Depuis l'augmentation annoncée des droits de scolarité, le gouvernement provincial et les étudiants occupent le paysage médiatique. Quelle image dégage-ils? Que devrait-ils faire pour améliorer leur message? Trois experts analysent la situation de façon sérieuse... et humoristique.

FRÉDÉRIC GONZALO

Stratège en marketing, communications et médias sociaux


Q Qui s'en sort le mieux, le gouvernement ou les étudiants?

R Ni l'un ni l'autre. Les deux parties se font égratigner. Si je dois trancher, disons que le gouvernement s'en tire légèrement mieux. Les manifestations qui ont mal tourné à cause des casseurs ont nui aux étudiants. Le blocus continu au centre-ville de Montréal fait parler, mais surtout râler ceux qui se rendent au travail. Et l'intervention du juge en chef, hier, a donné des munitions au gouvernement pour régler l'affaire rapidement.

Q Quelle est l'image publique du gouvernement?

R Jusqu'à la semaine dernière, il était intransigeant. Puis il a eu une image d'ouverture. Pour le milieu des affaires, le gouvernement fait ce qu'il a à faire.

Q Quelle est l'image publique des étudiants?

R Au départ, une image de bébés gâtés. Leur grève n'était pas perçue comme quelque chose de sérieux. Ils ont bien joué avec les manifestations répétées et le carré rouge. Ils ont bien utilisé les médias sociaux. Mais à cause des casseurs, ils ont eu l'image de perturbateurs publics. Maintenant, le rejet des offres du gouvernement peut jouer en leur défaveur.

Q Que faire pour améliorer l'image du gouvernement?

R Une pub radio, comme celle diffusée en ce moment, est une bonne idée, si ça fait connaître la position du gouvernement. Ce n'est pas le moment de sortir une campagne en périphérie pour ne pas jeter d'huile sur le feu.

Q Que faire pour améliorer l'image des étudiants?

R Il existe énormément de contenu (de professeurs ou d'économistes) qui ne se rend pas à la population. Il y a une polarisation du débat: on gèle ou on dégèle les droits de scolarité. Les étudiants devraient faire circuler du contenu de fond, comme les vertus de la gratuité, sur Twitter, Facebook. Leur lipdub, c'est super, mais en quoi ça va faire changer d'opinion?

Q Un bon slogan pour le gouvernement ou pour les étudiants?

R Les slogans ont leur place dans les manifestations, mais après 12 semaines, on n'en est plus là. Le clan qui va l'emporter est celui qui va faire mieux comprendre sa position.

MYLÈNE FORGET

Présidente de Massy Forget Langlois relations publiques


Q Qui s'en sort le mieux?

R Les étudiants, qui ont un discours éloquent et qui passe bien. Le gouvernement a un discours extrêmement ferme. Il a polarisé les insatisfaits de la société en faisant traîner le débat. Son message est à l'avantage de la majorité des Québécois, mais il ne passe pas à cause de l'utilisation des cassettes. Le «50 cents par jour» est un argument très faible.

Q Quelle est l'image publique du gouvernement?

R C'est l'enfant buté.

Q Quelle est l'image publique des étudiants?

R Ils jouent le rôle de l'adulte, au lieu du gouvernement.

Q Que faire pour améliorer l'image du gouvernement?

R Il devrait laisser tomber la cassette. Expliquer les conséquences du sous-financement et pourquoi il tient mordicus à la hausse. Il devrait se trouver des alliés dans les universités et faire appel aux représentants du carré vert, sous-représentés dans le débat.

Q Que faire pour améliorer l'image des étudiants?

R Ils doivent continuer dans le même sens. Ils se sont donné un symbole clair et qui s'arbore facilement: le carré rouge. Ils ont récolté avec peu de moyens l'appui des artistes et des autres partis politiques. Il faut maintenant trouver des moyens plus originaux, car les manifestations sont une nuisance pour les travailleurs. Ils pourraient faire circuler dans les médias sociaux des témoignages d'étudiants pour décrire les problématiques, les conséquences pour certains de la hausse des droits de scolarité. Dans un débat, on a besoin de logique, de rationnel et d'émotif.

Q Un bon slogan du gouvernement?

R Reculer pour mieux sauter.

Q Un bon slogan pour les étudiants?

R Ne regardons pas l'arbre, mais regardons la forêt.

NICOLAS MASSEY

Vice-président, directeur de la création à Publicis Montréal


Q Qui s'en sort le mieux?

R Le gouvernement n'a pas l'air sensible à la réalité des étudiants. Il est distant et sourd à l'idée d'établir un dialogue constructif. Par contre, les plaisanteries de M. Charest qui ridiculisent la situation me font bien rire. Les politiciens ont toujours été de grands humoristes!

Quant aux étudiants, ils ont vraiment l'air d'être en révolution contre le gouvernement libéral, et pas seulement contre la hausse des droits de scolarité. C'est spectaculaire et angoissant de les voir défiler dans les rues pour affirmer leur mécontentement.

Q Quelle est l'image publique du gouvernement?

R Depuis longtemps, le gouvernement libéral n'a pas une très bonne image au Québec. Après les scandales de corruption, c'est au tour des étudiants de remettre en cause l'honnêteté et l'intégrité du gouvernement. Conclusion: les libéraux obtiennent la note de C, pour Charest. Mais ils peuvent encore se reprendre à l'examen final: le vote!

Q Quelle est l'image publique des étudiants?

R Une image de rassemblement unique depuis des années. La jeunesse du Québec s'allie pour une bonne cause, qui n'est pas celle de la séparation. Cependant, ils pourraient être plus créatifs dans leur façon de manifester leur mécontentement.

Q Que faire pour améliorer l'image du gouvernement?

R La pub s'ouvre sur Jean Charest qui démissionne. On le voit étudier la musique à l'Université de Sherbrooke (guitare électrique). On voit ensuite Jean Charest sur scène avec Bono de U2 et ils chantent We Don't Need no Education de Pink Floyd au parc Jean-Drapeau avec, comme public, les étudiants du Québec.

Q Que faire pour améliorer l'image des étudiants?

R La pub s'ouvre sur les manifestants qui viennent assister au spectacle de Jean Charest et Bono qui interprètent Another Brick in The Wall, part 2.

Q Un bon slogan du gouvernement?

R On s'excuse depuis 2003.

Q Un bon slogan pour les étudiants?

R Avant, nos parents nous enduraient. Maintenant, ils nous supportent.