Raymond Bachand promet de s'occuper des retraités et des retraites. Son troisième budget prévoit une série de mesures pour favoriser le maintien à domicile des aînés, mais, surtout, il mettra en place un programme général de régime de retraite pour rejoindre tous les salariés.

«Il faut prendre soin de nos parents et préparer nos retraites», a laissé tomber le ministre des Finances récemment, pour résumer ses annonces de mardi prochain.

Attendue depuis quelques mois, la mise en place du Régime volontaire d'épargne-retraite (RVER) ne surprendra pas les spécialistes. Ottawa avait annoncé son intention en la matière il y a plus d'un an. Dans son budget, M. Bachand annoncera que Québec veut légiférer très rapidement, pour que le régime soit en fonction le 1er janvier 2013. Le gouvernement va forcer les employeurs à mettre en place un régime de retraite pour tous les employés qui ne bénéficient pas d'un régime complémentaire de retraite déjà prévu par l'entreprise.

Québec ira ainsi plus loin qu'Ottawa, qui ne contraindra pas les employeurs. Il reste à voir les modalités que Québec fixera; environ 60% des salariés du secteur privé n'ont pas d'autre retraite que la pension de vieillesse fédérale et les versements de la Régie des rentes. Si Québec fixait la barre aux firmes de cinq employés et plus, il couvrirait la moitié des entreprises. Si ce seuil était de 10 employés et plus, le programme ne toucherait que 30% des sociétés - au surplus, il recoupe les sociétés de plus de 50 employés qui, en forte majorité, ont déjà des régimes de retraite pour leurs employés.

Le Conseil du patronat (CPQ) s'inquiète du fardeau administratif que constituerait cette obligation pour une très petite entreprise. Yves Thomas Dorval, président du CPQ, a récemment appuyé une intention similaire du fédéral. «Les employeurs, notamment ceux des PME, auront l'occasion d'offrir un régime pour assurer la sécurité financière à la retraite de leurs employés sans toutefois avoir une responsabilité fiduciaire ou être obligés de cotiser», a-t-il expliqué.

Pour le CPQ, ce régime reste financièrement avantageux; en mutualisant la gestion des cotisations de retraite par une institution financière, on réduit les coûts administratifs liés à la gestion des placements. «Avec le vieillissement de la population, quand on regarde ce qu'offrent les régimes de retraite de base, il est important de mettre en place un mécanisme qui offrira une retraite décente aux salariés», observe Yves Millette, vice-président québécois de l'Association canadienne des compagnies d'assurances de personnes.

En vertu du nouveau régime québécois, l'employeur n'est pas tenu de cotiser à la caisse. Le salarié aura l'obligation de faire des contributions déductibles d'impôts, qui seront transférables. À la différence d'un REER, les fonds ne pourront être encaissés avant l'âge de la retraite. Les employés pourront toutefois demander d'être exemptés du régime.

Avec le RVER, le Québec ouvre la marche. D'autres provinces devraient emboîter le pas, mais l'Ontario est plus réticent. Dans les milieux d'affaires, plusieurs ont des réserves et craignent que la mise en place de ce régime ne les contraigne éventuellement à y contribuer. Québec s'en défend en rappelant qu'il s'est engagé à ne pas accroître les charges sur la masse salariale - les entreprises paient déjà 33% de plus sur la masse salariale. Le secteur bancaire risque d'y voir une compétition aux REER, mais le secteur des assurances, qui sera appelé à gérer ces régimes pour les employeurs, saluera l'initiative. Les centrales syndicales auraient préféré une hausse des cotisations et des prestations du Régime des rentes, mais l'arrivée subite de nouveaux retraités aurait déstabilisé le régime pour une vingtaine d'années, explique M. Millette.

Bénéfice collatéral, Québec pense qu'éventuellement, dans un contexte de pénurie de main-d'oeuvre, les employeurs pourraient être tentés de contribuer à ces nouveaux régimes pour attirer ou conserver des employés.

Les travailleurs autonomes pourront créer leur propre régime et s'autocotiser. Principal avantage, ils se créeraient ainsi une obligation à l'épargne - bien des gens négligent leur cotisation annuelle à leur REER. En revanche, le régime sera bien moins souple qu'un REER, comme l'argent devra rester dans le fonds jusqu'à la retraite.

Pas de bonbon

Ce changement important risque d'être le point saillant du budget de mardi prochain, présenté dans un discours «surtout social» qui, même s'il risque d'être le dernier avant les élections, ne contiendra pas de bonbon, promet-on. La marge de manoeuvre est mince - environ 100 millions dans les équilibres budgétaires, 170 millions si on tient compte de la fiscalité. Il s'agit, grosso modo, de la même réserve qu'au précédent budget.

En revanche, les attentes sont énormes, les demandes des groupes entendus lors des consultations prébudgétaires dépassent largement les 800 millions. Le ministre Bachand s'est constitué une réserve de 400 millions pour l'année qui se termine, mais le paiement des 2 milliards fédéraux pour l'harmonisation fiscale de 1990 semble aspiré par des dépenses en croissance constante.

Le ministre des Finances s'est engagé à ne pas hausser les impôts - pas même les droits sur les cigarettes, qui coûtent désormais moins cher au Québec que partout ailleurs au pays. Il n'est pas même tenté de tirer le tapis sous les pieds de Pauline Marois qui a promis d'éliminer la contribution santé universelle de 200$ par année. La lier aux revenus sur la déclaration reviendrait à «hausser les impôts». «J'ai dit que je ne le ferai pas», a tranché M. Bachand, il y a quelques jours, en réponse aux questions de La Presse.

Selon les chiffres des Finances, un salarié qui gagne 15 000$ par année voit sa prime santé remboursée en totalité grâce au crédit d'impôt pour la solidarité. Un ménage dont les revenus sont de 40 000$ paie au net 13$. En tout, pour 2,6 millions de ménages, grâce aux crédits d'impôt, le coût net de la contribution est de moins de 200$.

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EN CHIFFRES

- 60% des salariés du secteur privé n'ont pas de régime de retraite

- 50% des entreprises ont moins de cinq employés

- 100 millions de marge de manoeuvre budgétaire