La zone est prête depuis le mois d'août. Un bloc de roc de 100 mètres sur 250, d'une hauteur de quelques dizaines de mètres, recouvert de sable et parsemé de centaines de petits poteaux qui marquent les endroits où sont enfouis les 25 000 kg d'explosifs.

Malartic ne parle que de ça depuis le 10 septembre: un sautage qui doit faire vibrer la ville pendant 37 secondes. Et qui divise la communauté de 3500 personnes, un peu comme le mur vert sépare la ville de la mine à ciel ouvert.

D'un côté, des citoyens inquiets d'éventuels bris à leur maison et de la stabilité des sols, ou qui craignent l'apparition d'un nuage orange de gaz toxique au-dessus de la mine, comme c'est déjà arrivé à quelques reprises.

De l'autre, la majorité (employés de la mine, commerçants, élus) qui dénonce le ministère du Développement durable, de l'Environnement, de la Faune et des Parcs (MDDEFP), qui a mis un holà sur les plans de sautage d'Osisko le 10 septembre.

Jeudi, le ministère a autorisé Osisko à effectuer le sautage sous supervision, mais la suspension du sautage pendant plusieurs semaines a mené Osisko à ralentir les activités dans la fosse. Elle a mis à pied plus de 150 employés contractuels.

Frustration et psychose

Le Comité Bonne entente, qui représente les employés de la mine non syndiquée, a lancé une pétition dans la ville et a invité les commerçants à installer des affiches de soutien à Osisko. Elles sont désormais visibles partout en ville, au grand dam de certains citoyens qui souhaiteraient voir les commerces rester neutres.

Les employés demandaient au MDDEFP d'autoriser le sautage, mais aussi d'acquiescer aux autres demandes d'Osisko, notamment d'abaisser les normes de bruit qu'Osisko est incapable de respecter de toute façon.

«On veut être capable de travailler sans avoir des bâtons dans les roues», dit Robert Bouchard, contremaître de production chez Osisko, rencontré à une manifestation des employés à l'entrée de Malartic. C'était à l'endroit même où des sous-traitants mis à pied ont stationné leurs camions et autres équipements lourds pour marquer leur frustration.

«On est toujours au pied du mur depuis l'ouverture, ajoute M. Bouchard, qui habite Malartic. On a l'impression qu'une petite gang de protestataires mène le show, par rapport à 800 familles qui vivent de la mine.»

À l'hôtel de ville, on sait à quelle enseigne on loge. Une affiche Appuyons Osisko est bien en vue sur la façade du bâtiment. Une grande photographie aérienne du complexe minier orne un mur du bureau du maire André Vezeau.

«Il y a une psychose autour du dynamitage, dit M. Vezeau. À force de taper sur le clou, il y en a qui ont peur, c'en est incompréhensible. Ils ne vont pas faire sauter la ville!»

La mine divise toujours les gens, concède toutefois le maire, «mais c'est moins pire qu'il y a trois ou quatre ans. La mine est là, on la vit et on la subit. Mais beaucoup de gens ont vu que ce n'est pas si pire que ça».

61% voient la mine positivement

Une étude menée par une chaire de recherche de l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue, effectuée en 2011 mais publiée en septembre dernier, montrait que 61% des résidants de Malartic avaient une opinion positive de la mine.

«À Malartic, il y a vraiment deux camps, et ça commence à s'affronter», soutient Serge Paquin, coordonnateur du comité de suivi qui fait le pont entre l'entreprise et les autres parties prenantes.

Personne n'en vient aux coups, mais les citoyens plus critiques sont montrés du doigt par la majorité qui appuie la mine. Ils sont tenus responsables des écueils réglementaires du projet Osisko, notamment parce qu'ils se plaignent du bruit ou de la poussière auprès des autorités.

Yves Plante, enseignant retraité, n'est pas contre le projet mais déplore que «dès qu'on pose des questions, on est étiqueté contre». Il a l'impression que le nouvel état d'esprit en ville est: «Si tu n'es pas content, tu déménages».

Un Malarticois d'origine affirme que le tissu social s'est désagrégé et que la situation crée de l'agressivité et de la hargne dans une ville autrefois reconnue pour sa mentalité sympathique. «Il est de plus en plus difficile de donner son opinion», précise-t-il. Il a préféré ne pas être identifié.

> UN «SAUTAGE PARTICULIER»

La ville de Malartic est assise sur d'anciennes galeries minières. Huit puits de mines ont donné accès à l'or du sous-sol malarticois au fil de l'histoire.

C'est précisément pour cette raison qu'Osisko doit effectuer un sautage plus long qu'à l'habitude. Le bloc rocheux est situé par-dessus des ouvertures béantes de 90 à 190 mètres de haut sous la terre. Un sautage régulier affecterait la stabilité du reste du bloc, soutient Osisko.

Selon le MDDEFP, Osisko n'a pas les autorisations pour effectuer des sautages de plus de 4 à 6 secondes.

La société pense le contraire et dit avoir déjà effectué un sautage de 1,2 million de tonnes sans que cela ne suscite la moindre réaction.