Pendant que le ministre des Finances Nicolas Marceau fait durer le suspense, des dirigeants de PME tentent de «sortir» leurs actifs du Québec.

Les appels d'entrepreneurs inquiets et cherchant des façons de mettre leurs avoirs à l'abri du fisc affluent à la Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM), a soutenu mardi son président et chef de la direction, Michel Leblanc.

La CCMM, qui s'affiche comme le plus important organisme privé au Québec voué au développement économique, a reçu plus de demandes d'information au cours des dix derniers jours que pendant les quatre dernières années, a indiqué M. Leblanc, joint par La Presse Canadienne.

Les appels se comptent par dizaines, a-t-il soutenu.

«J'ai reçu beaucoup d'appels de dirigeants de très grandes et moyennes entreprises et un nombre encore plus élevé d'appels de comptables et d'avocats (au sujet) de leurs clients qui tentent d'obtenir des précisions sur ce qu'ils devraient faire pour sortir des actifs du Québec ou pour éviter d'être imposés entièrement», a expliqué M. Leblanc.

Parmi les inquiétudes exprimées figurent l'augmentation projetée de 50 à 75 pour cent de la portion imposable des gains de capital et la réduction du crédit d'impôt sur les dividendes. Certains dirigeants de PME, notamment, craignent que ces mesures compromettent leur retraite.

«Les actifs dans les entreprises, les duplex, triplex et multiplex, pour bien des gens, c'est ça leur fonds de pension. Leur inquiétude, c'est de ne pas pouvoir vivre une vie décente dans le futur alors qu'ils n'ont pas de régime de pension du gouvernement», a souligné le président de la CCMM.

M. Leblanc, qui a eu des échanges avec le ministre Marceau au cours du dernier week-end, souhaite que ce dernier fasse connaître ses intentions «d'ici les prochains jours» afin de mettre fin à l'incertitude.

La CCMM espère que le ministre confirmera alors qu'il abandonne l'idée de resserrer l'étau du fisc sur les revenus de dividendes et les gains de capital.

En revanche, elle ne s'oppose pas à une augmentation de la charge fiscale des particuliers les mieux nantis, pour autant que la hausse soit modeste et surtout, non rétroactive.

Pour éviter les effets pervers sur l'économie, le taux marginal d'imposition - actuellement de 48,2 pour cent au Québec pour les revenus les plus élevés - ne doit pas dépasser «le seuil psychologique» de 50 pour cent, a fait valoir M. Leblanc.

Or, les propositions péquistes vont bien au-delà de ce seuil.

Le Parti québécois s'est engagé en campagne électorale à compenser l'abolition de la taxe santé par des mesures fiscales qui feraient passer les taux marginaux d'imposition à 52 pour cent pour les contribuables gagnant plus de 130 000 $ par année et à 55 pour cent pour des revenus supérieurs à 250 000 $.

Comme à Montréal, la communauté d'affaires de Québec s'inquiète des intentions du ministre des Finances.

Jamais en 25 ans la nervosité n'a été aussi manifeste, selon le président et chef de la direction de la Chambre de commerce et d'industrie de Québec, Alain Kirouac.

«Pourtant, on a vu passer pas mal de gouvernements! Les gens sont inquiets, il y a de la crainte et de l'incertitude, les gens se demandent quel sera l'impact des annonces du gouvernement», a-t-il déclaré.

Au dire de M. Kirouac, l'alourdissement du fardeau fiscal des contribuables nantis va rendre plus ardu le recrutement de cadres de haut niveau chez les entreprises québécoises, mettant ainsi à risque leur compétitivité.

Aussi, des gens d'affaires se demandent s'il ne vaut pas mieux quitter le Québec pour de meilleurs pâturages fiscaux.

«Je sais qu'il y a au moins deux de nos membres en contact avec des fiscalistes pour savoir comment transférer la propriété de leur entreprise dans une autre province», a-t-il indiqué.