Le Parti québécois (PQ) et la Coalition avenir Québec (CAQ) ont répété haut et fort leur intention d'abolir la «taxe santé». En revanche, les deux partis ne se sont pas trop étendus sur le sujet de leur promesse d'augmenter les impôts. Si le PQ est élu, le taux d'imposition marginal des Québécois atteindra 55%, de loin le plus élevé au Canada. Le PQ a aussi l'intention, tout comme la CAQ, d'augmenter les impôts sur le gain en capital et sur les dividendes. Cela touchera notamment les retraités qui vivent de leurs épargnes, les dirigeants de PME, les gens qui ont un chalet ou un plex. Survol des engagements qui auront un impact sur l'impôt des particuliers.

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Les Québécois les plus riches doivent s'attendre à des hausses d'impôts de plusieurs milliers de dollars, si le Parti québécois (PQ) ou la Coalition avenir Québec (CAQ) est porté au pouvoir.

Les deux partis ont l'intention de serrer la vis sur les gains en capital et les dividendes. Le PQ veut aussi relever le taux d'imposition des hauts salariés pour financer les baisses d'impôts promises à la classe moyenne, à commencer par l'abolition de la taxe santé.

Contre la taxe santé

Tous les partis veulent abolir la contribution santé, sauf le Parti libéral qui l'a instaurée en 2010.

«C'est sûr qu'on voit ça d'un bon oeil», dit Philippe Hurteau, chercheur à l'Institut de recherche et d'informations socio-économiques (IRIS). «C'était la pièce maîtresse du virage tarifaire du budget Bachand, qui cherchait à financer les services publics à même une tarification directe, en privilégiant toujours des modes de perception régressifs qui ne tiennent pas compte de la capacité de payer des gens.»

Le PQ et la CAQ considèrent, en effet, que la contribution santé est une taxe injuste et régressive parce que la somme à payer est la même pour tout le monde, peu importe les revenus. Cela dit, plus du quart de la population n'a rien à payer: 1,8 million de contribuables à faible revenu sont exemptés de la taxe santé (p. ex: une personne seule avec moins de 14 600$, un couple avec enfants gagnant moins de 29 750$).

Mais tous les autres Québécois de 18 ans et plus doivent payer la contribution santé qui s'établit à 200$ en 2012. Comme ils sont 4,7 millions, la taxe rapporte près de 950 millions par année. Beaucoup d'argent dans les coffres de l'État.

Le PQ promet toutefois que l'abolition de la contribution santé sera «une opération à coût nul».

Idem pour la CAQ qui veut accorder une réduction d'impôts de 1000$ sur cinq ans aux ménages gagnant moins de 100 000$, dont 400$ pour l'abolition de la contribution santé. À terme, cet allégement réduira les revenus de l'État de 1,8 milliard. Mais la Coalition veut combler ce manque à gagner en faisant le grand ménage de l'État et en haussant les impôts sur les gains en capital et les dividendes. Un changement qui touchera surtout les Québécois plus riches: les contribuables qui gagnent plus de 100 000$ empochent environ les deux tiers des gains en capital (69%) et des dividendes (63%), précise la CAQ.

Hausse d'impôt de 15 300$

Le PQ propose de relever de 24 à 28% le taux d'imposition sur les revenus qui excèdent 130 000$. Le taux grimperait à 31% sur les revenus au-delà de 250 000$. Près de 144 000 salariés écoperaient.

Un contribuable qui gagne 250 000$ par année subirait une augmentation d'impôt de 4800$ par année, calcule Stéphane Leblanc, fiscaliste associé chez Ernst&Young. Et un salarié qui gagne 400 000$ devrait verser 15 300$ de plus par année, comme le démontre notre tableau.

Ainsi, le taux d'imposition marginal fédéral - provincial atteindrait 55,22% pour les Québécois les plus riches, comparativement à 48,2% en ce moment. Actuellement, seule la Nouvelle-Écosse a un taux supérieur à celui du Québec, à 50%.

Gain en capital

Le PQ et la CAQ veulent aussi revoir la fiscalité sur les gains en capital, soit le profit réalisé à la revente d'une maison, d'un bien ou de placements.

Les contribuables devraient inclure les trois quarts de leur gain en capital dans leur déclaration de revenus, au lieu de la moitié en ce moment.

