Depuis sa dernière Coupe Stanley, le Canadien de Montréal est la troisième équipe de la Ligue nationale de hockey (LNH) la plus instable derrière le banc. Dix changements d'entraîneur ont eu lieu depuis 1993, comparativement à une moyenne de sept dans la LNH.

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Selon des experts en gestion d'entreprise de l'Université Harvard et de l'Université de Toronto, l'instabilité derrière le banc du Tricolore s'explique en partie par les attentes trop élevées dans les gradins du Centre Bell et l'absence d'une autre équipe sportive de la même envergure.

Contrairement aux autres grandes villes de la LNH comme Toronto, Boston, Philadelphie et New York, Montréal n'a qu'une seule équipe parmi les quatre circuits majeurs de sport professionnel, fait valoir Stephen Greyser, professeur d'administration à l'Université Harvard. Les partisans du Canadien de Montréal n'ont pas vraiment d'alternative en cas d'insuccès de leurs favoris. «Les partisans montréalais ont des attentes encore plus élevées que ceux des Bruins. À Boston, il y a d'autres équipes majeures de sport professionnel. À Montréal, la réalité est différente», dit Stephen Greyser, qui enseigne notamment l'économie du sport à la Harvard Business School.

La thèse de Stephen Greyser fait écho auprès d'autres experts en gestion d'entreprise à Toronto et Montréal. «Les partisans du Canadien sont si passionnés qu'ils veulent la Coupe Stanley chaque année. C'est tout simplement impossible», dit Richard Powers, professeur d'administration à l'Université de Toronto.

«A-t-on mal choisi les entraîneurs? N'est-on pas assez patient avec eux? Le public montréalais est beaucoup plus sophistiqué en hockey et les attentes sont plus élevées qu'ailleurs», dit Michel Nadeau, directeur général de l'Institut sur la gouvernance d'organisations privées et publiques et ex-numéro deux de la Caisse de dépôt et placement du Québec.

La passion pour le hockey est certainement aussi forte à Toronto qu'à Montréal, en dépit de la présence des Blue Jays de Toronto au baseball. Mais depuis son arrivée en 2008, le directeur général des Maple Leafs, Brian Burke, a gardé le même entraîneur en place (Ron Wilson). Pendant ce temps, le Canadien a fait appel à quatre entraîneurs (Guy Carbonneau, Bob Gainey, Jacques Martin et Randy Cunneyworth). Pourtant, les Maple Leafs n'ont pas participé aux séries éliminatoires en trois saisons, alors que le Tricolore a fait les séries chaque année. «À Toronto, Brian Burke a de l'expérience et une réputation de gagnant, alors il a pu demander aux partisans d'être patients. Il sera éventuellement jugé sur ses résultats comme tout le monde, mais il a été capable de gérer les attentes des partisans jusqu'à maintenant», dit Stephen Greyser, de l'Université Harvard.

Autre exemple de stabilité dans une métropole canadienne qui ne jure que par le hockey: Alain Vigneault - ironiquement un ancien entraîneur du Tricolore - dirige les Cancuks de Vancouver depuis 2006. «Un entraîneur qui dure, c'est plutôt l'exception, dit le professeur Greyser. Quand les partisans sont déçus, congédier l'entraîneur est la façon la plus facile d'apaiser leur déception. Mais quand une équipe ne parvient pas à remplir les attentes de façon répétitive, le problème est généralement plus important que l'entraîneur.»

Des quatre circuits majeurs de sport professionnel en Amérique du Nord, ce sont les équipes de la LNH qui sont les moins patientes avec leurs entraîneurs. La durée de vie d'un entraîneur varie entre 3,2 ans dans la LNH et 3,9 ans dans la NFL. «Ce n'est pas si différent d'un PDG d'une grande entreprise, qui reste en moyenne entre quatre et six ans selon des études américaines, dit Richard Powers, professeur d'administration de l'Université de Toronto qui fait partie du conseil d'administration de Rugby Canada. Vrai, plusieurs PDG partent parce qu'ils vont à la retraite. La grande différence, c'est la nature publique de l'emploi. Entraîneur du Canadien, c'est l'emploi de gestion le plus beau et le plus difficile au Québec.»

Heureusement pour les PDG du Québec inc., les actionnaires sont beaucoup plus patients que les partisans du Canadien. «Le métier d'entraîneur de sport professionnel a l'un des taux de roulement les plus importants, tous postes de gestionnaire confondus. Il y a un paquet de «gérants d'estrade». En plus, il y a davantage de candidats pour diriger le Canadien que l'Institut de cardiologie par exemple», dit l'ex-numéro deux de la Caisse de dépôt Michel Nadeau, qui croit que le Canadien aurait au moins dû donner une date butoir à son nouvel entraîneur par intérim Randy Cunneyworth pour apprendre le français.