Malgré sa dette totale qui dépasse les 11 milliards de dollars et qui continue de croître, la Ville de Montréal présente certains signes d'embellie financière, selon l'agence de notation Moody's.

Dans une analyse diffusée discrètement cette semaine, la firme new-yorkaise se réjouit du nouveau contrat de travail conclu en octobre entre la Ville et ses cols bleus. En vertu de cette entente de cinq ans, la part du régime de retraite assurée par la municipalité baissera graduellement de 70% à 55%.

«Ce contrat, qui amène autant une réforme du régime de retraite qu'une prédictibilité des coûts, est financièrement favorable, car il permettra de réduire de 3% les dépenses de salaires de plus en plus lourdes de la ville», a fait valoir Michael Yake, analyste chez Moody's.

Le coût croissant des régimes de retraite constitue un problème de plus en plus criant pour les municipalités québécoises. À Montréal, les charges liées à ce poste budgétaire ont triplé depuis 2008, passant de 198 à 586 millions, a indiqué la Ville dans son budget déposé mardi.

Les régimes de retraite

L'administration Tremblay dit mener des démarches pour réduire de 50 millions par année les charges de ses divers régimes de retraite. Les économies devraient s'établir à 17 millions en 2013.

Selon Moody's, l'entente conclue entre Montréal et une partie de ses travailleurs pourrait constituer un «exemple proactif» pour les autres villes de la province, qui cherchent elles aussi à réaménager leurs conventions collectives.

Malgré cet allégement relatif de son fardeau financier, le niveau d'endettement de la Ville continue de soulever plusieurs inquiétudes. D'autant plus que la dette brute en circulation affiche maintenant un profil «haussier», après plusieurs années de relative stabilité.

La dette totale brute consolidée s'élève désormais à 11,4 milliards, en incluant le passif des régimes de retraite. La dette nette, pour sa part, atteint 7,6 milliards, indique une présentation faite en septembre aux membres de la Commission sur les finances et l'administration.

Le coût brut du service de la dette 894,8 millions représentera 18,3% de l'ensemble du budget municipal l'an prochain. Au net, le ratio baisse à 13,2%.

«C'est énorme, a dénoncé hier Véronique Fournier, conseillère de Vision Montréal et vice-présidente de la Commission sur les finances et l'administration. C'est vraiment la métropole qui a la plus grosse dette comparativement à des villes de même taille.»

La politicienne estime que la Ville aurait dû aller plus loin dans le recalibrage du coût des régimes de retraite. Selon elle, l'administration municipale doit fixer des «objectifs clairs» afin d'arriver à un partage 50-50 dans toutes les catégories d'emplois.

Le niveau d'endettement

Vision Montréal, qui constitue l'opposition officielle à l'hôtel de ville, a vertement dénoncé le budget 2013 de l'administration Tremblay. Le niveau d'endettement actuel est encore plus frustrant pour les contribuables à la lumière des nombreuses révélations récentes sur la collusion entre élus, mafieux et entrepreneurs, dit Véronique Fournier.

«Il y a environ 50% des emprunts qui sont dédiés chaque année aux projets d'infrastructures, et c'est souvent ces contrats-là qui font l'objet de surcoûts ou de gonflement... autant de sommes qui viennent s'ajouter à la dette», a-t-elle martelé. Elle parle d'une «hypothèque à la collusion».

Marie-Josée Loiselle, économiste associée à l'Institut économique de Montréal, se dit elle aussi inquiète de la dette globale de plus de 11 milliards accumulée par la Ville.

«Tu as beau dire: on va prendre ça et le mettre dans un autre poste budgétaire, donc faire de la comptabilité créative, comme ils le font lorsqu'ils sortent le déficit actuariel du fonds de pension, à la fin de la journée, il faut le payer», a-t-elle fait valoir.

Selon Mme Loiselle - dont l'Institut est considéré comme un groupe de réflexion de droite -, Montréal doit impérativement redresser ses finances avant de frapper un mur qui ferait bondir ses coûts d'emprunt sur les marchés obligataires. «Ça prend plus qu'un contrôle des dépenses, ça prend des coupes.»

Moody's maintient la cote de crédit de Aa2 (tendance stable) de la Ville de Montréal. À titre de comparaison, celle de Toronto se situe à Aa1 et celle de Vancouver, à Aaa.

Cote Aa2

Cette cote de Aa2, en vigueur depuis 2006, représente «la meilleure cote de l'histoire de Montréal», a souligné la Ville dans le document du budget déposé mardi. La firme Standard&Poor's maintient quant à elle sa cote A" stable.

L'agence de notation DBRS, pour sa part, accole une cote A (élevée) à Montréal, lui reconnaissant un crédit de bonne qualité. DBRS donne la cote AA à Toronto, Vancouver et AA (élevée) à Calgary, ce qui représente un crédit de «qualité supérieure».

Malgré son bon crédit, Montréal paie beaucoup plus que ses pairs en frais d'intérêts. En proportion des dépenses d'exploitation, ces intérêts s'élèvent à 9,5% à Montréal, comparativement à 5,3% à Calgary, 3,4% à Vancouver et 2,5% à Toronto, indique DBRS dans un document acheminé hier soir à La Presse Affaires.

Dette consolidée brute

11,4 milliards

Dette consolidée nette

7,6 milliards

Coût brut de la dette pour l'année financière 2013

894,8 millions

Portion du budget 2013 représentée le coût brut de la dette

18,3%

Sources : Budget 2013 de la Ville de Montréal, présentation à l'intention des membres de la Commission sur les finances et l'administration du 14 septembre 2012