L'histoire de la boutique indépendante de vêtements pour dames Katrin Leblond est intimement liée aux hauts et aux bas que connaît le boulevard Saint-Laurent, à Montréal, depuis cinq ans.

Après la première ronde de travaux en 2007, la designer de mode de 37 ans en a profité pour dénicher un local de 1600 pi2 à bon prix, au nord de l'avenue du Mont-Royal, après que bien des commerçants eurent fermé leurs portes. Le malheur des uns...

Dès l'année suivante, c'était malheureusement à son tour de pâtir. La Ville rouvrait les entrailles de la Main à l'été 2008, au grand désespoir des marchands. La première année d'exploitation d'une nouvelle boutique n'est jamais facile, imaginez lorsque la circulation est entravée et que les trottoirs ont disparu!

Cinq ans plus tard, la Main n'a peut-être pas retrouvé sa popularité d'antan, mais Mme Leblond ne regrette nullement le choix de son emplacement.

«Pour une entreprise, d'être sur Saint-Laurent, c'est déjà quelque chose. Mais je trouve qu'on a besoin d'encourager les gens à venir un peu plus au nord (de l'avenue du Mont-Royal) pour découvrir les changements depuis cinq ans», dit la femme d'affaires autodidacte. Selon son estimation, une dizaine de boutiques de designers de mode, comme la sienne, sont apparues entre Mont-Royal et Saint-Viateur.

Julia Roberts et la Main

Son atelier de confection est d'ailleurs situé à quelques rues de là, au 5333, rue Casgrain. Son domicile est aussi dans le quartier. Son mari, Michael Makham, tient le restaurant végétarien Aux Vivres, à deux portes de chez elle.

À l'intérieur de la boutique, sise au 4647, boulevard Saint-Laurent, le décor laisse toute la place aux vêtements colorés de Katrin Leblond, qui s'autoproclame experte en couleurs. Elle donne d'ailleurs des consultations sur le sujet à sa clientèle, du genre femme extravertie de 30 à 60 ans, qu'elle soit enseignante, femme de médias ou artiste. «Julia Roberts est entrée et a acheté quelque chose. Et dire que je n'étais même pas là!» Elle propose aux clientes des morceaux pour la vie quotidienne et les soirées.

Nathalie Bondil, directrice du Musée des beaux-arts de Montréal, est le nom qui lui vient en tête lorsqu'on lui demande de nommer une femme connue habillée de façon impeccable.

Avant de se lancer dans la vente au détail, Katrin Leblond, qui a fait les beaux-arts à l'Université Concordia, possédait sa propre entreprise de vente en gros. Fairyesque, qu'elle s'appelait, vendait dans 45 boutiques au Canada et aux États-Unis.

«Dans la vente en gros, tes clients te paient après 30, 60, 120 jours ou même jamais. Je passais mon temps au téléphone à courir après mon argent. Dans la vente au détail, ta cliente te paie avant de franchir la porte du magasin», explique la mère d'une petite fille de 3 mois.

Fabriqués à Montréal

Après une première année misérable, en 2008, les ventes annuelles de son magasin ont quintuplé depuis. La boutiquière désespère toutefois de les voir plafonner cette année. Elle s'attend à vendre pour un demi-million de dollars de vêtements, dont environ 70% sont signés de sa main. Elle présente cinq collections par an pour un total d'au moins 3000 pièces par année, toutes fabriquées à Montréal. Cet été, sa création la plus populaire est un pantalon noir passe-partout. Elle en a découpé 300 du même modèle.

Ses ventes annuelles au pied carré s'élèvent à 315$. Les bonnes journées, elle vend pour 2000$ et plus; les moins bonnes, pour 300$ seulement. Ouverte 7 jours sur 7, la boutique dessert une clientèle principalement locale.

Pour accroître sa notoriété au-delà des quartiers avoisinants, Katrin Leblond a recours au web. Sur Groupon, un site d'achats regroupés, elle a vendu avec succès 100 séances de consultation de garde-robe qui lui ont permis d'attirer des femmes des quatre coins de l'île de Montréal dans son magasin, en période creuse.

Se servir de Groupon pour redonner aux Montréalais le réflexe de fréquenter la Main? La Ville devrait peut-être bien mettre quelqu'un là-dessus.