Loto-Québec perd ses clients traditionnels et en recrute très peu de nouveaux chez les jeunes, plus enclins à jouer en ligne qu'à acheter des «gratteux» au dépanneur. La société d'État, de son propre aveu, a besoin d'un changement majeur de stratégie si elle veut survivre dans le monde moderne dominé par l'internet.

«Nous avons grandi et prospéré en tant que monopole, ce qui ne nous a pas préparés à affronter la concurrence», reconnaît son porte-parole, Jean-Pierre Roy.

La concurrence des jeux en ligne a stoppé la croissance des ventes des loteries traditionnelles, qui sont toutes dans le même bateau, a-t-on pu constater au Sommet mondial des loteries qui a réuni cette semaine à Montréal les membres de la World Lottery Association et de la North American Association of State and Provincial Lottery.

Le marché des loteries est pourtant plus important que jamais. Il y a toujours beaucoup de monde qui a le désir devenir riche instantanément, ont reconnu les plus de 1000 participants venus des quatre coins du monde.

Il devient toutefois de plus en plus difficile pour les loteries publiques confinées dans leur territoire de recruter de nouveaux clients attirés par les entreprises de jeux en ligne qui n'ont pas de frontière et qui offrent des gros lots plus généreux.

C'est une tendance lourde qui explique pourquoi le chiffre d'affaires annuel de Loto-Québec est le même aujourd'hui qu'il y a 10 ans. Les lots instantanés, qu'on connaît mieux sous le nom de «gratteux», ont déjà compté pour 33% des revenus annuels de la société d'État. Ils représentent actuellement 25% des revenus, en baisse constante année après année.

Les jeux en ligne, qui sont considérés comme la voie de l'avenir de l'industrie, ne représentent pour le moment que 0,5% de ses revenus annuels de Loto-Québec.

En retard

Si les loteries publiques traditionnelles ont tardé à réagir à des loteries en ligne, c'est qu'elles croyaient avoir un gros avantage: celui d'être des entreprises plus sécuritaires que les entreprises actives dans le Far West non réglementé de l'internet.

C'est de moins en moins vrai, a reconnu Christophe Blanchard-Dignac, grand patron de la Française des Jeux, une des cinq plus grandes entreprises publiques de loterie du monde. Il reste que les loteries publiques peuvent encore faire valoir qu'elles servent à financer des causes nobles et des projets sociaux, selon lui, plutôt que d'avoir comme seul objectif la maximisation des profits.

Mais être le «bon gars» ne suffit pas dans l'industrie du jeu. Il faut surtout pouvoir rivaliser avec des gros lots comparables à ceux dont les entreprises ont le monde comme territoire.

Les pays européens ont lancé EuroMillions, une alliance de 11 pays qui permet d'offrir des gros lots plus alléchants et d'attirer plus de clients.

Ce genre d'avenue n'est pas vraiment une solution pour Loto-Québec qui, même en s'alliant avec les autres loteries publiques au Canada, restera un petit acteur avec de petits gros lots, comparativement à ceux offerts aux États-Unis et par les loteries en ligne.

Dans ce nouvel environnement mondialisé, les plus gros acteurs, publics comme privés, sont une menace pour les plus petits, reconnaît le porte-parole de Loto-Québec. «Il faudra travailler fort si on veut survivre et rester pertinent», dit Jean-Pierre Roy.

Le président de Loto-Québec, Gérard Bibeau, n'a pas voulu parler à La Presse Affaires. Il a fait valoir qu'il serait plus approprié pour lui de parler de l'avenir de la société d'État à son nouveau patron d'abord, soit le ministre des Finances qui sera nommé dans le nouveau gouvernement de Pauline Marois.

261,8 milliards US de ventes en 2011 dans le monde

- En hausse de 7% comparativement à 2010

Les plus gros consommateurs de loterie

- Singapour (1019$US par habitant)

- Grèce (730$US par habitant)

- Massachusetts (698$ US par habitant)

- Le Québec est loin derrière, avec des dépenses annuelles de 225$US par personne.

Les plus gros joueurs

- Lottomatica (Italie)

- China Welfare Lottery (Chine)

- La Française des Jeux (France)

Source: World Lottery Almanac