Hydro-Québec sous-estime les coûts et les risques de son projet d'installer des compteurs intelligents et le projet de près de 1 milliard pourrait ne pas faire ses frais.

C'est ce qui ressort de divers mémoires déposés à la Régie de l'énergie, dont les audiences se poursuivront pendant encore une dizaine de jours.

Hydro-Québec veut remplacer 3,8 millions de compteurs mécaniques par des compteurs électroniques reliés par un réseau de télécommunications sans fil. La société d'État affirme que ce système permettrait de réaliser des économies d'environ 287 millions grâce à la suppression d'environ 1000 postes de releveurs.

L'Union des municipalités du Québec affirme qu'Hydro-Québec sous-estime divers coûts qui, au total, pourraient faire qu'un gain de 287 millions pourrait se transformer en perte de 236 millions.

L'UMQ recommande tout de même d'aller de l'avant avec le projet, en ajoutant des fonctionnalités plus avantageuses pour les clients.

Par ailleurs, l'UMQ, tout comme le Syndicat des employés de bureau d'Hydro-Québec (SCFP-Local 2000), souligne qu'Hydro-Québec ne mentionne pas toujours dans sa documentation les frais d'infrastructures de technologies de l'information reliés au projet, évalués à 88 millions.

Le SCFP va plus loin en affirmant que ces coûts ont tendance à être sous-évalués chez Hydro-Québec, comme dans l'ensemble du secteur public.

Par exemple, le système informatique de facturation devait coûter à l'origine 270 millions aura coûté au moins 500 millions et son lancement a été marqué par de nombreux problèmes.

De son côté, le Regroupement national des conseils régionaux de l'environnement du Québec (RNCREQ) estime le projet risqué, parce que les coûts sont élevés au départ et que les économies prennent 15 ou 20 ans à se réaliser. Pendant cette période, les coûts du projet exerceront une pression à la hausse sur les tarifs, affirme-t-on.

«L'hypothèse que les compteurs, routeurs et collecteurs ne seront pas remplacés avant 15 ans présuppose que le rythme d'avancement technologique ralentira beaucoup», affirme le RNCREQ, rédigé par les experts du Centre Hélios.

«Le RNCREQ ne conteste pas le fait qu'un compteur électronique aurait normalement une durée de vie fonctionnelle de quinze ans. Cela ne veut pas dire, cependant, que (Hydro-Québec) ne verra pas la nécessité de les remplacer plus tôt pour des raisons d'obsolescence technologique.»

Si cette obsolescence se déclare après 10 ans, le projet accusera encore un déficit de 200 millions, souligne le RNCREQ.

L'organisme conseille de considérer le projet dans son ensemble, avec toutes les fonctionnalités possibles. C'est une question qui a d'ailleurs été posée à Hydro-Québec par le procureur de la Régie de l'énergie hier.

Mentionnant les «raffinements technologiques à venir» et qu'il y a «tellement d'inconnues et de changements possibles», Me Pierre Tourigny a demandé: «Est-ce qu'on ne serait pas mieux de regarder l'ensemble du projet?»

Le SCFP accuse d'ailleurs Hydro-Québec de sous-estimer le nombre de compteurs qui devront être remplacés pendant la durée de vie du projet. Selon Hydro-Québec, 28% des nouveaux compteurs devront déjà être remplacés avant 2031, mais selon le SCFP, il faudrait plutôt affirmer que c'est 100%. Cela entraînerait des coûts additionnels de 200 millions.

Hydro-Québec rétorque qu'elle soucie de façon prioritaire de la «pérennité» de ses nouveaux compteurs. Georges Abiad, responsable de ce projet chez Hydro-Québec, assure que les compteurs sont assez perfectionnés pour s'adapter à l'avenir. «S'il y a une nouvelle technologie de sécurité avancée, le système est bidirectionnel, on peut installer les nouveaux logiciels à distance dans nos compteurs», dit-il.