons du Québec inc. et la nécessité pour les entreprises locales de pouvoir croître à l'étranger.

«Au Canada, on est beaucoup plus du côté restrictif que permissif à l'égard de l'investissement direct étranger, a démontré M. Morin à l'auditoire. Le Canada est l'un des seuls pays a avoir en place un système de sélection dont le but est de s'assurer que les investissements étrangers sont au bénéfice de l'économie canadienne», dit M. Morin qui a souligné l'irritation de certains investisseurs à l'égard du flou entourant les règles canadiennes.

«Un équilibre est nécessaire, surtout quand on est du côté des prédateurs», a dit M. Morin, en point de presse quand on lui a demandé si le Canada devait se montrer plus permissif à l'égard de l'investissement direct étranger.