La première ministre Pauline Marois entend remettre l'État au coeur du développement économique du Québec, ce qui inclut un regard accru dans les initiatives du secteur privé.

Parmi le bouquet d'initiatives économiques annoncées hier, on notera avant tout la création immédiate du Groupe d'action ministériel pour la mise en oeuvre des projets d'investissements privés qu'elle présidera elle-même.

«Nous voulons un développement moderne, durable, responsable et rassembleur, a-t-elle lancé. Un développement économique juste et équitable, qui répond aux exigences du XXIe siècle et non à celles du profit à tout prix et à courte vue. Il n'est pas question de faire comme l'ancien gouvernement et de créer une croissance illusoire en augmentant les dépenses et la dette publiques.»

Le ton est donné: le nouveau gouvernement se lance dans une nouvelle restructuration de l'État qui a pour but de restaurer le modèle québécois en le rafraîchissant.

Mme Marois n'a pas soufflé mot cependant d'un nouveau rôle que pourrait y jouer la Caisse de dépôt et placement.

Cette restructuration passe avant tout par une nouvelle approche dans l'exploitation des ressources naturelles, un pari sur les entrepreneurs et sur l'innovation et par la relance des exportations dans le but de combler un déficit commercial de 22 milliards qui ne cesse de se creuser à cause, surtout, du coût élevé des importations de pétrole. Le nouveau gouvernement ouvre d'ailleurs la porte à l'exploitation du potentiel pétrolier du Québec dans le respect de l'environnement afin «d'enrichir tous les Québécois».

En revanche, le gaz de schiste est absent du plan de match.

Les énergies propres

C'est en misant avant tout sur les énergies propres et les transports en commun que le gouvernement Marois entend réduire les importations d'hydrocarbures et les émissions de gaz à effet de serre. Il entend déployer une stratégie de développement des transports et des énergies propres.

Pour stimuler les régions, il y aura présentation d'une charte du bois afin d'en accroître l'usage, en particulier dans des édifices de plusieurs étages.

En remplacement du Plan Nord cher au gouvernement Charest, Mme Marois créera un secrétariat au développement nordique qui coordonnera la mise en place d'un nouveau régime de redevances minières (un engagement électoral), incitera à la transformation des minerais chez nous et veillera au respect de l'environnement et des relations avec les autochtones. C'est ce qu'elle appelle le Nord pour tous.

Elle n'a pas précisé si la réforme de la Loi sur les mines, qui avait fait l'objet de 250 heures de travaux parlementaires avant les élections, sera reprise à zéro.

Pour favoriser l'entreprenariat, il y aura création de la banque de développement économique du Québec qui travaillera de concert avec Investissements Québec. En 2002, alors qu'elle était ministre des Finances, Mme Marois avait piloté la loi qui créait la Financière du Québec que les libéraux ont eu tôt fait de démanteler.

La relance des exportations va s'appuyer en partie sur la transformation de produits agricoles, principale activité manufacturière du Québec. On aurait cru entendre le souffle de l'ancien ministre de l'Agriculture Jean Garon quand Mme Marois a parlé de souveraineté alimentaire.

Mme Marois entend aussi donner son appui à l'économie sociale, une activité dans laquelle le gouvernement précédent ne semblait pas croire. Une loi-cadre sera déposée à cette fin.

Le contrôle des dépenses

Redonner à l'État un caractère plus interventionniste exigera aussi davantage d'efforts dans le contrôle des dépenses, en particulier dans les chantiers d'infrastructure. Mme Marois prétend que des dépassements de coûts de 80% ont été constatés dans une vingtaine de cas.

«Pour les années à venir, l'écart entre les revenus et les dépenses s'élargit rapidement et deviendra insoutenable, si nous n'agissons pas maintenant», a-t-elle prévenu. La croissance anémique de l'économie ne fait qu'aggraver cet écart.

Le Plan budgétaire de l'ex-ministre des Finances, Raymond Bachand, avait montré un écart récurrent de 875 millions entre les revenus et les dépenses, à compter de 2014-2015, sans donner de piste de solution.

Les règles de gestion

Il reviendra à son remplaçant Nicolas Marceau d'indiquer prochainement comment il entend s'y prendre, notamment pour resserrer les règles de gestion. On doit lui (nous) souhaiter que la lutte contre la corruption porte ses fruits.

Un budget dès l'automne n'est pas exclu. Mme Marois a réitéré le double objectif du déficit zéro dès l'an prochain et d'une réduction du ratio de la dette sur le PIB pour les années suivantes.

Leur réalisation sera difficilement conciliable avec certains engagements électoraux, comme l'élimination de l'augmentation des tarifs d'électricité pendant cinq ans, dédiée à la réduction de la dette.

Le discours de Mme Marois soulève enfin des questions sur des chantiers lancés par le gouvernement précédent, mais pas aboutis. Ainsi, qu'adviendra-t-il du Régime volontaire d'épargne-retraite qui devait entrer en vigueur dès 2013 pour permettre aux travailleurs d'épargner en vue de leurs vieux jours?

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22 milliards

Déficit commercial du Québec que la première ministre Pauline Marois espère combler grâce notamment à une nouvelle approche dans l'exploitation des ressources naturelles.