Malgré la rigidité de son marché du travail, le Québec vient au 11e rang parmi les provinces canadiennes et tous les États américains si l'on se base sur cinq critères mesurant la performance du marché de l'emploi. Une étude de l'Institut Fraser, que La Presse a obtenue et qui sera dévoilée aujourd'hui (jeudi), place l'Alberta bonne première en Amérique du Nord, suivie de la Saskatchewan pour la période 2007 à 2011.

À l'échelle canadienne, le Québec arrive au cinquième rang parmi les provinces, derrière la région de l'Ouest, mais devant l'Ontario et les provinces de l'Atlantique, et obtient un meilleur résultat que 44 États américains sur 50.

Sur la base des cinq critères de rendement utilisés par Fraser, le Québec tire généralement son épingle du jeu en ce qui a trait à la croissance globale de l'emploi, à la création d'emplois dans le secteur privé et à la proportion des chômeurs de longue durée. La province se classe en milieu de peloton relativement au taux de chômage et finit parmi les derniers pour ce qui est de la productivité de ses travailleurs.

Les contraintes réglementaires

L'Institut Fraser, un think tank généralement reconnu comme étant de droite, ne s'applique pas cependant à expliquer l'apparente contradiction entre le succès des provinces canadiennes au chapitre de l'emploi et les nombreuses contraintes réglementaires régissant le marché du travail au Canada. Six provinces figurent dans le top 20 nord-américain.

Dans un entretien téléphonique, mercredi, l'un des auteurs de l'étude Amela Karabogovic, économiste principale études fiscales à l'Institut Fraser, attribue la bonne performance canadienne à des facteurs externes, comme le boom des matières premières. «La performance du marché du travail dépend de plusieurs facteurs externes, pas seulement des lois du travail ou de l'environnement réglementaires», a-t-elle expliqué.

L'étude souligne par exemple que la reprise a été plus marquée au Canada qu'aux Etats-Unis, notre pays ayant récupéré tous les emplois perdus pendant la récession dès la fin de 2010, ce qui n'est pas encore le cas chez nos voisins du Sud.

Le rapport met aussi en relief le fait que les États et provinces qui se sont bien tirés d'affaire en période de récession avaient également obtenu de bons résultats lors des années précédant la récession.

Si les provinces canadiennes obtiennent de meilleurs résultats que la majorité des États américains, pourquoi alors se soucier de libéraliser le marché du travail comme le recommande l'Institut Fraser?

L'adhésion aux syndicats

«De nombreuses études prouvent l'impact positif sur la performance du marché du travail de l'adoption de lois de travail mieux équilibrées entre employeurs et employés que ce qu'on voit généralement au Canada», soutient Mme Karabogovic.

La responsable, qui travaille pour l'Institut en Colombie-Britannique, fait remarquer que 23 États américains ont des lois qui donnent le libre choix à un employé [worker-choice laws]de ne pas adhérer au syndicat ou de payer des cotisations syndicales.

«Des études montrent que les États ayant des worker-choice laws enregistrent une plus forte participation au marché du travail, moins de chômage, plus de croissance et davantage d'investissements, dit-elle. Il serait souhaitable que les provinces canadiennes adoptent de pareilles lois.»

Au chapitre de l'environnement d'affaires, le Québec obtient le bonnet d'âne, selon l'Institut Fraser. La province se classe au dernier rang quant à l'étendue de la présence syndicale et ses lois du travail, favorisant les employés au détriment des employeurs. La province est 51e au chapitre de la proportion de fonctionnaires parmi les travailleurs. Elle est 57e sur 60 au regard du niveau élevé du salaire minimum exprimé en pourcentage du salaire moyen.

Efficacité du marché du travail

Québec: 11e parmi 60 (5,9 points)

Premier: Alberta (8,9 points)

Dernier: Michigan (0,9 point)

Croissance de l'emploi

(moyenne annuelle,2007-2011)

Québec: 6e parmi 60 (+1,1%)

Premier: Alberta (+1,8%)

Dernier: Michigan (- 2,4%)

Croissance de l'emploi dans le secteur privé

Québec: 8e parmi 60 (+0,8%)

Premier: Dakota-du-Nord (+2,5%)

Dernier: Rhode Island (-2,3%)

Taux de chômage

Québec: 25e parmi 60 (6,6%)

Premier: Dakota-du-Nord (3,5%)

Dernier: Terre-Neuve-et-Labrador (12,2%)

Proportion de chômeurs de longue durée (2)

Québec: 12e parmi 60 (18,2%)

Premier: Île-du-Prince-Édouard (10,2%)

Dernier: Michigan (37,8%)

Produit intérieur brut par travailleur

Québec: 56e parmi 60 (81 035$)

Premier: Delaware (164 931$)

Dernier: Île-du-Prince-Édouard (70 473$)

1) Classement parmi 60 gouvernements: 10 provinces canadiennes et 50 États américains

2) 27 semaines et plus

Source: Institut Fraser