Afin de réduire ses mauvaises créances, Hydro-Québec veut transmettre toute l'information sur les habitudes de paiement de ses clients aux agences de crédit.

La société d'État a déposé une demande de modification de ses conditions d'électricité à la Régie de l'énergie, vendredi dernier. Cette requête a fait bondir Option consommateurs qui compte s'y opposer.

Dans son document, Hydro-Québec explique que ses mauvaises créances ont connu une croissance de 26% depuis trois ans. Elles ont grimpé de 72 millions de dollars, en 2009, à 91 millions, en 2011, avec une pointe de 138 millions, en 2010, alors que l'économie était malmenée par la crise financière.

Environ 85% des clients d'Hydro-Québec paient leur compte avant l'échéance. Pour les 15% qui accusent du retard, il est possible de négocier une entente. Depuis 2009, les ententes conclues avec des ménages à faible revenu ont d'ailleurs triplé.

Il reste que les mauvaises créances ont une incidence sur les tarifs que doit payer l'ensemble de la clientèle, soutient Hydro-Québec. C'est pourquoi la société d'État veut se «doter d'outils pour mieux gérer son risque».

Elle voudrait transmettre les données de paiement de tous ses clients résidentiels aux agences de crédit. D'ailleurs, Hydro-Québec a déjà eu des discussions préparatoires avec les deux principales agences que sont Equifax et TransUnion.

Les agences de crédit colligent les renseignements sur les habitudes de paiement des consommateurs qui ont des cartes de crédit, des prêts, des marges, une hypothèque, etc. Les consommateurs qui accusent du retard entachent leur dossier de crédit, ce qui peut ensuite les empêcher d'obtenir d'autres prêts.

Or, certains consommateurs pris à la gorge peuvent être tentés de mettre leur facture d'électricité sous la pile, sachant qu'Hydro-Québec ne dévoile aucun renseignement aux agences.

La société d'État pense que les consommateurs seront plus enclins à payer leur compte rapidement s'ils savent que leurs habitudes, bonnes ou mauvaises, influeront sur leur score de crédit, positivement ou négativement.

Hydro-Québec transmettrait régulièrement les renseignements sur les comptes de ses clients: nom, coordonnée, retard de paiement. Mais Hydro-Québec aurait une codification un peu plus souple, «pour mieux répondre aux particularités de sa clientèle, dont les ménages à faible revenu», précise le document.

Aux États-Unis, plusieurs fournisseurs d'énergie transmettent leurs données aux agences de crédit, ce qui leur a permis de réduire leurs mauvaises créances. Et au Canada, de nombreux fournisseurs de téléphonie mobile font de même, fait valoir Hydro-Québec.

Mais Option consommateurs estime qu'Hydro-Québec a déjà assez d'outils dans son coffre. «Ils peuvent exiger un dépôt d'un client. Ils peuvent aussi couper l'électricité durant huit mois de l'année. C'est la menace ultime!» s'exclame l'avocate Dominique Gervais.

Elle pense que cette nouvelle mesure ne ferait que fragiliser davantage les ménages à faible revenu qui ont déjà du mal à payer leurs comptes. «Un mauvais dossier de crédit a des impacts qui vont bien au-delà du crédit. Il y a des assureurs qui s'en servent, des employeurs, des propriétaires de logements», énumère-t-elle.

Même les bons payeurs qui sont victimes d'une erreur de facturation d'Hydro-Québec pourraient voir leur dossier de crédit entaché, ajoute l'avocate. «Jusqu'à ce que ça se règle, dit-elle, les banques peuvent leur refuser un prêt ou exiger un taux d'intérêt plus élevé.»