Il ne faut jamais demandé son chemin à qui n'a pas erré, selon le proverbe. La relation des entrepreneurs québécois à l'échec n'est pas simple: si la faillite est le plus souvent perçue comme un déshonneur, des gens d'affaires revendiquent aussi le droit à l'erreur. Deux d'entre eux ont accepté de témoigner dans nos pages. Leur exemple montre que si l'expérience reste douloureuse, il est toujours possible de tourner la page. Et de foncer.

En juin 2007, l'entreprise de marketing direct Komunik achète une société 10 fois plus imposante et accède du même coup à la Bourse de Toronto. Quelque 17 mois plus tard, la société au chiffre d'affaires de 95 millions et aux 700 employés est en faillite. Le cofondateur de Komunik, Alain Paquin, avait placé toutes ses billes dans l'aventure. Il perd tout.

La chute est brutale. Mais dans cette «période hyperdifficile personnellement et émotivement», en même temps que tout s'écroule, il bâtit quelque chose de neuf.

Trois ans plus tard, Alain Paquin, 44 ans et entrepreneur dans l'âme, nous accueille dans les bureaux de Whatsnexx, dans le Vieux-Montréal, une PME qui a récemment mis sur le marché une nouvelle technologie pour coordonner les actions de marketing direct des entreprises.

Candidement, Alain Paquin raconte comment il a frappé le mur. Komunik acquiert Groupe Datemark Systems en 2007 au prix d'un lourd endettement. Il faut une importante restructuration de la nouvelle entité, mais la crise du crédit arrive trop vite.

«Nous étions endettés, les marges étaient faibles et notre banque voulait se retirer», résume l'ancien président et chef de la direction.

Komunik, qui vaut quelque 80 millions à la Bourse, vend ses actifs en pièces détachées pour rembourser 17 millions à la banque. Il ne reste plus rien pour les actionnaires. Alain Paquin détenait environ le tiers des actions.

«J'avais mis tous mes oeufs dans le même panier, souligne M. Paquin. Les créanciers ne croyaient pas que je n'avais plus d'argent nulle part.» M. Paquin évite la faillite personnelle en négociant des ententes avec les créanciers, qu'il paie encore aujourd'hui.

«Il y avait beaucoup de peur, concède-t-il en repensant à ces temps durs. Mais il faut savoir lâcher prise et regarder en avant.»

C'est ce qu'il fait sans attendre avec Whatsnexx, à partir d'une idée qu'il n'avait pu développer chez Komunik et avec quatre employés qui le suivent. «Je ne me suis jamais vraiment donné de temps pour récupérer après les échecs, dit M. Paquin. On me suggérait de faire de la consultation pendant un an ou deux. Mais c'est presque physique, il faut que je bâtisse quelque chose.»

Encore faut-il que M. Paquin trouve des appuis financiers après la banqueroute de sa précédente entreprise. Des amis l'aident à payer ses premiers employés. Puis des investisseurs privés et des fonds de capital-risque lui donnent le coup de pouce financier pour progresser. Bizarrement, «les gens me faisaient confiance tout en me disant qu'au Québec et au Canada, les gens ne font habituellement pas confiance après une faillite.»

Il s'attendait à une réaction négative des gens par rapport à son échec. Il n'en fut rien. «J'ai été beaucoup plus dur avec moi que les autres l'ont été», dit-il.

Whatsnexx compte maintenant 26 employés et compte parmi ses clients des firmes comme L'Oréal, Buroplus et le distributeur de pièces d'autos UAP.

Aujourd'hui, M. Paquin dit avoir appris à vivre avec les cycles d'une carrière d'entrepreneur, à travers le démarrage, les succès et les obstacles. «Le bonheur n'est pas en corrélation avec ces cycles-là», philosophe-t-il.

«J'ai une vie riche, dit-il avec le recul, et je ne parle pas d'argent.»«Je ne me suis jamais vraiment donné de temps pour récupérer après les échecs. Mais c'est presque physique, il faut que je bâtisse quelque chose.»