Les mesures fiscales proposées par le Parti québécois risquent de «tuer la poule aux oeufs d'or», affirme l'Institut C.D. Howe dans une étude diffusée hier.

Les changements prévus pourraient faire un trou de plus 800 millions de dollars dans les coffres de l'État, a calculé Alexandre Laurin, directeur adjoint de la recherche à l'Institut. Cela dit, le gouvernement minoritaire, qui est à la recherche de compromis, pourrait mettre de l'eau dans son vin.

L'économiste pense qu'en haussant les impôts des plus riches, Québec fera fondre de 9% les revenus imposables des contribuables visés. Au final, le gouvernement n'empochera que le quart des recettes fiscales escomptées, soit 317 millions.

«Cela ne sera pas suffisant pour compenser entièrement l'abolition de la taxe santé, dit-il. La province se retrouvera avec un manque à gagner de 810 millions par an.

La réaction des contribuables

Durant la campagne électorale, le PQ a promis que l'élimination de la contribution santé, qui rapporte près de 1 milliard par année, serait compensée par l'augmentation de l'impôt des plus riches. L'opération dans son ensemble devait être «à coûts nuls».

Or, «les contribuables vont réagir à la hausse en tentant autant que possible de diminuer leur revenu imposable», affirme M. Laurin. Ce phénomène a été observé dans de nombreuses études, insiste-t-il.

Par exemple, les hauts salariés seront tentés de réduire leurs heures de travail. Certains entrepreneurs songeront à déménager dans une province où le fardeau fiscal est moins lourd, juste avant de vendre leur société. D'autres voudront créer une fiducie située à l'extérieur du Québec.

Grand écart

L'étude souligne que les modifications prévues par le PQ vont accentuer l'écart fiscal entre les provinces (voir tableau).

Tout d'abord, Pauline Marois veut hausser le taux d'imposition pour les revenus excédant 130 000$, en ajoutant deux nouveaux paliers. Le taux combiné fédéral-provincial passerait de 48% à 52% pour les revenus de 130 000$ à 250 000$, puis à 55% au-delà de 250 000$.

«Cela constituerait de loin le plus haut taux marginal d'imposition de toutes les provinces canadiennes», note M. Laurin. Les Ontariens les plus riches paient 46%, mais le taux d'imposition atteindra 50% l'an prochain pour les revenus supérieurs à 500 000$. Malgré cela, l'écart de taux entre le Québec et l'Ontario n'aura jamais été si grand depuis 25 ans, indique M. Laurin.

Mais la disparité interprovinciale sera encore plus frappante sur le gain en capital et les dividendes.

Le gouvernement a l'intention de réduire de moitié de crédit pour le dividende. Pour un actionnaire qui reçoit des dividendes déterminés d'une société inscrite en Bourse, le taux d'imposition maximal bondira de 33% à 51%. Le même investisseur paie à peine 20% en Alberta, 26% en Colombie-Britannique et 32% en Ontario.

La juste part

À noter: ces taux s'appliquent à des contribuables qui gagnent plus de 130 000$. L'impôt est moins lourd pour ceux qui gagnent moins.

De plus, Québec veut rendre imposables les trois quarts des gains, plutôt que la moitié actuellement. Ainsi, les gens qui réalisent un profit à la revente d'un immeuble ou de placements, par exemple, devront payer un maximum de 35% d'impôt, alors que le taux maximal oscille entre 22% et 24% ailleurs. M. Laurin constate que le système fiscal québécois est déjà plus «égalitaire» que celui des autres provinces. Les 10% de Québécois nantis touchent le tiers des revenus, mais ils paient 60% des impôts, davantage que dans le reste du Canada (55%).