Les quatre plus gros éditeurs de magazines sont passés aux actes et contestent devant les tribunaux le nouveau partage de la facture de la collecte sélective, tandis que le gouvernement du Québec maintient la ligne dure envers les contestataires.

Un recours a été déposé par Transcontinental, Rogers, Québecor Media et Reader's Digest pour contester leur part des coûts de recyclage, qu'ils jugent injuste et exagérée.

Les autres éditeurs québécois ne sont pas partie à la poursuite, mais ils l'appuient. L'un d'entre eux, le directeur général du magazine Protégez-Vous, David Clerk, a été exclu du comité sur la tarification de Éco Entreprises Québec, l'organisme chargé de faire appliquer le nouveau règlement en matière de partage des coûts de recyclage.

Cette expulsion est survenue après que M. Clerk eut plaidé la cause des éditeurs dans les pages de son magazine et dans une lettre au ministère de l'Environnement, Pierre Arcand.

Jusqu'à maintenant, les démarches faites par les éditeurs n'ont rien donné, a expliqué mercredi David Clerk à La Presse Affaires.

Les éditeurs de magazines sont furieux d'avoir à payer une facture plus élevée que partout ailleurs au Canada et supérieure à celle des journaux quotidiens et hebdomadaires, qui occupent pourtant plus de place dans le bac à recyclage. Ils estiment inacceptable d'avoir à payer de façon rétroactive à 2010, ce qui vient grever leur budget.

Avec les changements à la loi qui font supporter aux entreprises 100% des coûts de la collecte sélective, les magazines ont hérité d'une facture totale de 5 millions. Les détenteurs de journaux quotidiens et hebdomadaires, pour leur part, devront payer 6,5 millions, dont la moitié sous forme d'espace publicitaire.

Les magazines ont été placés dans la même catégorie que les circulaires et les autres publicités, ce qui est même insultant, estime le directeur général de Protégez-Vous, qui déplore aussi que la loi ne fasse aucune distinction entre les grands éditeurs et les organismes à but non lucratif comme Protégez-Vous.

La facture de recyclage du magazine qui défend les intérêts des consommateurs s'élève 122 275$, soit presque autant que le bénéfice de 132 179$ qu'il a réalisé à son dernier exercice.

Cette somme devra être versée au plus tard le 26 septembre. «On va prendre les moyens pour passer à travers», a indiqué hier son directeur général, qui estime que d'autres magazines québécois n'y arriveront pas et devront fermer boutique.

Le directeur du magazine Fugues, qui s'adresse à la communauté gaie et lesbienne, a d'ailleurs adressé récemment un cri d'alarme au ministre Pierre Arcand. La facture rétroactive de Fugues, qui a un tirage mensuel de 44 000 exemplaires, est de 150 000$, et celle de 2012 atteint 60 000$.

Les petites maisons d'édition, écrit Yves Lafontaine au ministre Arcand, «ne pourront survivre à cette surtaxe qui arrive à un moment où le marché publicitaire est pour le moins incertain. Garder le cap avec le décret et aller de l'avant avec les tarifs qui ont été fixés engendrera des milliers de pertes d'emplois et des faillites», prévient-il.

Les éditeurs québécois sont conscients que leur cause ne suscite pas beaucoup l'intérêt des politiciens dans la campagne électorale en cours. « On passe sous le radar avec nos problèmes», reconnaît David Clerk.

Il appréhende aussi la période de flottement qui suivra inévitablement l'élection d'un nouveau gouvernement. «On ne saura pas trop à qui s'adresser», dit-il.

Le temps joue contre eux, puisque les paiements sont dus le 26 septembre et que des pénalités sont prévues pour les retardataires. Il n'est donc pas question pour eux d'attendre l'issue du recours judiciaire intenté par les gros éditeurs.

Ces derniers n'ont pas l'intention de payer leur part avant la décision du tribunal, mais ils mettront une provision à leur bilan pour tenir compte des résultats éventuels de leur différend avec le gouvernement, a indiqué Robert Goyette, l'éditeur de Sélection du Reader's Digest.