Prenons un propriétaire qui décide de revendre un immeuble à revenus avec un gain en capital de 200 000$. Actuellement, il doit inclure la moitié de ce gain (100 000$) dans sa déclaration de revenus. Avec la hausse du taux d'inclusion, il devrait inclure 75% (150 000$).

Ce montant est ensuite imposé selon son taux d'imposition. Si le propriétaire a déjà un salaire de 70 000$ par année, le gain en capital lui coûterait donc 61 330$ d'impôts (fédéral - provincial), soit 15 600$ de plus qu'à l'heure actuelle, comme le démontre notre tableau.

Tous les gains sont visés à l'exception du gain en capital pour une résidence principale et les gains en capital réalisés par les entreprises dans le cas du PQ.

Il est intéressant de souligner que l'imposition des gains en capital a beaucoup varié depuis 40 ans. De 1972 à 1987, les gains étaient imposables à 50%. Le taux est ensuite grimpé à 66,66% puis à 75%, avant de redescendre à 66,66% et enfin à 50%.

«Chaque fois que le fédéral a changé le taux, Québec a suivi. Il y a toujours eu le même traitement au fédéral et au provincial», constate Luc Godbout, professeur de fiscalité à l'Université de Sherbrooke.

Cette symétrie est importante, a d'ailleurs rappelé, en 1996, la Commission sur la fiscalité et le financement des services publics, alors que Québec jonglait avec l'idée de taxer les gains davantage.

«Un taux supérieur au Québec amènerait des contribuables à réaliser leurs gains à l'extérieur du Québec et nous perdrions une partie du rendement fiscal de cette mesure», indiquait le rapport qui prônait l'imposition des gains à 100%, mais de concert avec le fédéral.

Dividende

Mais le changement qui toucherait le plus grand nombre de Québécois demeure la modification du crédit d'impôt pour dividendes, proposé par la CAQ et le PQ. Plus de 675 000 contribuables paient des impôts sur des dividendes au Québec, selon le PQ.

Prenons un retraité qui dispose de revenus de pension de 25 000$ et d'un portefeuille de placement non enregistré qui lui rapporte des dividendes de 10 000$ par année. Il devrait payer 1727$ d'impôt, au lieu de 906$ actuellement, soit une augmentation de 821$.

La mesure aura un impact majeur sur les dirigeants de PME qui sont nombreux à se verser des dividendes plutôt qu'un salaire.

Mais Alexandre Laurin, directeur adjoint à la recherche de l'Institut C.D. Howe, s'étonne des changements annoncés par la CAQ et le PQ. Le crédit d'impôt sur les dividendes permet «d'éviter la double imposition des revenus du capital, c'est-à-dire une première fois au moment de l'impôt des sociétés, et une deuxième fois au moment de l'impôt personnel», souligne-t-il.

Selon lui, l'ensemble des augmentations d'impôt découragera les investissements au Québec et aura des effets économiques négatifs.

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D'autres promesses

Québec solidaire

veut instituer un impôt réellement progressif, avec 10 paliers d'imposition tenant compte des écarts de revenus. Sous la barre des 40 000$ de revenus, les contribuables auraient des baisses d'impôt, au-dessus de 100 000$, des hausses. Par exemple, un contribuable gagnant 400 000$, paierait environ 23 000$ d'impôt de plus. Pour éradiquer la pauvreté, Québec solidaire veut aussi créer un revenu minimum garanti et inconditionnel de 12 000$.

Le Parti Québécois

a promis deux nouveaux crédits d'impôt remboursables de 500$ chacun, l'un pour encourager les activités artistiques des enfants, l'autre les activités sportives. Les crédits sont destinés aux ménages dont les revenus n'excèdent pas 130 000$.

Le Parti libéral

a proposé un crédit de 3000$ pour des rénovations vertes, mais pour une année seulement. Le PLQ veut aussi bonifier le crédit pour les aidants naturels, élargir les critères d'admissibilité du crédit pour les travailleurs expérimentés, augmenter le nombre de personnes seules qui ont droit à la prime au travail, verser 100$ par enfant pour l'achat de matériel scolaire...

La CAQ

veut permettre aux retraités de remplir une déclaration de revenus grandement simplifiée, dans la mesure où leurs impôts sont simples. Près de 600 000 personnes de 65 ans et plus en profiteraient. De plus, la CAQ veut aider les jeunes familles à acheter une maison, avec un crédit d'impôt de 1000$.