Le prochain ministre des Finances du gouvernement de Pauline Marois devra, sitôt assermenté, s'attaquer aux ambitieux objectifs d'atteinte de l'équilibre budgétaire et de réduction de la dette.

Il s'agit de deux problèmes délicats, liés mais distincts.

On peut surmonter le premier tout en aggravant le second, ce qui n'est pas souhaitable dans le présent contexte où le poids de la dette devient étouffant au point de compromettre l'avenir du modèle québécois.

La première ministre désignée comprend bien cette distinction. Elle a occupé les fonctions de vice-présidente du Conseil du Trésor de 1982 à 1985, en pleine récession, ce qui l'a préparée aux arbitrages difficiles, puis de ministre des Finances, de 2001 à 2003, période plus faste pendant laquelle elle est parvenue à maintenir l'équilibre budgétaire tout en allégeant légèrement le fardeau fiscal des moins nantis.

Elle sera forcément attentive aux travaux de ces deux ministères stratégiques en cette période d'incertitudes économiques et de raréfaction des rentrées fiscales.

Son cadre financier présenté en campagne électorale ne fait pas de mystère sur sa volonté de retrouver l'équilibre budgétaire. «Le Parti québécois est le parti du déficit zéro», y lit-on d'entrée de jeu. Au deuxième paragraphe, on y va d'un engagement: «Le cadre financier quinquennal du Parti québécois ramènera le Québec à l'équilibre budgétaire dès la prochaine année.»

Dès 2013-2014, donc, comme s'y étaient aussi engagés le Parti libéral et la Coalition avenir Québec.

Pour l'année en cours, le gouvernement Marois essayera de garder le cap sur la réduction du déficit. Le ministre sortant des Finances Raymond Bachand l'avait estimé en mars à 1,5 milliard en se basant sur les hypothèses d'une croissance réelle de l'économie de 1,5% en 2012, ou de 3,5%, si on l'exprime en dollars courants pour mieux refléter la variation de l'assiette fiscale.

Au printemps, ces hypothèses étaient jugées prudentes. Elles paraissent aujourd'hui par trop optimistes. Le prochain ministre des Finances devra revoir les prévisions de recettes et le Conseil du Trésor comprimer davantage.

Un budget automnal va non seulement se fonder sur des hypothèses plus réalistes, mais aussi tenir compte d'engagements sensibles comme l'annulation de la hausse des droits de scolarité et ses mesures compensatoires pour l'exercice en cours ou comme l'ajout de deux paliers d'imposition pour les revenus les plus élevés.

Le ministre des Finances pourra aussi annuler, s'il le jugeait à propos, quelques annonces de M. Bachand pas encore sanctionnées par une loi. C'est le cas des mesures pour favoriser la participation des travailleurs expérimentés. Il y en a pour 84 millions sur trois ans, mais 10 millions seulement pour l'exercice en cours.

Le Parti québécois s'est aussi engagé à utiliser la cagnotte du Fonds des générations pour rembourser la dette.

(Cela ne la diminuera pas puisque la dette brute est définie comme la somme des emprunts et des engagements non capitalisés, moins le Fonds des générations. En termes arithmétiques, c'est comme si le Parti libéral voyait la dette comme 105-5=100 alors que le PQ la voit comme 100=100.)

Le PLQ avait fait en 2006 le pari que les rendements du Fonds seraient plus élevés que les intérêts à payer sur la dette non remboursée. Le PQ fait le pari inverse.

Au 31 mars prochain, la valeur comptable du Fonds serait de 5,5 milliards, à condition d'y verser intégralement les 911 millions qu'y a consacrés le budget Bachand. Cette somme provient avant tout des redevances hydrauliques versées par Hydro-Québec et les producteurs privés d'hydroélectricité (718 millions) ainsi que des rendements escomptés du Fonds dont l'actif est géré par la Caisse de dépôt et placement. M. Bachand tablait sur un rendement de 4,2% cette année, mais il visait 7% pour les années suivantes, une grosse commande!

À moins d'une déclaration contraire, on doit présumer qu'un gouvernement péquiste consacrera encore les redevances hydrauliques au remboursement de la dette.

Durant la campagne, Mme Marois a aussi indiqué qu'elle comptait affecter les économies d'intérêt obtenues par la fermeture du Fonds au remboursement de la dette. Ce n'est toutefois pas écrit dans le cadre financier du PQ.

En revanche, le cadre prévoit l'annulation de la hausse d'un cinquième de cent par année pendant cinq ans du tarif d'électricité patrimonial, à compter de 2014-2015. En cinq ans, ce serait donc quelque 4,65 milliards en moins consacrés à la diminution de la dette, ou à tout le moins au ralentissement de sa croissance et 1,5 milliard par année, par la suite. Ce manque à gagner sera «en partie» compensé par un régime de redevances plus exigeant, a promis le PQ.

Il s'agit d'un engagement hasardeux, compte tenu de la taille de la dette brute du gouvernement et de son engagement à la ramener à hauteur de 45% de la taille de notre économie d'ici 2025-2026 pour rassurer les agences notation. Elle équivaudra à 55,3% le 31 mars.

Rater cette cible expose Québec à des coûts d'emprunts plus élevés.

Juste avant le conflit étudiant, les prêteurs exigeaient du Québec un rendement de huit centièmes de plus que de l'Ontario pour financer sa dette pendant 30 ans. Mardi, c'était 20 centièmes. La courte victoire du PQ a ramené cet écart 17 centièmes.

Les prêteurs n'hésiteront pas à se montrer gourmands, si le gouvernement péquiste montre le moindre laxisme à l'égard de la dette.

C'est à lui de choisir...