Les dirigeants du fabricant de jouets Mega Brands (T.MB), qui sont poursuivis pour délits d'initié par l'Autorité des marchés financiers (AMF), invoquent une date butoir réglementaire pour justifier les transactions d'actions qu'on leur reproche à la mi-décembre 2005, alors qu'ils venaient d'apprendre le décès d'un bambin américain attribué à un jouet de l'entreprise.

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Appelés à témoigner mercredi devant le Bureau de décision et de révision en valeurs mobilières (BDRVM, le tribunal administratif en finance au Québec), les deux principaux accusés dans cette affaire, Marc et Vic Bertrand, de la famille fondatrice de Mega Brands, ont soutenu avoir été avisés que leurs options d'achat d'actions risquaient d'être «bloquées» pendant des mois s'ils ne les exerçaient pas avant la fin de cette semaine de la mi-décembre 2005.

«Nous devions faire ça avant le vendredi (17 décembre 2005) pour éviter d'être barrés jusqu'en mai (2006). Je n'appréciais pas cet échéancier», a dit Marc Bertrand, président de Mega Brands. Il répondait aux questions de l'avocate de l'AMF sur sa levée d'options et sa revente de 100 000 actions effectuées le 15 décembre 2005.

Cette transaction lui a valu un gain de 2,3 millions, de même qu'à son frère Vic Bertrand, vice-président de Mega Brands, qui a fait une transaction équivalente la même journée.

Moment suspect

Pour leur part, deux autres dirigeants d'alors chez Mega Brands, Alain Tanguay, chef des finances, et Brahm Segal, vice-président et conseiller juridique, ont levé des options pour 45 000 actions qu'ils ont revendues les 14 et 15 décembre 2005, pour un gain total de 562 500$.

Eux aussi ont invoqué une date butoir pour l'exercice de leurs options en argument préliminaire de défense lors de leur comparution devant le BDRVM.

Mais pour l'AMF, cet argument réglementaire ne fait pas le poids face au moment suspect de ces transactions, deux jours après qu'ils eurent appris le décès du bambin américain.

Un risque d'affaires

D'autant plus que cet incident mortel lié à un jouet provenant de la nouvelle filiale de Mega Brands, Rose Art, acquise quelques mois auparavant, impliquait un nouveau risque d'affaires important qui aurait dû être communiqué immédiatement aux investisseurs boursiers.

«N'est-ce pas la pire chose pour un fabricant de jouets, le décès d'un enfant attribuable à l'un de ses produits?», a demandé l'avocat de l'AMF à chacun des accusés appelés à la barre.

«C'était extrêmement tragique comme nouvelle», a acquiescé Vic Bertrand.

«Après avoir été informés de ce décès, il y avait un sentiment d'urgence d'adresser cette situation (sic) et de préparer la gestion médiatique», a indiqué pour sa part Alain Tanguay.

Malgré ce contexte, ont fait valoir les procureurs de l'AMF, il s'est écoulé quelques semaines avant que les dirigeants de Mega Brands mentionnent cette affaire aux investisseurs boursiers, lors d'une téléconférence d'analystes.

C'est tout au début de ce défaut de divulgation, à la mi-décembre 2005, que les quatre dirigeants de Mega Brands ont échangé quelque 245 000 actions de l'entreprise.

«Ces transactions ont été effectuées sur la base d'informations privilégiées non connues du public», lit-on dans la demande de condamnation de délits d'initiés et d'amendes déposée contre eux par l'AMF.

Si le BDRVM accueille cette plainte, les quatre dirigeants de Mega Brands pourraient écoper d'amendes totalisant 6,5 millions, en plus de devoir se conformer à restrictions boursières.

Il s'agit de la plus grosse réclamation pour délit d'initié jamais déposée par les autorités boursières du Québec.

L'audience se poursuit jusqu'à demain et doit reprendre pour sa conclusion à la fin février.