Les députés de l'opposition continuent de mettre en doute l'intérêt que peut retirer le Québec de l'accord de libre-échange Canada-Europe, après avoir entendu le témoignage du négociateur pour le Québec, Pierre Marc Johnson.

M. Johnson a passé trois heures en commission parlementaire, jeudi, à faire le point au profit des élus sur les négociations qui en sont rendues au dernier droit entre le Canada et l'Union européenne, en vue de libéraliser leurs échanges commerciaux.

L'ex-premier ministre, qui a été mandaté en 2009 par le premier ministre Jean Charest pour représenter le Québec à la table des négociations du côté canadien, a tenté de se faire rassurant, en faisant valoir aux députés que cet accord permettra au Québec d'augmenter sa prospérité, lui facilitant l'accès à un marché de 500 millions de personnes.

«Cet accord avec l'Europe permettra d'augmenter la prospérité» du Québec, a plaidé celui qui a été brièvement premier ministre en 1985. Il a dit qu'il fallait avoir de la richesse pour la transférer.

Mais plusieurs députés de l'opposition sont restés sur leur faim, sont montrant très inquiets du caractère secret des négociations. Ils ont dit craindre que l'accord menace de nombreuses politiques québécoises, notamment à l'égard de la convention sur la diversité culturelle, la protection de l'eau, la gestion de l'offre dans le secteur agricole ou encore l'exploitation des ressources naturelles par Hydro-Québec.

Ces appréhensions ne sont pas fondées, selon M. Johnson, qui s'est appliqué à tenter de défaire leurs arguments point par point.

Quant au fait qu'aucun document n'ait été rendu public, M. Johnson a expliqué que dans ce type de négociations cette façon de faire était normale.

«On travaille dans la discrétion. C'est ça une négociation commerciale», a-t-il soutenu.

Quant à lui, le député de Mercier, Amir Khadir, est intervenu pour estimer que M. Johnson s'était placé en conflit d'intérêts dans ce dossier, ce que n'a pas apprécié le négociateur du Québec, se sentant insulté.

«Ce sont des affirmations gratuites», a répliqué M. Johnson, quand le député de Québec solidaire a mis en doute son intégrité. Il  reproche à l'avocat de Heenan Blaikie de s'être placé en conflit d'intérêts, et lui a demandé la liste de lobbyistes rencontrés faisant la promotion de la filière nucléaire ou des déchets nucléaires. Il l'accuse aussi d'être un dirigeant d'une multinationale de l'eau, Veolia, ce qu'a nié dans le passé M. Johnson.

«La transformation de cette commission en tribunal du peuple, populiste et démagogique» n'est pas acceptable, a répliqué l'avocat, en ajoutant qu'il se conformait en tous points au code de déontologie de sa profession.

Pressé de questions, par ailleurs, sur la possibilité que les Européens puissent avoir accès aux contrats octroyés par Hydro-Québec, le négociateur a indiqué que la société d'État québécoise ne figurait pas dans l'offre déposée sur la table et présentement à l'étude.

L'opposition péquiste ne s'est pas montrée davantage rassurée.

«On pense pouvoir exclure Hydro-Québec, mais on n'a aucune garantie», a dit par la suite le député de Lac-Saint-Jean, Alexandre Cloutier, en point de presse.

La protection culturelle a également été au coeur des échanges. Sur ce point, M. Johnson a dit qu'il souhaitait que la convention sur la diversité culturelle soit inscrite dans le préambule de l'accord final.  «C'est une préoccupation claire», a-t-il dit, laissant les députés de l'opposition encore une fois sur leur faim, eux qui voulaient des garanties.

«C'est une volonté. On sent bien que ce n'est pas une décision complète, unanime», a déploré le député indépendant de Borduas, Pierre Curzi.

Quant au secteur agricole, M. Johnson dit que la gestion de l'offre, à laquelle les producteurs tiennent mordicus parce qu'elle protège la production locale, «n'est pas menacée». «Le premier ministre du Canada a dit qu'il ne la remettrait pas en cause», a précisé M. Johnson, ajoutant que c'était aussi la position du Québec.

Pour ce qui est de l'eau, c'est un bien public et cela ne fait pas partie des enjeux à l'étude, assure-t-il.

De façon générale, certains députés craignent un affaiblissement des pouvoirs du Québec si l'accord est ratifié.

Mais M. Johnson n'est pas de cet avis. «Je suis extrêmement optimiste quant à l'atteinte d'une série de nos objectifs», a-t-il dit.

Il a rappelé que l'entente à venir débordait du strict cadre commercial, car elle visait à éliminer les tarifs, atténuer, voire éliminer les barrières tarifaires et non-tarifaires, assurer une réciprocité «raisonnable» aux marchés publics, et faciliter une plus grande mobilité aux personnes et aux biens.

Le peuple québécois «ne se repliera pas sur lui-même», a prédit M. Johnson.

Photo: Jacques Boissinot, PC

Cet après-midi sur la colline parlementaire à Québec, un cheval de Troie, haut de cinq mètres, accompagnait une manifestation demandant un débat public sur les pourparlers de libéralisation des échanges entamés en 2009 par Ottawa et Bruxelles.