L'ex-avocat Dany Perras, soupçonné de fraude, propose aux clients qui ont été victimes de ses agissements de leur rembourser environ 6% des fonds qui lui avaient été confiés, plus une somme indéterminée.

C'est ce qui ressort de la proposition concordataire déposée mardi au palais de justice de Montréal. La proposition, si elle est acceptée, permettrait à Dany Perras d'éviter la faillite, que réclament certains créanciers.

Le 19 octobre, Dany Perras a démissionné du Barreau du Québec après que des clients se furent plaints d'être incapables de récupérer les fonds versés dans son compte en fidéicommis. Le syndic du Barreau mène son enquête.

L'argent envolé

Il ne resterait pratiquement plus rien des sommes qu'ont confiées à M. Perras une dizaine de ses clients alors qu'il était leur avocat, selon Me Neil Stein, qui a déposé une requête en faillite au nom de deux créanciers. Les fonds de la dizaine de clients totalisent 6,7 millions de dollars.

L'affaire s'apparente à une fraude «à la Ponzi», selon Me Stein, qui dit avoir constaté que M. Perras a retiré certaines sommes au moyen de fausses signatures. Essentiellement, les clients s'étaient fait promettre de gros rendements s'ils avançaient des fonds durant quelques semaines. Ceux-ci ne devaient toutefois pas être retirés du compte en fidéicommis. Depuis la mi-novembre, M. Perras a été la cible d'actes criminels à deux reprises. Les deux véhicules garés dans l'entrée de sa maison de Hampstead ont été incendiés, et des individus ont lancé des pierres dans les fenêtres de la propriété.

Pour éviter la faillite, Dany Perras a soumis une proposition à ses créanciers, mardi. Essentiellement, il promet aux victimes de leur verser la valeur nette de divers actifs, mais ces sommes seraient versées de toute façon advenant une faillite. Qui plus est, elles ne sont pas déterminées, et vraisemblablement très faibles en regard des créances.

La seule nouvelle contribution serait une somme de 400 000$ - de provenance indéterminée - versée par M. Perras, qui équivaudrait à 6% de l'ensemble des créances.

Valeur de la maison

La valeur nette de la maison familiale est au coeur de la proposition. Mais même sans proposition, elle serait remise aux créanciers par le syndic de faillite.

La valeur foncière la plus récente de la propriété est de 1,1 million de dollars. Selon le registre foncier, l'immeuble a été grevé d'une hypothèque de 885 000$ de la Banque Nationale en 2007 et d'une hypothèque légale de 113 091$ de Revenu Québec, en décembre dernier. Autrement dit, il ne restera plus grand-chose pour les victimes, d'autant plus que M. Perras ne peut leur offrir que la moitié de la valeur nette de la maison, l'autre partie étant détenue par sa conjointe, qui le poursuit également.

En plus de la maison, l'ex-avocat promet de verser aux victimes 50% des honoraires qu'il pourrait encore recevoir pour des services rendus à des clients par le passé à titre d'avocat. La somme n'est pas estimée et elle serait versée aussi advenant une faillite.

Dany Perras promet également de verser les fonds de ses clients qui ont été investis dans divers projets qui pourraient être récupérés. Cet argent a été investi à l'insu des clients à partir de son compte en fidéicommis. L'avocat Neil Stein, qui réclame la faillite, soutient toutefois qu'il n'y aurait pratiquement plus rien à récupérer dans ces projets.

Ordonnance de non-publication

Essentiellement, trois entités ont reçu ces fonds, selon ce qu'indique la proposition, mais une ordonnance de la juge Chantal Corriveau rendue hier matin nous interdit d'en publier les noms puisque ces entités seraient protégées par le secret entourant la relation client-avocat. Conséquemment, il nous est impossible de rendre publiques certaines révélations troublantes de notre enquête sur ces entreprises et leur dirigeant.

Mentionnons tout de même que, parmi les noms inscrits à titre d'actionnaires de ces entreprises, figure un avocat d'un grand cabinet et un artiste peintre connu. Joints au téléphone, les deux disent n'avoir pas grand-chose à voir avec ces organisations. «Je n'ai jamais été ni actionnaire, ni administrateur, ni quoi que ce soit. Le document du registre des entreprises est faux», a expliqué l'avocat, qui dit cependant connaître l'âme dirigeante de deux des entreprises.

La juge a accepté partiellement l'interdiction de publication réclamée par Dany Perras parce que le dossier révélerait des informations sur ces ex-clients qui seraient protégées par le secret professionnel. L'ordonnance est valide jusqu'au 14 février, à moins que tous les ex-clients renoncent d'ici là au secret professionnel.

D'ailleurs, certains, en pratique, y ont déjà renoncé en intentant des poursuites civiles indépendantes du dossier de faillite. Celles-ci qui ont été rendues publiques au palais de justice au cours des dernières semaines. Le Barreau est intervenu dans le dossier et vérifie auprès des clients s'ils renoncent au secret professionnel.