Le ministre des Finances Raymond Bachand était aux prises avec une grande inconnue en préparant le budget qu'il nous présente aujourd'hui, le dernier sans doute avant les élections générales: combien de temps durera le passage à vide économique que traverse le Québec depuis six mois maintenant?

Voilà pourquoi il faut s'attendre à ce que le ministre colle de près au scénario présenté à l'automne dans Le point sur la situation économique et financière du Québec.

En substance, on y annonçait que le passé avait été meilleur qu'escompté, ce qui permettait de dégager un petit coussin pour faire face à un présent et un avenir immédiat plus incertains.

On y abaissait cependant la prévision de croissance de la valeur de la production en 2012. Ce que les économistes appellent le PIB nominal devrait progresser de 3,7% au lieu de 4,4%. Cela représente une diminution de sept dixièmes de l'assiette fiscale.

Comment combler l'écart, alors que la ponction augmente encore considérablement cette année (voir autre texte)?

En mars 2011, Québec ne savait pas combien il allait toucher en guise de compensation pour l'harmonisation de la taxe de vente provinciale et de la TPS fédérale. En octobre, il savait enfin que 733 millions lui seraient versés en 2012-2013 et 1,47 milliard l'année suivante.

Avec une expansion économique réelle de 1,6% prévue en 2012, la Belle Province ne parviendra sans doute pas à retrouver le niveau d'emploi de juillet dernier, d'ici à décembre. C'est de mauvais augure pour les finances publiques.

Une faible croissance et un marché du travail anémique touchent davantage le Québec que les autres provinces. Selon les comparaisons faites par l'agence DBRS, environ 45% de ses recettes fiscales viennent de l'impôt sur le revenu des particuliers et de la taxe de vente, un sommet canadien.

Une fin d'exercice laborieuse

L'année fiscale qui prend fin dans 11 jours avait pourtant débuté de manière emballante, grâce, entre autres, à la flambée des prix de l'essence et à une création d'emplois appréciable.

Les recettes ont commencé cependant à se tarir en novembre avec la détérioration marquée du marché du travail, amorcée durant l'été.

Comme en fait foi le plus récent Rapport mensuel des opérations financières au 30 novembre 2011, publié à la mi-février, le déficit du mois s'est creusé de 194 millions sur celui de novembre 2010. Et ce, en dépit de la hausse d'un point de pourcentage de la taxe de vente et d'une augmentation de la valeur des ventes des détaillants de 1,8%, entre les deux périodes.

Malheureusement, le Québec a perdu beaucoup d'emplois depuis le sommet de juillet. Le mois dernier, il en comptait 48 900 de moins qu'en février 2011 tandis que le reste du Canada en a ajouté 169 400, selon les données de l'Enquête sur la population active de Statistique Canada.

Après huit mois en 2011-2012, le déficit budgétaire cumulé s'élevait à 1,98 milliard, soit 1,8 milliard de moins que les 3,8 milliards prévus pour l'ensemble de l'exercice.

Bref, avec encore quatre mois à faire, Québec aura pu se permettre un déficit mensuel de 450 millions et atteindre quand même sa cible de déficit. En novembre, toutefois, le manque à gagner s'est élevé à 516 millions.

La cible de 3,8 milliards n'est pas hors d'atteinte pour autant, si on considère que, depuis le 1er janvier, les consommateurs déboursent un point de pourcentage de plus pour la taxe de vente.

Cette hausse explique toutefois en grande partie la poussée automnale des ventes des détaillants, les consommateurs ayant sans doute devancé plusieurs achats discrétionnaires.

Québec peut aussi espérer que les intentions du secteur privé d'investir massivement dans le secteur minier se concrétisent. Selon les calculs de la Banque Nationale, elles atteignent 4,4 milliards et pourraient ajouter un point de pourcentage au PIB nominal.

Un coussin moins rebondi

En 2010 et 2011, le Québec avait connu une croissance robuste au premier trimestre. Cela avait entraîné des rentrées fiscales plus fortes que prévu. Au point où, en octobre dernier, le ministère des Finances a indiqué que le déficit de 2010-2011 avait été de 1,1 milliard inférieur aux 4,2 milliards annoncés en mars.

Bon écureuil, le ministre Bachand a d'ailleurs créé une réserve de 400 millions à titre de provisions pour éventualités en 2011-2012, de 200 millions en 2012-2013 et de 100 millions en 2014-2015.

Québec ne peut cette fois-ci profiter d'une forte croissance en ce début de 2012, susceptible de produire des recettes imprévues. Selon Yves St-Maurice, économiste en chef adjoint chez Desjardins, la croissance réelle annualisée aura été de 1,1% seulement de janvier à mars, ce qui contraste avec la poussée de plus de 3% durant les trois premiers mois de 2010 et 2011.

Hydro-Québec n'aura pu créer d'heureuses surprises cette année. La société d'État a dû baisser son tarif résidentiel le 1er avril (et le fera encore cette année, sur décision de la Régie de l'énergie). Ses ventes à l'exportation ont moins rapporté. L'automne et l'hiver ont été très cléments tandis que le repli du prix de l'aluminium entraînera de plus grandes pertes venant de ses contrats secrets.

Malgré tout cela, M. Bachand va sans doute inscrire un déficit de 3,8 milliards pour l'exercice en cours, de 1,5 milliard pour 2012-2013 et garder le cap sur le déficit zéro l'année suivante, soit un an plus tôt qu'Ottawa.

À moins qu'il ne fasse siens les correctifs suggérés par le vérificateur dans la tenue des livres.

Si l'anémie économique devait persister quelques mois, le ministère des Finances corrigera le tir, en octobre. Entre-temps, nous aurons sans doute été aux urnes en espérant que les partis politiques nous indiquent comment ils entendent faire face à la décroissance de la population active qui nous guette dès 2014-2015.

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EN CHIFFRES

23,63$

La hausse annuelle des cotisations au Régime des rentes du Québec. Le plafond de cotisation maximal pour un employé est fixé à 201,60$. L'employeur paie la même somme.

120 millions

En majorant la taxe sur l'essence de 1 cent le 1er avril prochain, Québec augmente ses recettes de 120 millions.

3,8 milliards

Montant du déficit budgétaire que M. Raymond Bachand devrait inscrire pour l'exercice en cours. Le déficit prévu pour 2012-2013 est de 1,5 milliard et Québec prévoit garder le cap sur le déficit zéro l'année suivante, soit un an plus tôt qu'Ottawa.

1,1%

Croissance réelle annualisée de l'économie québécoise pour la période de janvier à mars, ce qui contraste avec la poussée de plus de 3% durant les trois premiers mois de 2010 et 2011.

1,8 milliards

Hausse prévue du fardeau fiscal des Québécois cette année. Il devrait encore augmenter de 1,6 milliard l'an prochain, selon les calculs de Desjardins.